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Jean-Paul Lecoq
Question N° 23456 au Ministère du Travail


Question soumise le 20 mai 2008

M. Jean-Paul Lecoq attire l'attention de M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité sur la question de la valorisation de la retraite des femmes. Car, il est prôné l'égalité homme-femme, mais il faut bien admettre qu'en matière de retraite, les femmes se trouvent indéniablement lésées. En effet, celles-ci travaillent dans leur grande majorité et lorsqu'elles décident d'avoir des enfants, le manque d'offre de modes de garde, la durée du congé de maternité jugée trop courte surtout en cas d'allaitement au sein, et tout simplement le besoin mutuel de proximité entre la mère et le nourrisson font que, dans la grande majorité des cas, ce sont les femmes et non les hommes (bien que ce droit leur est également ouvert) qui optent pour un congé parental pouvant aller de la première à la troisième année de l'enfant. À l'issue de ce congé, le plus souvent, elles choisissent de reprendre une activité partielle afin de conjuguer au mieux la vie de famille, et réduisant ainsi les dépenses liées aux frais de garde. Et pour celles qui décident d'arrêter complètement leur activité professionnelle le temps d'élever leurs enfants, elles se retrouvent le plus souvent dans de grandes difficultés lorsque, plusieurs années plus tard, elles recherchent un emploi. Notamment, eu égard au fait que le marché de l'emploi a changé et que leur qualification initiale ne peut plus être un argument d'embauche ; soit parce qu'elle est devenue obsolète, soit par manque d'expérience récente. Longtemps déconnectées du monde du travail, les femmes éprouvent des difficultés à retrouver un emploi. L'heure du bilan est alors sévère. Car même si l'assurance retraite attribue huit trimestres par enfant, cela demeure insuffisant. Car, dans la pratique, elles auront consacré bien plus à leur chère progéniture, et ce, en harmonie avec la conception de la famille française comme étant une valeur à protéger et à encourager. Pour le calcul de la retraite, les critères homme-femme sont les mêmes, les critères parents ou non, n'entrent pas en ligne de compte, par conséquent, les femmes qui ont consacré du temps à leurs enfants bénéficient d'une retraite moins élevée. Face à ce constat ne serait-il pas juste de proposer, en fonction de la situation et des choix des celle-ci, des mesures favorables aux femmes ? À savoir, l'abaissement de l'âge de la retraite pour les femmes ou l'abaissement du nombre des trimestres requis pour bénéficier d'une retraite complète. Il convient de ne pas confondre l'égalité et l'égalitarisme, en effet, accorder une mesure plus favorable aux femmes qui ont consacré leur temps à leurs enfants lorsque celles-ci se retrouvent dans une situation différente de celle des hommes (qui n'ont pas choisis cette option laquelle pourtant leur est offerte par les textes) ou de celle des femmes qui ont choisies de ne pas avoir d'enfant (soit par volonté de ne pas procréer, soit par volonté de ne pas adopter), est une mesure visant l'équité car instaure un équilibre dans le calcul des retraites. Par contre les mesures actuelles consistant à ne faire aucune distinction entre ces catégories de personnes qui, de fait, se retrouvent dans des situations différentes, mettent en place une forme d'égalitarisme contestable et inéquitable dans ce sens où le «sacrifice» de ces femmes est ignoré, cela ne correspond pas aux valeurs sociétales de la France. Il le remercie de bien vouloir donner son avis sur ces questions.

