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Éric Jalton
Question N° 17573 au Ministère de la Justice


Question soumise le 26 février 2008

M. Éric Jalton attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur les difficultés rencontrées par les victimes d'abus sexuels. Certes, la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 améliore les règles de prescription dans ce domaine. Le délai est donc porté à 20 ans en matière de criminalité et commence à courir dès la majorité du mineur. Autrement dit, les victimes disposent d'un recours juridique jusqu'à l'âge de 38 ans. Mais cette évolution demeure insuffisante car de nombreux crimes sexuels sont impunis quand la plainte survient au-delà du délai de prescription. En effet, la plupart des abus sexuels ne se révèleront que bien plus tard, le plus souvent des années après l'extinction de la prescription, lorsque la victime devenue adulte aura, enfin, un interlocuteur de confiance et les moyens d'exprimer l'indicible. L'amnésie ou le déni est souvent la seule réponse de survie à l'horreur de l'abus sexuel et le refoulement dans l'inconscient se prolonge chez un grand nombre de victimes jusqu'à un âge avancé, conduisant au-delà du délai de prescription. Dans ce contexte, des crimes sexuels restent impunis comme le démontrent les chiffres de l'ODAS (l'Observatoire décentralisé d'action sociale). Ainsi, le rapport indique que le nombre de signalements pour abus sexuel sur les enfants tourne autour de 5 500 par an en moyenne, sur les 5 dernières années. Le total de tous les signalements effectués ne dépasse donc pas 1 % du nombre réel d'enfants victimes d'abus sexuels en France. Il lui demande donc de bien vouloir lui préciser si elle a l'intention de rendre imprescriptible les crimes sexuels pour que les victimes se libèrent du traumatisme subi, en engageant des poursuites judiciaires contre leur agresseur à tout moment, et afin de dissuader les délinquants criminels potentiels.

Réponse émise le 22 avril 2008

La garde des sceaux, ministre de la justice, rappelle à l'honorable parlementaire que le régime de prescription mis en oeuvre au bénéfice des victimes d'infractions sexuelles, et notamment au bénéfice des mineurs victimes, est d'ores et déjà particulièrement dérogatoire au droit commun. Ainsi, la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité a modifié les articles 7 et 8 du code de procédure pénale relatifs à la prescription, afin de prendre en compte la spécificité des infractions sexuelles commises sur des mineurs par des adultes. Si, comme par le passé, le point de départ de la prescription demeure repoussé à la date de la majorité de la victime, les délais de prescription ont été très sensiblement allongés. En matière criminelle et pour certains délits, le délai a ainsi été porté de dix à vingt ans. Pour les autres délits, il a été porté de trois à dix ans. Il en résulte que, dans les cas les plus graves, les victimes peuvent dénoncer les faits jusqu'à ce qu'elles atteignent l'âge de trente-huit ans, ce qui correspond à une période de leur vie où leur maturité et leur évolution leur permettent enfin de dénoncer des faits jusque-là indicibles. La garde des sceaux estime que le système tient compte de la spécificité des infractions de nature sexuelle, en accordant aux victimes le temps nécessaire pour acquérir la maturité et la force suffisante pour déposer plainte. Le rapport de l'observatoire décentralisé d'action sociale auquel l'honorable parlementaire fait référence expose que, depuis deux ans, le nombre de signalements annuels d'enfants en danger en raison de violences sexuelles se maintient en dessous de 5 000. Il apparaît difficile d'en conclure que ce nombre ne dépasse pas 1 % du nombre réel d'enfants victimes d'abus sexuels. La garde des sceaux estime que la notion d'imprescriptibilité, par nature exceptionnelle, doit être réservée aux seuls crimes contre l'humanité, en raison de l'irréductible spécificité de ces actes, et ne saurait être étendue à d'autres infractions. Ce point de vue est partagé dans un récent rapport du Sénat n° 338 du 20 juin 2007 réalisé au nom de la commission des lois et de la mission d'information de la commission des lois « pour un droit de la prescription moderne et cohérent ».

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