M. Michel Voisin appelle l'attention de M. le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité sur les critères constitutifs d'une modification du contrat de travail d'un salarié, au regard de la réglementation en vigueur. En effet, il vient d'avoir connaissance de la situation d'un salarié protégé (délégué du personnel) dont l'employeur a sollicité le licenciement pour faute grave, ceci en raison de son absence du poste de travail depuis la délocalisation de l'établissement sur un nouveau site distant d'une quarantaine de kilomètres du précédent. Les services de l'inspection du travail ont refusé l'autorisation de procéder au licenciement du salarié en question, considérant qu'il y avait en l'espèce modification du contrat de travail de l'intéressé. Or cette position ne semble pas partagée par le conseil de prudhommes qui, saisi en référé par ledit salarié, a débouté ce dernier de sa demande d'indemnités compensatrices de salaires. Il lui demande par conséquent de bien vouloir lui préciser dans quelle mesure le changement de lieu de travail d'un salarié est susceptible de générer une modification de son contrat de travail, au regard des dispositions législatives et réglementaires en vigueur.
Le ministre du travail, de l'emploi et de la santé a pris connaissance avec intérêt de la question relative aux conséquences d'une modification du lieu de travail d'un salarié. Selon l'importance que revêt le changement de lieu de travail, celui-ci est assimilé soit à un simple changement des conditions de travail relevant du pouvoir de direction de l'employeur, soit à une véritable modification d'un élément essentiel du contrat. Dans le premier cas, le changement s'impose au salarié, mais, dans le second, son accord doit être recueilli. L'insertion d'une clause de mobilité géographique dans le contrat permet à l'employeur d'imposer au salarié un changement de lieu de travail. En revanche, si le contrat de travail prévoit de manière claire et précise que le salarié exécutera son travail en un lieu exclusif, toute autre affectation constitue une modification du contrat. En l'absence d'une telle clause, pour évaluer s'il s'agit ou non d'une modification du contrat de travail, il convient de se référer à la notion de « secteur géographique ». En général, si le nouveau lieu de travail est situé dans un même secteur géographique, le changement s'impose au salarié. Au contraire, si le secteur géographique est différent, l'employeur doit demander l'accord du salarié car c'est une modification du contrat de travail. Cette notion de secteur géographique n'est pas précisément définie, c'est le juge qui l'apprécie en cas de contentieux. Certains éléments permettent cependant de l'appréhender, comme la distance entre deux sites ou encore l'accessibilité du futur lieu de travail. Le changement de département n'emporte pas obligatoirement une modification du contrat de travail. La jurisprudence a également précisé que le secteur géographique doit être apprécié objectivement, de manière identique pour tous les salariés. C'est en application de ces critères que la Cour de cassation a pu décider qu'une mutation entre Versailles et Chartres constituait une modification du contrat de travail, au contraire d'un déplacement de centre-ville à banlieue ou encore entre deux agglomérations distantes de vingt kilomètres. Dans le cas particulier d'un salarié protégé, quel que soit le nouveau lieu de travail proposé, il faut recueillir son accord préalablement à tout changement. En cas de refus, l'employeur peut soit revenir sur son projet, soit engager une procédure de licenciement soumise, en raison de sa protection spécifique, à l'autorisation de l'inspection du travail. En tout état de cause, si le refus d'un salarié d'un changement de ses conditions de travail peut être constitutif d'une cause réelle et sérieuse de licenciement, il n'est pas nécessairement, au regard de la jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation, assorti d'un caractère fautif.
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