M. Gérard Hamel appelle l'attention de Mme la ministre de la culture et de la communication sur le téléchargement de films sur Internet ; plus de 100 000 000 le sont chaque année. Selon une étude récente, en 2006, les internautes français ont téléchargé illicitement en moyenne 8 films par personne et par mois. Aussi, il lui demande de bien vouloir lui indiquer ses intentions pour mettre un terme à cette pratique qui affecte l'activité des entreprises de la vidéo, d'autant que ce secteur enregistre pour la troisième année consécutive, une baisse du marché français de la vente de DVD au détail de 11 % en valeur. Il la remercie de lui indiquer, par ailleurs, si des actions de sensibilisation et de communication pourraient être menées auprès des jeunes.
Le marché de la vente de DVD connaît effectivement depuis 2005 une baisse simultanée du nombre de DVD vendus et du chiffre d'affaires généré. En volume, 130 millions de DVD ont été vendus en France en 2007, soit 3,8 % de moins qu'en 2006, tandis que le chiffre d'affaires extrait de la vente de DVD a diminué de près de 11 % sur la même période pour s'établir à 1 480 millions d'euros. Le piratage massif des oeuvres sur les réseaux numériques contribue directement à la baisse des ventes de DVD. Par ailleurs, le piratage, qui revêt dans notre pays une ampleur inégalée, constitue également un obstacle important au développement des services de vidéo à la demande (VoD) sur internet, qui devraient normalement se substituer aux supports physiques de ce fait, les ventes dématérialisées de films demeurent proportionnellement plus faibles en France que dans la plupart des grands pays aux habitudes de consommation comparables. Pour faire du piratage des films un risque inutile, la lutte contre la diffusion illégale et l'amélioration de l'attractivité de l'offre légale (prix, richesse des oeuvres proposées, délai de mise à disposition, souplesse d'utilisation) sont indissociablement liées. La méthode suivie par le Gouvernement pour s'attaquer à cette question tire d'abord les leçons du passé. Elle repose en effet sur l'idée que les solutions mises en oeuvre devront faire l'objet d'un très large consensus préalable entre les acteurs de la culture et de l'internet. À cet effet Denis Olivennes a été chargé, en septembre 2007, d'une mission de réflexion et de concertation destinée à favoriser la conclusion d'un accord entre les professionnels du cinéma, de l'audiovisuel - mais également de la musique - et les fournisseurs d'accès à internet. La mission a mené de très nombreuses auditions qui lui ont permis de conduire une large concertation avec les représentants du cinéma, de l'audiovisuel, de la musique, des internautes et des diffuseurs de contenus (fournisseurs d'accès à internet, plates-formes de téléchargement, sites de partage comme Youtube ou Dailymotion, etc.). Tous étaient représentés à un très haut niveau. Ces auditions ont été suivies par un cycle de négociations qui s'est voulu très rapide, compte tenu de la situation alarmante des industries culturelles. Le résultat est un accord, signé à l'Élysée le 23 novembre 2007 en présence du Président de la République par les trois ministres les plus directement concernés - culture et communication, justice, économie, industrie et emploi et par 47 entreprises ou organismes représentatifs du cinéma, de l'audiovisuel, de la musique et de l'internet. Cet accord est historique, car c'est la première fois que le monde du cinéma et celui de la musique s'accordent sur les solutions à mettre en oeouvre pour lutter contre le piratage et pour améliorer l'offre légale, mais aussi la première fois qu'un consensus est dégagé entre les industries culturelles et les fournisseurs d'accès à internet. Cet accord est très équilibré car toutes les parties ont fait un effort et les internautes y trouveront leur compte aussi bien que les créateurs et les acteurs économiques du cinéma, de la musique et de l'internet. Il comporte ces deux volets complémentaires et indissociables que sont le développement de l'offre légale et la lutte contre la piraterie audiovisuelle. En premier lieu, l'offre légale sera plus facilement accessible, plus riche, plus souple. Ainsi, pour le cinéma, l'accord aboutit à un raccourcissement des délais de mise à disposition des films pour le public, en deux temps. D'abord, dès que le mécanisme de lutte contre le piratage sera en place, le délai pour accéder aux films dans le cadre des services de VoD sera ramené au même niveau que celui du DVD, c'est-à-dire six mois après la sortie du film en salles. Ensuite, des discussions s'engageront pour aboutir, dans un délai maximal d'un an, à un raccourcissement de l'ensemble des « fenêtres » de la chronologie des médias. En second lieu, la lutte contre le piratage « ordinaire » changera de logique : elle ne passera plus nécessairement par le juge et revêtira un caractère essentiellement préventif et pédagogique - ce que le droit actuel ne permet pas. En effet, jusqu'à présent, quand les sociétés qui défendent les intérêts des créateurs repèrent un ordinateur pirate, la seule possibilité qui leur est ouverte consiste à saisir le juge en se fondant notamment sur le délit de contrefaçon. Mais la procédure judiciaire et les sanctions pénales encourues - jusqu'à trois ans de prison et 300 000 euros d'amende - apparaissent disproportionnées. L'accord prévoit donc la mise en place d'une autorité administrative indépendante, qui sera chargée de prévenir et, en cas de multiples réitérations, de sanctionner le piratage des films et de la musique sur internet. La Haute Autorité serait saisie par les créateurs dont les oeuvres auront été piratées. Elle commencerait par adresser aux pirates des messages d'avertissement personnalisés, sous forme de courrier électronique puis de lettre recommandée : une phase préventive précéderait donc d'éventuelles sanctions, ce que notre droit ne permet pas jusqu'à présent. Or, cette dimension pédagogique est essentielle. De toutes récentes études, réalisées auprès des internautes en Grande-Bretagne et en France et respectivement publiées en mars et mai 2008 font ressortir qu'environ 70 % des internautes cesseraient de télécharger à réception d'un premier message d'avertissement et 90 % à réception du second. Ces estimations sont cohérentes avec les taux effectivement constatés aux États-Unis, sur les réseaux numériques où une solution du même ordre a déjà été mise en oeuvre à la suite d'accords passés entre les titulaires de droits et les fournisseurs d'accès internet. Ce n'est que si le pirate récidivait à nouveau que la Haute Autorité prendrait des sanctions adaptées à la nature du comportement auquel il s'agit de mettre fin : la suspension temporaire de l'abonnement internet, pour une durée de quelques mois qui pourrait être ramenée à quelques semaines si l'internaute s'engage à ne plus renouveler son manquement. L'efficacité de ce dispositif pourrait être encore renforcée par son extension à d'autres pays européens, qui s'engagent dans une voie comparable. Ainsi, le 24 juillet 2008, les principaux fournisseurs d'accès à internet du Royaume-Uni, ainsi que l'industrie cinématographique et l'industrie musicale, se sont accordés sur des stipulations comparables à celles de l'accord de l'Élysée. Elles prévoient l'envoi de messages d'avertissements éventuellement suivis, en cas de récidive, d'une limitation du débit de l'abonné. Le gouvernement britannique a lancé une consultation publique destinée à rendre les termes de cet accord juridiquement contraignants. La mise en place de ce système, qui fait consensus parmi les acteurs des industries culturelles et de l'internet, suppose bien entendu l'intervention du Parlement. Un projet de loi à cette fin a donc été adopté par le conseil des ministres du 18 juin 2008 et déposé au Sénat.
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