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Martine Lignières-Cassou
Question N° 18619 au Ministère du du territoire


Question soumise le 11 mars 2008

Mme Martine Lignières-Cassou sollicite M. le ministre d'État, ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables, sur le devenir de l'association Kokopelli et des principes qu'elle défend. L'association Kokopelli vient d'être condamnée en appel pour avoir vendu des semences anciennes issues de l'agriculture biologique qui ne figurent pas sur le registre national des variétés. Cette condamnation entre en contradiction avec plusieurs textes européens ou internationaux exigeant de préserver le patrimoine cultivé de l'humanité et pose le principe de privatisation des semences. Elle fragilise les agriculteurs soucieux de préserver la biodiversité ou désireux de vendre des variétés traditionnelles et menace la biodiversité elle-même, face aux intérêts économiques des grands semenciers. Elle souhaite savoir quelles mesures législatives et réglementaires il compte mettre en oeuvre pour sortir de cette impasse et permettre que l'action louable des associations promouvant la biodiversité alimentaire se déroule dans un cadre juridique sécurisé.

Réponse émise le 1er juillet 2008

Le modèle semencier français est un modèle fort, source d'emplois dans le secteur agro-alimentaire, et dont les succès, en termes de commerce extérieur, sont importants. Toutefois, les nouveaux enjeux agricoles et en particulier le maintien de la biodiversité cultivée, pointés lors du Grenelle de l'environnement, supposent des infléchissements du cadre actuel. La nécessité d'une adaptation de la politique agricole (dont son volet de politique génétique) aux nouveaux enjeux, parmi lesquels le maintien de la biodiversité et l'adaptation au changement climatique est un objectif partagé au sein du Gouvernement comme avec la Commission européenne. En particulier, il est nécessaire de faire évoluer le système de sélection et production variétale en France, en reconnaissant le rôle que peut y jouer l'exploitant agricole lui-même ainsi que l'existence d'une production variétale en dehors des normes. Le récent procès de l'association Kokopelli, qui a beaucoup fait débat, montre qu'on ne peut en rester au stade actuel. Il faut toutefois rappeler, au sujet de ce procès, que c'est une affaire qui relève du droit de la concurrence sur laquelle la justice s'est prononcée. En ce qui concerne les questions plus larges que cette affaire soulève, il faut constater que les critères actuels de reconnaissance des nouvelles variétés ne sont pas adaptés à l'inscription de variétés rustiques susceptibles de convenir aux besoins de l'agriculture biologique ou de modèles agricoles moins intensifs en intrants, et de s'adapter aux aléas du climat. Un catalogue annexe amateur au catalogue officiel existe et permet d'inscrire des variétés avec des critères plus souples. Mais, étant réservé aux seules espèces potagères standard et n'incluant qu'un nombre limité de variétés, il répond surtout aux intérêts des jardiniers amateurs et non à la totalité des besoins des acteurs. Or, si la production semencière normée a toujours toute sa place dans le système, elle ne peut pas garantir seule l'offre de diversité permanente dont ont besoin les alternatives agricoles, biologiques et paysannes. Il convient donc à présent de reconnaître la place de différents marchés des semences, de volumes variables, et dont les acteurs participent tous au maintien de la biodiversité culturale. Le marché des semences en France ne peut ainsi plus être restreint au catalogue officiel tel que celui-ci existe actuellement. Pour favoriser la biodiversité dans l'agriculture, la reconnaissance d'autres types de catalogues et une révision des critères d'évaluation des semences doivent être mises en place. L'ensemble de la réglementation relative aux semences est donné dans un corps de directives européennes ancien et volumineux et dans une réglementation française qui visait initialement à assurer la sécurité et l'honnêteté des transactions commerciales. Au regard des nouveaux enjeux, c'est cet ensemble juridique complexe qu'il s'agit de faire évoluer, ce à quoi le Gouvernement s'emploie actuellement. Un ensemble de directives européennes est ainsi en cours d'élaboration afin d'inscrire, à côté du catalogue officiel des semences, la possibilité de créer une liste des « semences de conservation », autrement dit des variétés anciennes. Cette liste comprendrait des variétés anciennes, bien identifiées, ne pouvant pas évoluer et dont la production et la diffusion seraient limitées, dans la version actuelle des textes, à la région d'origine ou d'adoption. Le Gouvernement suit avec attention l'élaboration de cette directive et en particulier la question de la limitation géographique de la production ou de la diffusion, qui semble trop restrictive eût égard par exemple à l'adaptation climatique de l'apiculture. Le projet de directive concerne ainsi, dans son état actuel, des variétés locales intégrées dans des collections ou des banques de gènes qui, plus que le maintien de la biodiversité cultivée, assurent la matière première nécessaire à l'industrie des semences pour développer de nouvelles variétés. D'autres pistes complémentaires sont actuellement à l'étude et font l'objet d'un débat, comme la reconnaissance de la semence de ferme, la commercialisation plus facile de variétés ou semences rares destinées aux amateurs, le développement de la conservation de la variabilité génétique pour l'ensemble des espèces cultivées, en parallèle de l'inscription des variétés anciennes dans une annexe du catalogue officiel. C'est dans ce contexte que le Gouvernement a adopté, dans le cadre du Grenelle de l'environnement, l'objectif de doter rapidement la France d'un nouveau catalogue des variétés locales et traditionnelles. Il doit permettre l'inscription d'un nombre beaucoup plus important de variétés que l'actuel catalogue amateur, et permettre la commercialisation de ces variétés à petite échelle.

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