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Jean-Marc Roubaud
Question N° 16156 au Ministère de l'Anciens


Question soumise le 5 février 2008

M. Jean-Marc Roubaud appelle l'attention de M. le secrétaire d'État à la défense, chargé des anciens combattants, sur le dossier d'indemnisation des Français rapatriés d'Algérie. À ce jour, bon nombre de Français rapatriés d'Algérie ont demandé le réexamen de leur dossier d'indemnisation, malgré la loi n° 2005-158 portant reconnaissance de la nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés, parue au Journal officiel du 23 février 2005. En conséquence, il lui demande dans quel délai la question des réparations sera définitivement résolue pour ces familles, qui ont subi tant des préjudices moraux que financiers.

Réponse émise le 17 juin 2008

La réparation des préjudices matériels subis par la communauté française dans les territoires ayant été antérieurement placés sous la souveraineté, le protectorat ou la tutelle de la France a été prise en considération par le Gouvernement. La mesure de restitution instituée par l'article 12 de la loi n 2005-158 du 23 février 2005 portant reconnaissance de la nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés répond à la principale revendication des associations de rapatriés depuis 1995 ainsi qu'aux engagements de l'État à leur égard. L'article 12 prévoit, en effet, de restituer aux Français rapatriés bénéficiaires de l'indemnisation, d'une part, les sommes prélevées sur leurs indemnités par l'Agence nationale pour l'indemnisation des Français d'outre-mer (ANIFOM) qui ont été affectées en application des articles 46 de la loi n 70-632 du 15 juillet 1970 et 3 - troisième, quatrième et cinquième alinéas - de la loi n 78-1 du 2 janvier 1978, au remboursement partiel ou total des prêts dont ils avaient bénéficiés pour leur réinstallation en France dans le cadre de la loi n 61-1439 du 26 décembre 1961 et, d'autre part, les sommes prélevées sur l'aide brute définitive accordée aux propriétaires français lors de la cession de leurs biens agricoles en Tunisie dans le cadre des protocoles franco-tunisiens des 13 octobre 1960 et 2 mars 1963. La loi de 2005 s'ajoute au dispositif d'indemnisation mis en place au profit des Français rapatriés dépossédés, d'abord, par la loi de 1970 qui crée un droit à indemnisation et accorde une contribution nationale à l'indemnisation. Cette contribution est complétée par le complément d'indemnisation institué par la loi de 1978 ainsi que par une indemnité complémentaire dont les modalités de liquidation sont définies par l'article 1er de la loi n 87-549 du 16 juillet 1987 relative au règlement de l'indemnisation des rapatriés. Le Conseil économique et social, saisi par le Premier ministre d'une question relative aux « politiques financières conduites en faveur des Français rapatriés », a rendu son avis adopté en séance, le 19 décembre 2007. À cet égard, il a recueilli les observations de personnalités connaissant bien la question dont il était saisi, ainsi que les observations des représentants de plusieurs associations de rapatriés. Il a d'abord fait le bilan des différentes mesures législatives prises en faveur de nos compatriotes rapatriés venant principalement d'Algérie au titre de l'aide à la réinstallation par la loi n 61-1439 du 26 décembre 1961 qui représente un effort financier considérable, l'équivalent de 15 milliards d'euros, la dépense ayant atteint pour la seule année 1963 l'équivalent de 4,5 milliards d'euros, soit 5 % du budget de l'État ; au titre des retraites par la loi susvisée de 1961, complétée en 1964 et 1965, ainsi que par la loi n 85-1274 du 4 décembre 1985, par la création d'un fonds de retraite complémentaire en faveur des salariés du régime général ou agricole géré par Groupama ainsi que par le reclassement des agents du secteur public ; au titre du désendettement par la mise en oeuvre de mesures de protection juridique en application de la loi n 69-992 du 6 novembre 1969 ainsi que de mesures individuelles et générale d'effacement des dettes de réinstallation, par la mise en place de prêts de consolidation et de procédures d'aménagement