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Jean-Paul Bacquet
Question N° 21936 au Ministère de la Justice


Question soumise le 29 avril 2008

M. Jean-Paul Bacquet attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur le problème des rentes viagères de prestation compensatoire à la recherche d'équité. Avant la loi de juin 2000 sur le divorce, les prestations compensatoires ont été essentiellement demandées sous forme de rente viagère par les juges. La nature de cette prestation compensatoire, conçue comme une dette forfaitaire par le législateur, est alors devenue une dette alimentaire à vie. Elle est actuellement payée par 56 000 «débirentiers», dont 98 % ont plus de 60 ans et versent depuis plus de 20 ans un montant médian de 457 € par mois. Malheureusement, le montant des rentes viagères de prestation compensatoire n'a jamais été fixé en fonction des trois critères qui régissent les rentes viagères : l'âge du créancier, son espérance de vie et le montant du capital à servir. Si les juges avaient déterminé ces rentes selon les critères habituels et notamment en fonction du capital aliéné, ils auraient demandé des sommes nettement inférieures. C'est ce que l'on observe aujourd'hui où, dans des situations financières comparables, la moyenne des prestations compensatoires versées sous forme de capital par les nouveaux divorcés est de l'ordre de 55 000 € alors que la moyenne des sommes versées sous forme de rentes viagères est de plus de 155 000 €, et correspond à un capital moyen aliéné de 130 000 €. Le plus grave est que la loi 2004 a été assortie d'un barème de conversion en capital, basé lui, sur des critères de rentes capitalistiques classiques. Son application est alors catastrophique : le capital moyen à verser encore est de 150 000 € soit par le débirentier lui-même, soit par son héritage, même s'il a été constitué avec l'aide de sa seconde épouse. La loi de 2004, si utile aux nouveaux divorcés, n'a donc pas résolu le problème des vieilles rentes viagères de prestations compensatoires. Les possibilités de révision sont illusoires, et sont d'ailleurs très peu utilisées (moins de 2 %), et la conversion en capital est dissuasive. La loi n'a même pas rétabli l'équité entre les époux : en effet, les révisions sont refusées aux débirentiers qui ont des difficultés financières, au prétexte que leur seconde épouse peut payer à leur place grâce à leur salaire, ou même leur retraite, alors qu'on maintient la rente viagère à la première épouse remariée ou vivant en concubinage. On assiste alors à un transfert de la dette. Il lui demande quelles sont les solutions techniques de conversion en capital équitables et adaptées au type alimentaire des rentes fixées telles que dès l'origine car le barème ne peut et ne doit pas leur être appliqué et comment elle compte garantir l'équité dans la prise en compte des nouvelles situations matrimoniales des ex-époux lors des demandes de révision.

Réponse émise le 7 octobre 2008

La garde des sceaux, ministre de la justice, fait connaître à l'honorable parlementaire que la loi n° 2004-439 du 26 mai 2004 relative au divorce prévoit que les prestations compensatoires versées sous forme de rente peuvent être converties en capital à la demande du débiteur, en application de l'article 276-4 du code civil. Le décret n° 2004-1157 du 29 octobre 2004 détermine les modalités de calcul du montant du capital substitué à la rente. Cette substitution n'étant en aucun cas une révision, il est nécessaire que le montant du capital substitué soit équivalent à la rente. Pour ce faire, la substitution d'un capital à la rente ne s'opère techniquement qu'à la date de l'événement y ouvrant droit, en fonction de l'espérance de vie du créancier. Toute autre solution aurait abouti à remettre en cause l'autorité de la chose jugée, l'équilibre des droits fixés par le jugement du divorce et aurait ainsi porté atteinte à la sécurité juridique. Par ailleurs, la réforme précitée a profondément assoupli les conditions dans lesquelles les prestations compensatoires versées sous forme de rente peuvent être révisées. Ainsi, la révision, la suspension ou la suppression de la rente peut être demandée en cas de changement important dans la situation de l'une ou l'autre des parties. Toutefois, la révision ne peut avoir pour effet de porter la rente à un montant supérieur à celui fixé initialement. La représentation nationale, qui a examiné cette question à deux reprises, n'a pas estimé que la rente devait être automatiquement supprimée en cas de remariage du créancier. En effet, le remariage, le PACS ou le concubinage notoire du créancier ne sont pas toujours synonymes d'amélioration de sa situation financière. Cet élément nouveau doit dès lors être apprécié au vu des circonstances propres à chaque cas d'espèce, dans le cadre d'une demande en révision fondée sur l'existence d'un changement important dans la situation de l'une ou l'autre des parties. Par ailleurs, la réforme intervenue en 2004 a créé un nouveau cas de révision, qui s'ajoute au cas précité, depuis le 1er janvier 2005, lorsque le maintien de la rente, fixée sous l'empire de la loi du 11 juillet 1975, produirait un avantage manifestement excessif au regard des critères posés à l'article 276 du code civil, c'est-à-dire en fonction de l'âge, de l'état de santé et de la capacité du bénéficiaire à subvenir à ses besoins. Ces mesures paraissent de nature à concilier de façon satisfaisante les attentes des débiteurs de prestation compensatoire avec la protection des intérêts des créanciers et à répondre au souci de l'honorable parlementaire.

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