M. Philippe Tourtelier attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur le projet de loi n° 308 portant adaptation du droit pénal à l'institution de la Cour pénale internationale (CPI), enregistré au Sénat le 15 mai 2007. Des associations de défense de droits de l'homme, Action des chrétiens pour l'abolition de la torture (ACAT), Amnesty International-France, sont particulièrement inquiètes à la fois du retard et des lacunes de ce texte. Avec ces associations il relève les nombreuses tergiversations de ce projet de loi, déjà enregistré à l'Assemblée nationale sous le n° 3271 le 26 juillet 2006, avant d'être retiré, puis re-déposé avec d'importants manques, lors de la précédente législature. Sera-t-il enfin inscrit à l'ordre du jour du Parlement et surtout amendé ? En effet, l'adaptation du droit pénal français au Statut de Rome est cruciale pour l'image internationale de notre justice et pour l'effectivité d'une justice pénale internationale dans le traitement des crimes les plus graves. La France s'était pourtant engagée avec force dans le soutien à la création de la CPI. Sept années après avoir ratifié le Statut de la Cour, notre législation restreint toujours les possibilités de nos juridictions de poursuivre et juger des responsables de génocide, de crimes contre l'humanité ou de crimes de guerre. Le droit français ne comporte à ce jour aucune disposition relative aux crimes de guerre. Or, la France, avec la déclaration dite de l'article 124, introduite dans le Statut de la CPI à sa demande, a refusé la compétence de la CPI pour les crimes de guerre jusqu'en 2009. Cette déclaration devait, selon la France, avoir un effet incitatif en faveur de la ratification pour certains pays, mais n'a eu qu'un impact extrêmement limité. En effet, seule la Colombie, comme la France, a eu recours à cet article. Dans les faits ce refus de la compétence de la CPI crée une véritable situation d'impunité pour les auteurs de tels actes (génocide, crimes contre l'humanité, crimes de guerre). Dans le projet, ces crimes sont traités comme des crimes de droit commun, et se prescrivent, contrairement au régime unique d'imprescriptibilité des crimes les plus graves prévu par le Statut de la CPI. Sur ce point particulier, il note que le Président de Colombie Uribe a annoncé qu'il étudiait le retrait de cette réserve fondée sur la déclaration de l'article 124. Notre pays se trouverait ainsi le seul à restreindre ainsi la compétence de la juridiction internationale, ce qui fragiliserait considérablement notre crédibilité internationale. D'autre part, alors que la France affirme son engagement international dans la lutte contre l'impunité, le projet de loi ne reconnaît pas non plus aux tribunaux français une compétence universelle pour les crimes du Statut à savoir la possibilité de poursuivre et juger les auteurs de crimes de guerre, crime contre l'humanité et génocide quels que soient le lieu du crime et la nationalité de l'auteur ou celle de la victime. Cette « compétence territoriale élargie » est d'ailleurs déjà prévue par notre code de procédure pénale (articles 689-1 et suivants) notamment pour les personnes coupables de torture, ou encore dans le cadre des lois de coopération avec les tribunaux ad hoc pour l'ex-Yougoslavie et le Rwanda. Adopter cette compétence territoriale élargie des juges français pour les crimes visés par le Statut de Rome et commis par toute personne se trouvant, même provisoirement, sur le territoire, constitue une nécessité pour être cohérent à la fois avec notre procédure pénale, et nos engagements internationaux. Telles que prévues par le projet de loi dans sa version actuelle, la prescription et la compétence territoriale de nos juridictions pourraient faire de la France « une terre d'impunité » pour les plus grands criminels de demain. Il lui demande donc si elle entend déposer un nouveau projet de loi prenant en compte ces observations formulées par de nombreuses associations, ce qui positionnerait notre pays, « patrie des droits de l'homme », à la place qui doit être la sienne.
La garde des sceaux, ministre de la justice, a l'honneur d'indiquer à l'honorable parlementaire que le projet de loi portant adaptation de la législation pénale française au statut de la Cour pénale internationale a été adopté par le Sénat le 10 juin 2008. Après l'adoption de la loi n° 2002-268 du 26 février 2002 relative à la coopération avec la Cour pénale internationale, ce projet de loi a pour objet l'adaptation de notre législation interne à la convention portant statut de la Cour pénale internationale, signée à Rome le 18 juillet 1998, en créant des incriminations spécifiques en droit français pour les crimes et délits de guerre, qui ne seront plus traités comme des crimes et délits de droit commun. Ces infractions feront l'objet de pénalités aggravées et d'un régime de prescription plus long. Si les crimes de guerre ne sont pas définis en tant que tels dans notre législation, la plupart d'entre eux peuvent d'ores et déjà être poursuivis sur le fondement du code pénal ou du code de justice militaire et rien ne s'oppose, dès à présent, à ce que les personnels français, civils ou militaires, qui commettraient de tels crimes soient traduits devant les juridictions françaises. En outre, la France a renoncé à la réserve qu'elle avait formée sur le fondement de l'article 124 du statut, conformément à l'engagement pris devant le Sénat le 3 juin 2008 et depuis le 15 juin 2008, la Cour pénale internationale peut, le cas échéant, juger les auteurs des crimes de guerre relevant de notre compétence. Sensible à la préoccupation que la France ne puisse servir de refuge aux auteurs de crimes contre l'humanité ou de crimes de guerre, le Gouvernement a soutenu l'amendement déposé par le Rapporteur du Sénat élargissant la compétence de nos juridictions pénales nationales au-delà de leur compétence habituelle, sans concurrencer la compétence de la Cour pénale internationale dont c'est la vocation et qui a des moyens juridiques plus importants pour l'exercer, en particulier sans contraintes liées aux immunités. Le calendrier parlementaire chargé n'a malheureusement pas permis l'adoption de ce texte avant l'été mais il sera inscrit à la première date utile à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale.
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