devant les CODAIR puis la CNAIR ; au titre d'aides spécifiques pour les harkis et leurs descendants avec les allocations forfaitaires des articles 9 de la loi n 87-549 du 16 juillet 1987 et 2 de la loi n 94-488 du 11 juin 1994, l'allocation de reconnaissance, les aides à l'accession à la propriété ou à l'amélioration à l'habitat, la formation professionnelle ; au titre de l'indemnisation des biens spoliés dont les principes sont fixés par la loi n 70-632 du 15 juillet 1970, complétée par vingt et un autres textes, notamment la loi n 78-1 du 2 janvier 1978, la loi n 82-4 du 6 janvier 1982, la loi n 87-549 du 16 juillet 1987, l'article 12 de la loi n 2005-158 du 23 février 2005. Relevant que le montant total de l'ensemble de ces aides et indemnisations s'élève à la somme de 35 milliards d'euros (euros 2002), le Conseil économique et social estime qu'« il a été tenu compte du choc subi par des populations très éprouvées par des événements sur lesquels elles n'avaient aucune prise et qui concernaient, au demeurant, à des degrés divers et dans des circonstances différentes, plusieurs pays d'Europe » (lesquels, contrairement à la France, ont aidé leurs ressortissants rapatriés, soit pour leur réinstallation, soit pour leurs droits à pension de retraite et, plus rarement, pour indemniser partiellement les biens spoliés). Rappelant, d'une part, que l'indemnisation versée à nos compatriotes rapatriés était conçue comme un acte de solidarité nationale et, financée par l'impôt, et n'avait donc pas vocation à rembourser intégralement les biens perdus, ce que d'ailleurs la loi de 1970 n'avait pas prévu et relevant, d'autre part, que « la position française n'a jamais été jugée invalide juridiquement », le Conseil économique et social observe que, en retirant les biens au-delà du plafond, l'ensemble des indemnisations versées correspond à 58 % de la valeur des biens spoliés telle que celle-ci a été estimée sur la base des textes légaux et réglementaires que l'Agence nationale pour l'indemnisation des Français d'outre-mer (ANIFOM) doit appliquer. Aux termes de l'analyse qu'il a élaborée après avoir entendu des personnalités qualifiées et les représentants des associations de rapatriés les plus représentatives, le Conseil économique et social aboutit ainsi aux mêmes conclusions que le rapport qui avait été établi, en octobre 2008, par M. Michel Diefenbacher à la demande du Premier ministre. Ce rapport relevait que le taux d'indemnisation des biens spoliés est de 58 % en soulignant que ce taux est bien supérieur au taux moyen de 10 %, voire 22 %, avancé par certaines associations de rapatriés qui se fondent sur des critères d'évaluation hypothétiques et non vérifiables, autres que ceux qui sont retenus par le dispositif d'indemnisation mis en place par la loi initiale d'indemnisation de 1970 et qui n'ont pas été remis en cause par les lois complémentaires de 1978 et 1987. Certes, le caractère forfaitaire de l'indemnisation, son plafonnement (qui ne joue au demeurant que pour 4 % environ des patrimoines indemnisés), l'exclusion de certains préjudices et, surtout, l'étalement dans le temps des opérations de liquidation et de paiement des indemnités afin de les rendre compatibles avec les charges budgétaires de l'État n'ont pas permis d'assurer la couverture intégrale des pertes subies, tout au moins globalement. Mais tel n'était pas la volonté du législateur lorsqu'il a voté, au nom de la solidarité nationale, la loi d'indemnisation du 15 juillet 1970. Conformément aux règles de droit international en la matière, l'indemnisation ainsi allouée par la France au titre de la solidarité nationale à ses ressortissants rapatriés dépossédés a juridiquement le caractère d'une avance sur les créances détenues à l'encontre des États étrangers ou des bénéficiaires de la dépossession. Ce que relève le Conseil économique et social qui, constatant le non-respect des accords d'Évian du 18 mars 1962 par l'Algérie, conclut que le versement d'un complément d'indemnisation pour solde de tout compte ne pourrait être envisagé que dans le cadre d'une négociation avec ce pays.

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