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Jean-Pierre Giran
Question N° 19839 au Ministère du du territoire


Question soumise le 1er avril 2008

Depuis 1990, l'empreinte écologique de l'humanité dépasse les capacités de reconstitution des écosystèmes de la planète. Ainsi est-on entré dans un plan de développement non durable. Sur les bases actuelles, la demande de l'humanité en 2050 sera deux fois plus forte que la capacité productive de la biosphère. Un rapport parlementaire récent reconnaît que l'exploitation minière dans les biotopes riches en biodiversité est ainsi responsable de destructions irréparables. En Guyane française, la future zone du parc naturel national hébergera 2 500 habitants mais aussi près de 10 000 orpailleurs clandestins. C'est pourquoi M. Jean-Pierre Giran à M. le ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, de bien vouloir lui préciser son analyse de la situation et les mesures qu'il entend prendre afin d'en limiter les effets.

Réponse émise le 9 septembre 2008

La question de l'impact sur la biodiversité de l'exploitation minière illégale préoccupe le Gouvernement depuis longtemps. En 2002, l'État s'est engagé dans une action résolument offensive de lutte contre l'orpaillage clandestin en Guyane qui n'a cessé de s'intensifier. La réforme de l'article 140 du code minier, en permettant la destruction immédiate des aménagements illégalement installés sur le domaine privé de l'État, permet en effet d'agir avec une grande efficacité. Phénomène endémique en Guyane, l'orpaillage clandestin génère une forme de délinquance complexe composée de contrebande et de prostitution, tout en conjuguant les atteintes aux biens et aux personnes. En corollaire, il génère une prolifération d'armes ainsi que des commerces illégaux de toutes sortes. L'orpaillage illégal constitue, de fait, le vol d'une matière première dont la Guyane est, à l'heure actuelle, le seul fournisseur au niveau national. Il attire nombre d'immigrés clandestins, entraîne des atteintes à l'environnement, et par les risques sanitaires inhérents à la précarité et l'insalubrité des installations illégales, présente de forts risques de déstabilisation de l'écosystème forestier et des populations autochtones. À partir des données recueillies sur le terrain par les administrations et des images satellitaires exploitées dans le cadre de l'observatoire minier, le nombre d'étrangers se livrant à des activités d'exploitation aurifère illégale en forêt est estimé entre 3 000 et 5 000. Annoncée par le Président de la République lors de son déplacement en Guyane les 11 et 12 février 2008, l'opération HARPIE mobilise en permanence 1 000 hommes sur le terrain, militaires des forces armées, gendarmes, policiers et fonctionnaires. Elle représente un engagement inégalé jusqu'à ce jour sur le territoire de la Guyane et recourt aux techniques les plus innovantes en matière de détection des trafics. La contribution des Forces armées est aussi à souligner car elle représente un exemple unique, sur le territoire national, de participation de militaires à une mission de sécurité publique. Le dispositif opérationnel retenu s'articule autour du blocage des principaux axes d'approvisionnement et de soutien à cette délinquance, avec la mise en place de treize postes de contrôles permanents fluviaux et routiers chargés d'intercepter les trafics illégaux et d'agir localement sur les axes de contournement pouvant être mis en oeuvre par les clandestins. Ce blocus est appuyé par un volet offensif composé de missions dynamiques sur les différents bassins exposés. S'agissant du volet judiciaire, 134 procédures judiciaires ont abouti à la mise en cause de 503 personnes étrangères en situation irrégulière, dont 42 ont été convoquées devant la justice par un officier de police judiciaire (COPJ) pour des faits d'exploitation minière illicite, de complicité et de séjour irrégulier ou d'aide au séjour irrégulier. Concernant le volet d'investigation complexe, douze commissions rogatoires, menées actuellement sous la direction de magistrats instructeurs, ont permis à ce jour la mise en cause d'une cinquantaine de personnes dont certaines ont été placées sous mandat de dépôt et d'autres sous contrôle judiciaire. Les différentes actions conduites déstabilisent grandement les fondements de cette délinquance et ses auteurs, enclins à quitter le département de la Guyane pour s'installer au Surinam ou retourner au Brésil. La permanence des actions a généré deux effets majeurs : une inflation vertigineuse des prix pratiqués dans cette économie souterraine, conduisant ainsi à abandonner l'exploitation illégale devenue impossible à rentabiliser ; un trop grand risque à courir pour les illégaux de destruction et d'interception des flux logistiques annihilant toute velléité de réinstallation pour atteindre rapidement un rendement afin de limiter le préjudice économique. Le bilan global des saisies et destructions réalisées depuis le début de l'année 2008 est significatif. Il comprend : 11 kilogrammes d'or, 111,5 kilogrammes de mercure, 88 armes, 71 pirogues, 18 véhicules, 51 moteurs hors bord, 203 moteurs type motos pompes, 12,4 tonnes de matériels divers et outillage, 658 carbets, 53,8 tonnes de nourriture et 104 600 litres de carburants divers. Cette action se répartit à 38 % sur les moyens de production, 55 % sur les moyens logistiques et 7 % sur les moyens de transport, pour un préjudice global de 10 658 951  euros. Enfin, parallèlement à l'opération HARPIE, le Gouvernement s'attache à renforcer l'efficacité de la lutte contre l'orpaillage clandestin en Guyane. Plusieurs initiatives visent cet objectif, notamment : le projet de renforcement des sanctions pénales pour activité d'orpaillage ; la mise en place d'un observatoire minier sous l'égide de la préfecture qui permet de mutualiser les informations des différents services et d'exploiter des images satellitaires ; la coopération avec le Brésil, tant par l'organisation d'opérations concertées sur l'Oyapock que par la signature d'un accord bilatéral (déclaration commune des présidents Lula et Sarkozy le 12 février 2008). L'ensemble de ces approches s'applique à tout le territoire guyanais, et donc également au parc national sans qu'il ne soit besoin d'y mener une politique différente. Le Gouvernement sera néanmoins très vigilant à prévenir le risque que l'efficacité incontestable des opérations menées, et plus généralement des mesures adoptées, ne conduise à déplacer la pression de l'orpaillage clandestin depuis les zones les plus concernées par ce fléau, et donc par l'opération HARPIE, vers le territoire du parc national. La création du parc amazonien de Guyane signifie bien un engagement fort et continu du Gouvernement à mobiliser les moyens nécessaires pour garantir le respect des objectifs et critères internationaux d'un parc national, radicalement incompatibles avec l'existence de l'orpaillage clandestin sur ce territoire.

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