M. Yvan Lachaud attire l'attention de M. le secrétaire d'État chargé de la consommation et du tourisme sur la responsabilité décennale portant sur les ouvrages de génie civil et de bâtiments. En effet, il semblerait que cette garantie couvrant les désordres les plus graves pouvant apparaître dans les dix ans qui suivent la réception des travaux, ne s'applique qu'en France. Aussi, il souhaiterait connaître la position du Gouvernement dans l'éventualité d'une harmonisation européenne.
Les régimes de responsabilité et d'assurance en matière de construction en Europe apparaissent particulièrement hétérogènes, comme le démontre une comparaison internationale publiée en annexe à un rapport de l'inspection des finances et du conseil général des ponts et chaussées de 2006. À bien des égards le régime français issu de la loi Spinetta de 1978, de par son degré de protection du maître d'ouvrage, fait figure d'exception. Il repose sur un régime de responsabilité très protecteur, prenant en charge pendant 10 ans les dommages affectant la solidité de l'ouvrage ou le rendant impropre à sa destination, dans le cadre d'une responsabilité sans faute du constructeur et sur une double obligation d'assurance (assurance décennale pour le constructeur, assurance dommages-ouvrage visant à préfinancer les travaux de réparation, pour le maître d'ouvrage), complétée par des clauses types impératives et une obligation pour l'assureur de garantir le risque (ce dernier pouvant lui être imposé par le bureau central de tarification). En Europe, trois groupes de pays peuvent être distingués : les pays de tradition législative : l'Italie, avec une garantie décennale inscrite dans la loi mais de moindre portée et une seule obligation d'assurance, est le pays le plus proche de la France, suivie de l'Espagne qui a adopté en 1999 un régime inspiré de la loi Spinetta mais plus léger (la seule assurance obligatoire est le dommage-ouvrage pour le seul logement, et le régime de responsabilité ne porte que sur la solidité de l'ouvrage) ; les pays à régime de responsabilité plus léger, et sans obligation d'assurance : l'Autriche (régime de responsabilité de 3 ans), le Luxembourg, la Belgique (qui est en train d'évoluer vers le régime français, avec un projet d'assurance dommage-ouvrage réservée au domaine du logement), la Hongrie, la Pologne (3 à 6 ans), le Portugal, la Grèce et la République Tchèque (3 à 5 ans, avec une obligation uniquement pour les ouvrages publics). Dans ces cinq derniers pays, la couverture d'assurance est en outre peu répandue ; les pays à régime principalement contractuel : ce sont les contrats individuels ou les accords collectifs qui organisent la responsabilité des constructeurs et éventuellement les modalités de couverture du risque. C'est le cas de la Grande-Bretagne (responsabilité contractuelle, ou pour faute, ou pour négligence, de 6 à 12 ans, renforcée pour le logement, avec une assurance facultative souvent demandée par le maître d'ouvrage ou les banques), des Pays-Bas (responsabilité de 5 ans pour les vices cachés, de 10 ans pour la solidité de l'ouvrage ou l'impropriété à destination, et une garantie financière privée volontaire pour l'habitation), de l'Allemagne (prédominance de la liberté contractuelle, encadrée par les règles des marchés publics et les contrats de branche, responsabilité de 4 à 6 ans, assurance facultative et exceptionnelle, couverture via une garantie bancaire), la Finlande, la Suède (5 à 10 ans), le Danemark (5 ans), l'Irlande. S'agissant de l'Allemagne, il est à noter que ses constructeurs ont des difficultés à s'adapter au système français qu'ils comprennent difficilement et trouvent particulièrement lourd lorsqu'il veulent intervenir en libre prestation de services. Il découle de cette analyse que, même si chaque pays d'Europe a développé, à des degrés divers, des protections en matière de risques de construction, et si certains pays évoluent vers le régime français (Belgique, Espagne), il n'en reste pas moins que chaque pays a bâti son système en fonction de sa tradition juridique propre et que ces systèmes sont rarement aussi protecteurs qu'en France (dans aucun système, on ne trouve à la fois une garantie décennale large, une responsabilité objective, une prédominance de l'ordre public et une double obligation d'assurance). En outre, les quelques pays qui ont évolué vers le régime français se sont arrêtés en chemin puisqu'ils ont retenu des dispositions plus légères et donc moins coûteuses en termes d'assurance. Enfin, le rapport IGF-CGPC établit que la qualité de la construction en Europe est assez indépendante du degré d'interventionnisme et de protection de la législation nationale. Une harmonisation européenne apparaît donc difficilement praticable, car elle se heurterait à de fortes difficultés juridiques, techniques et enfin politiques (cas de l'Allemagne). Elle n'est d'ailleurs, à la connaissance du Gouvernement, pas à l'ordre du jour dans les enceintes communautaires.
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