M. Alain Rousset alerte Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur les inquiétudes exprimées par les avoués près la cour d'appel, en raison de la décision n° 213 du rapport Attali visant à supprimer cette profession. Trop chers selon la commission Attali, les avoués bénéficieraient d'une rente de situation. Aussi, cette commission préconise la fin de leur « monopole » permettant à l'ensemble des avocats de se saisir des affaires dont ils ont jusqu'à présent la charge exclusive. À ce titre, il s'interroge sur les conséquences que risque d'engendrer l'application d'une telle mesure. Tout d'abord, dans l'obligation de financer leur outil de travail qui s'avère particulièrement onéreux, nombre d'avoués privilégient la mutualisation des coûts, évitant ainsi les dérives et respectant des tarifs sur lesquels la chancellerie exerce un contrôle. Il n'est donc pas certain qu'une déréglementation conduise à une réduction des coûts nécessaire à la réduction des tarifs, sans porter atteinte à la qualité des services proposés. De plus, une telle mesure s'inscrit dans une conception purement mercantile du droit, dans laquelle le justiciable serait un « consommateur » et notre système judiciaire un « marché ». Ainsi l'émergence d'une concurrence malsaine léserait inévitablement les Français les moins fortunés. Ensuite, cette mesure qui n'a visiblement fait l'objet d'aucune concertation, conduirait si elle était appliquée, à la répartition de 217 000 affaires traitées (chiffres pour 2006) vers 47 000 avocats et supprimerait de ce fait, près de 3 000 emplois qualifiés. Il lui rappelle que les avoués étant des juristes spécialistes du procès d'appel, proches de leurs magistrats et qui connaissent parfaitement la jurisprudence de leur cour, ils ont au fil des années constitué des équipes d'hommes et de femmes hautement qualifiées dans les procédures dont ils ont la charge. Face aux spécificités de ces procédures, le « monopole » de l'avoué constitue donc un gage de qualité et garantit l'équilibre qui doit exister entre le droit d'exercer la voie de recours et la nécessité d'éviter l'encombrement de la juridiction d'appel par des appels irrecevables ou manifestement voués à l'échec. Enfin, alors que la réforme de la carte judiciaire qui n'a fait l'objet d'aucune concertation se traduit, in fine, par le démantèlement de l'organisation territoriale de notre justice, il craint que cette mesure affecte le fonctionnement de notre système judiciaire et cela, une fois de plus, au détriment de ses usagers. Au regard de ces différentes observations, il lui demande de bien vouloir lui apporter des précisions justifiant le bien-fondé d'une telle mesure, aussi bien pour les avoués et leur personnel que pour notre système judiciaire et les Français qui sont contraints d'y faire appel.
La garde des sceaux, ministre de la justice, fait connaître à l'honorable parlementaire que la simplification de la procédure d'appel s'inscrit dans l'action qu'elle a entreprise pour moderniser le fonctionnement de la justice, la rendre plus accessible, plus lisible et plus compréhensible pour nos concitoyens. La réforme de la carte judiciaire, la dématérialisation des procédures ainsi que les travaux entrepris pour simplifier les contentieux et mieux les répartir entre les juridictions répondent aussi à ces objectifs. Les personnes qui font appel d'un jugement auprès de la cour d'appel ont recours à un avocat s'il s'agit d'un jugement en matière pénale, à un avocat et à un avoué s'il s'agit d'un jugement en matière civile et commerciale. Cette double assistance est coûteuse et ne se justifie plus. Le développement des nouvelles technologies va faciliter la transmission des dossiers à toutes les juridictions, selon des modes normalisés. Par la loi du 31 décembre 1971, le législateur a supprimé l'intervention des avoués devant les tribunaux de grande instance. La question de savoir s'il fallait continuer à maintenir l'obligation d'être représenté par un avoué devant les cours d'appel n'a cessé d'être posée depuis. La profession d'avoué à la cour d'appel compte actuellement en France 433 membres, nommés par décision du ministre de la justice et tenus d'acheter leur charge à leur prédécesseur. La directive européenne du 12 décembre 2006 sur les services, qui s'appliquera en 2010, considère que ces règles d'accès à la profession ne sont pas compatibles avec le principe de libre concurrence. Le Gouvernement souhaite ne plus rendre obligatoire le recours à un avoué pour défendre les dossiers en appel et vient de prendre la décision de présenter un projet de loi unifiant les professions d'avoué et d'avocat. Le Parlement sera appelé à se prononcer sur ce projet de réforme qui pourrait prendre effet le 1er janvier 2010. L'accès au juge d'appel sera ainsi simplifié et moins coûteux pour les justiciables. La place de l'avocat sera renforcée. Il sera l'interlocuteur unique de la cour d'appel. Les avoués deviendront automatiquement avocats. Ils seront indemnisés pour la perte de la charge qu'ils ont achetée et qu'ils ne pourront plus vendre. Tout sera mis en oeuvre pour que leurs collaborateurs, au nombre de 2 600, trouvent leur place dans cette nouvelle organisation. Cette réforme sera conduite en étroite concertation avec la profession afin que ses membres puissent continuer à faire profiter les justiciables de leurs compétences et de leur expérience, même s'ils sont conduits à le faire selon un mode d'exercice professionnel différent. La garde des sceaux y porte une attention toute particulière.
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