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Jean-Paul Lecoq
Question N° 22045 au Ministère des Affaires étrangères


Question soumise le 29 avril 2008

M. Jean-Paul Lecoq alerte M. le ministre des affaires étrangères et européennes sur les émeutes de la faim. Lors du sommet des Nations Unies sur l'environnement et le développement de 1992 à Rio de Janeiro, les pays avaient déjà constaté que l'humanité se trouve à un moment crucial de son histoire et que nous assistions à la perpétuation des disparités entre les nations et les peuples et, à l'intérieur des nations, à une aggravation de la pauvreté, de la faim, de l'état de santé et de l'analphabétisme et à la détérioration continue des écosystèmes. Plus de 15 après, la situation s'est encore aggravée et la pauvreté, au lieu d'être éradiquée, s'est étendue partout. Afrique, Asie, Amérique latine, Caraïbes: la carte des "émeutes de la faim" s'étend chaque jour. Le monde est confronté au spectre des grandes famines alors même que le capitalisme traverse une crise financière et économique dangereuse. Essorés par le marché des crédits, les fonds d'investissement spéculatifs placent leurs billes sur les matières alimentaires. Soja, blé, maïs, riz, les nouvelles valeurs refuge ! Le prix du riz bondit de 31 % le 27 mars 2008, après l'annonce par quatre pays de la suspension de leurs exportations au moment où les Philippines réclamaient 500 000 tonnes. Les fonds s'engouffrent, achètent, et stockent. La tendance mondiale à la hausse des prix alimentaires et à la spéculation de la part des grandes compagnies transnationales et des fonds d'investissements devrait se poursuivre, prévient le Fonds international pour le développement agricole (FIDA). Pétrole cher, gaspillage d'énergie et surconsommation de pétrole dans les pays développés, programmes d'ajustement structurel imposés aux pays du sud, hausse de la consommation de viande en Asie, réorientation de parcelles vers la production de biocarburants, climat déréglé et spéculations financières ont contribué, selon l'organisation, à l'augmentation des prix alimentaires dont les conséquences se font sentir aujourd'hui. Des manifestations légitimes contre cette tendance apparaissent dans plusieurs pays pauvres : outre Haïti, l'Égypte, le Burkina Faso, le Cameroun, le Bangladesh et la Mauritanie ont aussi connus des émeutes de la faim. Avec 8,5 millions d'habitants, Haïti est le pays le plus pauvre du continent américain, dont 80 % de la population vit avec moins de 2 dollars par jour. Pour la seule année 2007, les chiffres de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) montrent une hausse de 80 % pour les produits laitiers, de 42 % pour les céréales. Cette dernière tendance a provoquée des pénuries et une flambée des prix dans plusieurs pays pauvres où, prévient la FAO, les émeutes liées au coût des aliments pourraient s'étendre à l'avenir. A l'issue du sommet Inde Afrique à New Delhi cette semaine, les dirigeants des pays représentés ont fait voeu de lutter ensemble pour la sécurité alimentaire, et ont appelé les pays occidentaux à revoir leurs pratiques, notamment l'emploi de vastes stocks pour la production de biocarburants, la politique commerciale discriminatoire et protectionniste, la politique au sein des institutions internationales, la politique migratoire, etc. En effet, la paix et la sécurité internationales, déjà mises en danger par les guerres menées par les États-unis en Irak, Afghanistan et ailleurs, sont encore plus menacés par la permanence de rapports internationaux fondés sur le pillage des ressources des populations du Sud, soumises aux recettes néolibérales décidées par le fond monétaire internationale et la Banque mondiale durant plus de 30 ans et qui ont détruit structurellement les économies de ces pays. Les réactions de compassion «humanitaristes» et les aides d'urgence comme le proposent de nouveau les pays développés regroupés au sein du G8 ne suffisent plus, car les plus «généreux» aujourd'hui sont les plus responsables de ce dérèglement planétaire. Les premiers des défis à relever pour les pays en développement et leurs populations affamées sont l'autosuffisance et la souveraineté alimentaires. Les politiques de libéralisation à marche forcée, prônées pendant des décennies par le FMI et la Banque mondiale, ont contribué à rendre les pays pauvres encore plus vulnérables en détruisant leurs économies : les fermiers du Sud se sont vus laminés par les produits subventionnés (poulet, céréales, lait, maïs) exportés par les pays riches ( France, Union Européenne, États-unis). Des outils existent pour assurer une alimentation digne et humaine pour tous et toutes : il est nécessaire que les pays développés, en particulier la France et l'Union Européenne, changent leur politique commerciale néolibérale au sein de l'OMC, demandent l'arrêt immédiat des politiques dictées par le fond monétaire internationale et la Banque mondiale, mènent une politique internationale de coopération et de paix, indépendante des projets de domination et hégémoniques nord-américains, contrôlent et taxent les capitaux financiers, contribuent au transfert de technologie et mettent en place l'aide publique au développement qui passe notamment par le respect de l'objectif de 0,7 % du PIB. La France assumera prochainement la présidence de l'Union Européenne. En conséquence, il aimerait savoir ce que le Gouvernement compte faire pour que la France, en relation avec l'Union européenne, mette en place une politique extérieure de coopération et de paix destinée à garantir la sécurité et la souveraineté alimentaires, crée des mécanismes de contrôle du capital financier et révise intégralement les politiques néolibérales menées au sein des institutions internationales.

Réponse émise le 16 décembre 2008

Cette année de crise alimentaire et financière a confirmé les analyses antérieures du président Sarkozy sur les nécessaires régulations à introduire dans l'économie mondialisée et l'a conduit à insister sur l'urgence d'une action politique collective pour le traitement des problèmes du monde. Il a déclaré avec d'autres chefs d'États européens qu'il convient d'intervenir conjointement pour renforcer une gouvernance financière internationale fondée sur la légitimité politique. Il propose une plus grande régulation des acteurs ayant un impact financier. Pour faire face aux crises alimentaires, le Président de la République a proposé, dès le mois d'avril, la mise en oeuvre d'un partenariat mondial pour l'alimentation et l'agriculture, construit sur trois piliers : une gouvernance rassemblant tous les acteurs concernés (institutions internationales, États, acteurs non gouvernementaux), un réseau international et indépendant d'experts et de scientifiques et une mobilisation financière au bénéfice de l'agriculture des pays en développement, avec notamment la création d'une facilité internationale pour compléter la palette des outils de l'aide internationale de manière à soutenir l'innovation. Lors de la conférence à haut niveau organisée par la FAO les 3 et 5 juin 2008 à Rome, la communauté internationale a réaffirmé son engagement à lutter contre la faim. Le dernier sommet du G8 a confirmé cet appel à construire un partenariat global assis sur l'implication de tous les acteurs concernés, ainsi que la nécessité d'une expertise scientifique internationale sur la sécurité alimentaire mondiale. En réaction à la crise récente, la France a réagi de façon pragmatique : l'aide alimentaire a été portée à 60 MEUR en 2008, contre 30 MEUR en moyenne au cours des dernières années. Rappelons aussi que la France agit à travers la Commission européenne dont elle est le principal contributeur au FED ; or, dernièrement, la Commission a proposé la création d'un nouvel instrument destiné à fournir une aide de court et moyen terme aux pays les plus durement touchés par la crise alimentaire, dit « facilité de réponse rapide à la flambée des prix alimentaires dans les pays en développement ». Cette proposition est en cours de discussion dans les enceintes communautaires. Elle porterait sur un montant d'1 Md sur deux à trois ans.

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