M. William Dumas attire l'attention de Mme la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales sur l'article 225-10-1 du code pénal instituant le délit de racolage passif. Le but affiché de cet article de la loi sur la sécurité intérieure de 2003 était de lutter contre la traite des êtres humains. Or depuis sa mise en application il y a quatre ans, aucune condamnation pour traite n'est intervenue. Il semble même que cet article de loi ait provoqué une grande confusion entre la lutte contre le racolage, agissement réprimé par le législateur de 2003, et la prostitution, activité légale. L'application de l'article 225-10-1 fait, qu'en règle générale, les victimes de proxénétisme sont, soit éloignées du territoire en raison de leur situation administrative, soit condamnées pour racolage, ce qui ne leur laisse que peu de chance de faire valoir leurs droits en temps que victime de proxénétisme. Il souhaiterait savoir si le Gouvernement entend abroger l'article 225-10-1 du code pénal afin que soient respectés les droits fondamentaux des personnes prostituées.
La garde des sceaux indique à l'honorable parlementaire que la circulaire d'application de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003, qui a introduit un article 225-10-1 dans le code pénal réprimant « le fait par tout moyen, y compris par une attitude même passive, de procéder publiquement au racolage d'autrui en vue de l'inciter à des relations sexuelles en échange d'une rémunération ou d'une promesse de rémunération », précise que cette nouvelle infraction tend à permettre le placement en garde à vue de personnes se livrant à la prostitution dans un objectif de protection de l'ordre public mais aussi de lutte contre les réseaux de proxénétisme. Dans ce même objectif, la loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure a également créé une nouvelle incrimination de traite des êtres humains, passible de sept ans d'emprisonnement et de 150 000 euros d'amende. Elle prévoit en outre que les femmes et les jeunes filles victimes de la traite peuvent bénéficier de la protection des témoins, prévue par le code de procédure pénale, qui permet de recueillir leurs déclarations sans que leur identité n'apparaisse. L'affirmation selon laquelle l'infraction de traite n`a jamais été retenue par des juridictions de jugement est erronée. D'une part, les juridictions continuent à juger de nombreux dossiers de proxénétisme. D'autre part, des dossiers spécifiques de traite des êtres humains sont instruits, notamment par les juridictions interrégionales spécialisées. Ainsi, en 2006, deux dossiers ont été jugés, les mis en cause ayant été condamnés à plusieurs années de prison. Quant aux conditions d'admission au séjour, de protection et d'hébergement des femmes étrangères victimes de la traite, elles sont précisées par le décret du 13 septembre 2007 relatif à l'admission, au séjour, à la protection, à l'accueil et à l'hébergement des personnes étrangères victimes de la traite des êtres humains et du proxénétisme. La victime dispose d'un délai de réflexion de trente jours pour choisir de bénéficier ou non de la possibilité d'admission au séjour. Une carte de séjour temporaire « vie privée et familiale » d'une durée minimale de six mois est délivrée à l'étranger qui a rompu tout lien avec les auteurs présumés des infractions constitutives de la traite des êtres humains et du proxénétisme. Elle est renouvelable pendant toute la durée de la procédure pénale. Au terme de la condamnation définitive des personnes mises en cause, une carte de résident peut être délivrée à la victime. L'étranger titulaire de la carte de séjour temporaire « vie privée et familiale » a droit à l'exercice d'une activité professionnelle et à la formation professionnelle. Il peut bénéficier également d'une protection sociale, d'une protection policière en cas de danger et d'accès à des dispositions d'accueil et d'hébergement. Sur les années 2003 et 2004, 352 admissions au séjour ont été prononcées (hors renouvellement) à l'égard de victimes qui ont accepté de coopérer avec les autorités publiques. Concernant la répression du racolage, la circulaire d'application de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 indiquait que les prostituées ayant fait l'objet d'une procédure pour racolage bénéficient, lorsque les faits n'ont pas causé de trouble à l'ordre public, d'une procédure alternative de rappel à la loi, d'orientation ou de régularisation prévue à l'article 41-1 du code de procédure pénale. Par ailleurs, en 2006, sur les 1 070 personnes interpellées pour délit de racolage, 18 personnes ont été remises à la police aux frontières en vue d'une procédure de reconduite à la frontière. Ainsi, la garde des sceaux n'entend pas proposer l'abrogation de l'article 225-10-1 du code pénal, qui ne porte pas atteinte aux droits fondamentaux des personnes prostituées.
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