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Éric Straumann
Question N° 19977 au Ministère des Affaires étrangères


Question soumise le 1er avril 2008

M. Éric Straumann interroge M. le ministre des affaires étrangères et européennes sur la situation sur l'île d'Anjouan. Un hélicoptère de la police de l'air et des frontières, venu de l'île française de Mayotte, s'est écrasé, il y a quelques jours, sur cette île, heureusement sans faire de victimes. Mohamed Bacar Dossar, directeur du cabinet du président comorien chargé des questions de défense, aurait précisé que, d'après l'ambassade de France, l'hélicoptère avait eu des problèmes techniques et était tombé près du village de Sima. Selon une source militaire à Anjouan, l'appareil accidenté transportait trois hommes, le pilote et deux policiers, qui ont été ensuite récupérés par leurs compatriotes, sans que l'on sache quelle était leur mission. Des affrontements opposent des soldats de l'armée comorienne aux insurgés d'Anjouan, que les troupes gouvernementales compteraient attaquer avec l'appui de l'Union africaine. Aussi, il lui demande des éclaircissements sur cette situation délicate et la position de la France dans ce conflit.

Réponse émise le 20 janvier 2009

1. Le contexte de la crise : l'Union des Comores et Anjouan, en point d'orgue d'une période de relations très difficiles entre les îles autonomes (Mohéli, Grande-Comore et Anjouan) et le gouvernement fédéral de l'Union des Comores, ont traversé une très grave crise institutionnelle et politique en 2007-2008 : le président sortant de l'île d'Anjouan, le colonel Bacar, s'était fait réélire illégalement en dehors de toute supervision internationale, malgré la demande de report de l'élection exprimée par l'Union africaine et les principaux partenaires des Comores (France, Union européenne, Ligue arabe). Le colonel Bacar avait adressé une fin de non-recevoir à une ultime mission de médiation conduite par l'Union africaine venue le rencontrer à Anjouan le 27 février, ne laissant a priori à l'organisation plus d'autre option que de poursuivre la préparation d'une intervention militaire contre Anjouan, conformément aux recommandations adoptées à Addis-Abeba le 2 février 2008 « de fournir le soutien nécessaire au Gouvernement comorien dans ses efforts de rétablir au plus vite l'autorité de l'Union à Anjouan ». Le soir du 24 mars, le président de l'Union des Comores, Ahmed Abdallah Mohamed Sambi, s'est adressé à la nation pour donner son feu vert à une intervention militaire contre les autorités de l'île d'Anjouan. Les opérations se sont déroulées dans la journée du 25 mars sans trop de difficultés : les forces coalisées et l'armée nationale ont pris le contrôle de Domoni sans combats, puis - après s'être heurtées à davantage de résistance - de Mutsamudu, de Ouani, de l'aéroport et de la radiotélévision. Le soir du 26 mars, M. Mohamed Bacar Dossar - ministre de la défense et directeur de cabinet du président Sambi - estimait que l'île d'Anjouan n'était pas totalement sécurisée, notamment les régions de Moya, Sima et Pomoni, où des renforts tanzaniens devaient se déployer. Le même jour, et en dépit de l'importance des forces déployées à Anjouan, la France a été informée de l'arrivée à Mayotte de M. Mohamed Bacar avec une escorte de plusieurs hommes armés. Transféré à la Réunion par mesure de sécurité, le 27 mars dans la soirée avec les hommes qui l'accompagnaient, M. Bacar a été placé le 29 mars en résidence surveillée, puis en détention provisoire à compter du 4 avril, dès réception des demandes d'arrestation provisoires présentées par les autorités comoriennes et dans l'attente du traitement des demandes d'asile formulées auprès de l'OFPRA. 2. L'incident de l'hélicoptère : c'est durant ces événements, dans la nuit du 18 au 19 mars 2008, qu'un hélicoptère en perdition a été signalé à notre ambassade à Moroni. Cet engin civil, affrété par la préfecture de Mayotte pour effectuer une mission de repérage de bateaux de passeurs de passagers clandestins (« kwassa-kwassa ») entre Anjouan et Mayotte, aurait apparemment connu des avaries de ses instruments de bord (GPS et compas) qui obligèrent son équipage (un pilote, un mécanicien et un gendarme) à effectuer un amerrissage forcé à quelques encablures de la localité de Sima, à Anjouan. L'équipage a fort heureusement pu regagner le rivage à la nage. Il convient de souligner la forte implication de notre responsable d'îlot, M. Lanners (il fait office de consul honoraire à Anjouan), qui a recueilli l'équipage chez lui à Mutsamudu, avant qu'il ne soit rapatrié sur Mayotte, ainsi que la bonne volonté des autorités locales. 3. La crise d'Anjouan a connu son épilogue avec les nouvelles élections présidentielles organisées les 15 et 29 juin 2008, qui ont vu la victoire au deuxième tour de M. Moussa Toybou. La classe politique locale n'a pu cependant être convaincue de reprendre le dialogue « inter-comorien » destiné à aboutir au nécessaire toilettage des institutions issues de l'accord de Fomboni, en 2001, et reconnues aujourd'hui comme inefficaces et coûteuses. La proposition d'un référendum sur la question, en mars ou avril 2009, a fait naître chez certains la crainte d'une remise en cause du principe constitutionnel de la « tournante » qui implique qu'après un Anjouanais et un Grand-Comorien, ce soit un originaire de l'île de Mohéli qui soit le prochain président de l'Union des Comores, selon le calendrier prévu actuellement (2010). L'année 2008 se termine par un succès pour les Comores : le conseil d'administration du FMI a accepté, en décembre, de lui octroyer une « aide d'urgence post-conflit » (1,7 million de dollars) et une « facilité de protection contre les chocs extérieurs » (3,4 millions de dollars), grâce à un appui sans ambiguïté de la France auprès du Fonds et des autres partenaires bi- et multilatéraux. Avec d'autres soutiens et la mise en oeuvre de mesures de bonne gestion financière par le Gouvernement comorien, cette aide salutaire devrait contribuer à la stabilisation économique de l'Union des Comores et permettre ainsi de réduire les forts écarts de développement actuellement constatés avec le territoire français de Mayotte, et qui sont à l'origine d'un important courant migratoire difficile à gérer et source de tensions économiques et sociales avec l'île demeurée rattachée à la France en tant que collectivité départementale d'outre-mer. Cet objectif se trouve également au centre de la nouvelle approche, pragmatique et constructive, voulue par les deux chefs d'État français et comorien en septembre 2007 (le « groupe de travail de haut-niveau / GTHN ») et visant au renforcement concerté et mutuellement profitable des liens économiques et humains entre Mayotte et les trois îles de l'Union des Comores.

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