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Serge Letchimy
Question N° 23857 au Ministère des Affaires étrangères


Question soumise le 27 mai 2008

M. Serge Letchimy s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères et européennes. Tout récemment, le FMI et la Banque mondiale ont tiré la sonnette d'alarme devant la forte hausse du prix des denrées alimentaires de base et des émeutes de la faim qui en ont résulté dans plusieurs dizaines de pays. En un an, les prix du riz et du blé ont doublé, celui du maïs a progressé de plus d'un tiers. Le coût d'un repas a fortement augmenté et les risques de famine sont très inquiétants, lors même que certains marchés abondent pourtant en nourriture. La Banque mondiale semble surtout inquiète pour les troubles sociaux que cette situation engendre. Ils pourraient de fait sérieusement malmener le système économique néolibéral promu avec force depuis 25 ans par ces mêmes institutions. Or, ce modèle de (non)gouvernance internationale est structurellement générateur de pauvreté, d'inégalités, de corruption et au final de destruction des tissus socio-économiques. Au premier rang des accusés : l'explosion de la consommation alimentaire des Indiens et Chinois... L'explication est un peu juste. Peut-on sérieusement reprocher aux peuples chinois et indien de vouloir se nourrir comme les habitants des pays les plus riches, sans risquer d'exprimer une position politique ouvertement impérialiste, sinon raciste. Au-delà des raisons conjoncturelles avancées en ce domaine (changement climatique, augmentation de la consommation, réduction de la production au profit des agrocarburants, etc.), les crises actuelles constituent en réalité une conséquence prévisible et structurelle des profondes dérégulations engendrées depuis 30 ans par les mutations économiques internationales (la « mondialisation néo-libérale ») et la « financiarisation » du capitalisme. Alors que les produits alimentaires de base, indispensables à la survie de millions de personnes de par le monde, deviennent des biens financiers comme d'autres et sont objets de pratiques spéculatives intenses, les riches pays du Nord ont imposé à ceux du Sud des restructurations qui se sont traduites par le retrait de l'État comme élément régulateur de la vie économique et des échanges internationaux. Au moindre choc affectant la production ou sa distribution, les cours des produits de base deviennent en pratique incontrôlables. La vie de millions de personnes en est réduite aux caprices des places boursières occidentales. En réduisant les souverainetés nationales et la démocratie (pourtant officiellement promue par ces mêmes riches États) à des coquilles vides sans pour autant leur substituer un mécanisme régulateur cohérent au niveau international, ces mutations ont interdit aux pays les plus exposés de se doter des mécanismes élémentaires de contrôle de secteurs économiques vitaux pour leur population. Il ne suffit donc pas que la Banque mondiale ou le FMI agitent le spectre "de(s) centaines de milliers de personnes (qui) vont mourir de faim" tandis que les gouvernements occidentaux continuent de bâtir un système économique mondial profondément inégalitaire, injuste et destructeur. Il faut exiger l'annulation totale et immédiate de la dette extérieure publique des pays du sud. Il faut exiger l'abandon des politiques néo-libérales et l'émergence d'une nouvelle gouvernance de l'économie mondiale, axée sur une juste répartition des richesses entre les peuples et au sein des peuples. À l'heure où la France s'apprête à prendre la présidence de l'Union européenne, au vu des urgences que révèle la situation, il lui demande quelles initiatives notre pays compte prendre pour tenter d'avancer en ce sens.

Réponse émise le 11 novembre 2008

Lors de la conférence à haut niveau organisée par la FAO le 3-5 juin 2008 à Rome, la communauté internationale a réaffirmé son engagement à lutter contre la faim et à résoudre la crise alimentaire provoquée par la hausse des prix des matières premières agricoles. Au-delà de la spéculation qui a pu jouer un rôle catalyseur dans le niveau atteint par les prix, les experts considèrent que c'est l'érosion progressive des stocks qui a été la cause fondamentale de la hausse des prix. La connaissance de la dynamique des marchés mondiaux et leur régulation sont donc au coeur des problèmes d'équilibre alimentaire. Le président Sarkozy a proposé, dès le mois d'avril 2008, la mise en oeuvre d'un partenariat mondial pour l'alimentation et l'agriculture construit sur trois piliers : une gouvernance rassemblant tous les acteurs concernés (institutions internationales, États, acteurs non gouvernementaux), un réseau international et indépendant d'experts et de scientifiques et une mobilisation financière au bénéfice de l'agriculture des pays en développement, avec notamment la création d'une facilité internationale pour compléter la palette des outils de l'aide internationale de manière à soutenir l'innovation. Le dernier sommet du G8 a confirmé cet appel à construire un partenariat global assis sur l'implication de tous les acteurs concernés, ainsi que la nécessité d'une expertise scientifique internationale sur la sécurité alimentaire mondiale. En réaction à la crise récente, la France a réagi de façon pragmatique : l'aide alimentaire a été portée à 60 MEUR en 2008, contre 30 MEUR en moyenne au cours des dernières années. Rappelons aussi que la France agit à travers la Commission européenne, dont elle est le principal contributeur au FED ; or, dernièrement, la Commission a proposé la création d'un nouvel instrument destiné à fournir une aide de court et moyen terme aux pays les plus durement touchés par la crise alimentaire, dit « facilité de réponse rapide à la flambée des prix alimentaires dans les pays en développement ». Cette proposition est en cours de discussion dans les enceintes communautaires. Elle porterait sur un montant d'un milliard d'euros sur deux à trois ans.

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