Réponse émise le 30 septembre 2008

L'attention de M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité a été appelée sur la question de la majoration des trimestres de retraite pour les pères et pour les mères de famille. Les femmes élevant des enfants voient, le plus souvent, leur carrière ralentie par rapport aux hommes et le bénéfice de la majoration de durée d'assurance qui leur est réservé dans le régime général se justifie par l'importance des inégalités constatées entre hommes et femmes en matière de droits à retraite. En 2005, les femmes disposaient d'un montant de pensions de base inférieur de 23 % (38 % avec la complémentaire) à celui des hommes, même si les carrières féminines sont en voie d'amélioration. La persistance d'écarts significatifs entre hommes et femmes apparaît comme un élément important de justification de la majoration de durée d'assurance des femmes. Comme le rappelle l'Institut national des études démographiques (Population et Sociétés n° 426 septembre 2006), si la naissance d'un enfant ne modifie guère l'activité professionnelle des hommes (6 %), les femmes sont 40 % à déclarer un changement de situation. C'est pour remédier aux conséquences qui en découlent encore aujourd'hui sur les retraites des femmes que le législateur, notamment à l'occasion du débat sur la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites, a maintenu à leur bénéfice une majoration de durée d'assurance. Par ailleurs, il convient de rappeler que les hommes interrompant ou diminuant leur activité professionnelle pour se consacrer à l'éducation de leur enfant peuvent d'ores et déjà bénéficier d'un avantage de retraite qui prend en compte leur situation, hommes et femmes étant à cet égard traités dans les mêmes conditions. Ainsi, le père assuré ayant obtenu un congé parental d'éducation dans les conditions de l'article L. 122-28-1 du code du travail, ou un congé parental dans les conditions prévues par l'article 21-VII de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978, bénéficie d'une majoration de sa durée d'assurance égale à la durée effective du congé parental (article L. 351-5 du code de la sécurité sociale). Les femmes peuvent également bénéficier de cet avantage en lieu et place de la majoration de durée d'assurance mentionnée à l'article L. 351-4 lorsque cela leur est plus favorable, mais non de manière cumulative. Par ailleurs, la compensation des périodes pendant lesquelles le père ou la mère se consacre à l'éducation de ses enfants en cessant son activité ou en diminuant son temps de travail peut donner lieu, sous certaines conditions tenant notamment aux ressources du foyer, à l'affiliation à l'assurance vieillesse des parents au foyer (art. L. 381-1 du code de la sécurité sociale). Aucune condition de réduction ou de cessation d'activité n'est requise pour le parent isolé, pour lequel le plafond de ressources est en outre plus favorable (24 532 euros pour un enfant, 28 245 euros pour deux enfants. 32 700 euros pour trois enfants par exemple pour certaines prestations). La Cour de cassation, dans un arrêt en date du 21 décembre 2006, a octroyé la majoration de durée d'assurance de l'article L. 351-4 du code de la sécurité sociale à un homme assuré du régime général et ayant élevé seul son enfant, sur le fondement de l'article 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH), qui interdit les discriminations fondées sur le sexe sans justification objective et raisonnable. Il convient d'abord de souligner que l'octroi de la majoration à l'assuré a été conditionné par la Cour de cassation à condition que celui-ci ait prouvé qu'il avait assuré, seul, la charge de ses enfants. Le caractère bref et circonstancié de la motivation de la Cour de cassation n'autorise pas une interprétation allant au-delà du seul cas visé en l'espèce. En effet, la Cour de cassation s'est bornée à valider la motivation de la Cour d'appel qui a relevé que la majoration de durée d'assurance profitait aussi bien aux femmes qui ont poursuivi leur carrière qu'à celle qui l'ont interrompue et a conclu qu'il n'existait aucun motif de faire une discrimination entre une femme qui n'avait pas interrompu sa carrière pour élever ses enfants et un homme apportant la preuve qu'il avait élevé seul son enfant. En matière de jurisprudence sur l'article 14 de la convention, la Cour européenne des droits de l'homme a une jurisprudence bien établie aux termes de laquelle elle juge une disposition de droit interne discriminatoire si elle manque de justification objective et raisonnable, soit qu'elle ne poursuit pas un but légitime, soit qu'elle n'établit pas de rapport proportionné entre les moyens employés et le but visé. Elle admet toutefois que les États disposent d'une marge d'appréciation pour déterminer si et dans quelle mesure des différences entre des situations à d'autres égards analogues justifient des différences de traitement. À cet égard, le Conseil constitutionnel dans sa décision du 14 août 2003 a jugé qu'il appartenait au législateur de prendre en compte les inégalités de fait subies par les femmes et qu'il pouvait maintenir des dispositions destinées à compenser des inégalités normalement appelées à disparaître et il s'est prononcé au regard du principe d'égalité dans des termes qui, même s'il n'avait pas à exercer un contrôle du respect de la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH), sont parfaitement compatibles avec cette convention. Enfin, l'évolution des avantages familiaux et conjugaux de retraite fait l'objet depuis le début de l'année de travaux approfondis dans le cadre du Conseil d'orientation des retraites. Les risques de discrimination, notamment au regard des principes garantis par la CEDH, relatifs aux règles d'attribution de la majoration de durée d'assurance des femmes assurées sociales, figurent parmi les principales questions en cours d'expertise.

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