M. Michel Hunault attire l'attention de M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité dans le cadre de la négociation avec les partenaires sociaux, sur le bilan et les adaptations de la loi dite « Fillon » sur les retraites. Il lui demande si le Gouvernement entend, à cette occasion, prendre en compte, dans les années travaillées, les périodes d'interruption de la vie professionnelle de femmes qui ont, pour donner la vie à un ou plusieurs enfants et les accompagner dans leurs premières années, sacrifié leur vie professionnelle et surtout leur parcours professionnel en mettant entre parenthèse leur activité professionnelle.
L'attention de M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité a été appelée sur la question de la majoration des trimestres de retraite pour les pères et pour les mères de famille. Les femmes élevant des enfants voient, le plus souvent, leur carrière ralentie par rapport aux hommes et le bénéfice de la majoration de durée d'assurance qui leur est réservé dans le régime général se justifie par l'importance des inégalités constatées entre hommes et femmes en matière de droits à retraite. En 2005, les femmes disposaient d'un montant de pensions de base inférieur de 23 % (38 % avec la complémentaire) à celui des hommes, même si les carrières féminines sont en voie d'amélioration. La persistance d'écarts significatifs entre hommes et femmes apparaît comme un élément important de justification de la majoration de durée d'assurance des femmes. Comme le rappelle l'Institut national des études démographiques (Population et Sociétés n° 426 septembre 2006), si la naissance d'un enfant ne modifie guère l'activité professionnelle des hommes (6 %), les femmes sont 40 % à déclarer un changement de situation. C'est pour remédier aux conséquences qui en découlent encore aujourd'hui sur les retraites des femmes que le législateur, notamment à l'occasion du débat sur la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites, a maintenu à leur bénéfice une majoration de durée d'assurance. Par ailleurs, il convient de rappeler que les hommes interrompant ou diminuant leur activité professionnelle pour se consacrer à l'éducation de leur enfant peuvent d'ores et déjà bénéficier d'un avantage de retraite qui prend en compte leur situation, hommes et femmes étant à cet égard traités dans les mêmes conditions. Ainsi, le père assuré ayant obtenu un congé parental d'éducation dans les conditions de l'article L. 122-28-1 du code du travail, ou un congé parental dans les conditions prévues par l'article 21-VII de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978, bénéficie d'une majoration de sa durée d'assurance égale à la durée effective du congé parental (article L. 351-5 du code de la sécurité sociale). Les femmes peuvent également bénéficier de cet avantage en lieu et place de la majoration de durée d'assurance mentionnée à l'article L. 351-4 lorsque cela leur est plus favorable, mais non de manière cumulative. Par ailleurs, la compensation des périodes pendant lesquelles le père ou la mère se consacre à l'éducation de ses enfants en cessant son activité ou en diminuant son temps de travail peut donner lieu, sous certaines conditions tenant notamment aux ressources du foyer, à l'affiliation à l'assurance vieillesse des parents au foyer (art. L. 381-1 du code de la sécurité sociale). Aucune condition de réduction ou de cessation d'activité n'est requise pour le parent isolé, pour lequel le plafond de ressources est en outre plus favorable (24 532 euros pour un enfant, 28 245 euros pour deux enfants. 32 700 euros pour trois enfants par exemple pour certaines prestations). La Cour de cassation, dans un arrêt en date du 21 décembre 2006, a octroyé la majoration de durée d'assurance de l'article L. 351-4 du code de la sécurité sociale à un homme assuré du régime général et ayant élevé seul son enfant, sur le fondement de l'article 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH), qui interdit les discriminations fondées sur le sexe sans justification objective et raisonnable. Il convient d'abord de souligner que l'octroi de la majoration à l'assuré a été conditionné par la Cour de cassation à condition que celui-ci ait prouvé qu'il avait assuré, seul, la charge de ses enfants. Le caractère bref et circonstancié de la motivation de la Cour de cassation n'autorise pas une interprétation allant au-delà du seul cas visé en l'espèce. En effet, la Cour de cassation s'est bornée à valider la motivation de la Cour d'appel qui a relevé que la majoration de durée d'assurance profitait aussi bien aux femmes qui ont poursuivi leur carrière qu'à celle qui l'ont interrompue et a conclu qu'il n'existait aucun motif de faire une discrimination entre une femme qui n'avait pas interrompu sa carrière pour élever ses enfants et un homme apportant la preuve qu'il avait élevé seul son enfant. En matière de jurisprudence sur l'article 14 de la convention, la Cour européenne des droits de l'homme a une jurisprudence bien établie aux termes de laquelle elle juge une disposition de droit interne discriminatoire si elle manque de justification objective et raisonnable, soit qu'elle ne poursuit pas un but légitime, soit qu'elle n'établit pas de rapport proportionné entre les moyens employés et le but visé. Elle admet toutefois que les États disposent d'une marge d'appréciation pour déterminer si et dans quelle mesure des différences entre des situations à d'autres égards analogues justifient des différences de traitement. À cet égard, le Conseil constitutionnel dans sa décision du 14 août 2003 a jugé qu'il appartenait au législateur de prendre en compte les inégalités de fait subies par les femmes et qu'il pouvait maintenir des dispositions destinées à compenser des inégalités normalement appelées à disparaître et il s'est prononcé au regard du principe d'égalité dans des termes qui, même s'il n'avait pas à exercer un contrôle du respect de la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH), sont parfaitement compatibles avec cette convention. Enfin, l'évolution des avantages familiaux et conjugaux de retraite fait l'objet depuis le début de l'année de travaux approfondis dans le cadre du Conseil d'orientation des retraites. Les risques de discrimination, notamment au regard des principes garantis par la CEDH, relatifs aux règles d'attribution de la majoration de durée d'assurance des femmes assurées sociales, figurent parmi les principales questions en cours d'expertise.
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