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Jean-Claude Flory
Question N° 15296 au Ministère des Affaires étrangères


Question soumise le 29 janvier 2008

M. Jean-Claude Flory attire l'attention de M. le ministre des affaires étrangères et européennes sur les difficultés que peuvent rencontrer les entreprises françaises sur le marché africain face à la concurrence des intervenants de la République populaire de Chine en Afrique. On ne compte plus les relations commerciales établies et les visites de dignitaires chinois sur ce continent mettant les entreprises chinoises en situation de remporter des marchés, nonobstant les relations antérieures, voire historiques, liant notre pays avec ceux d'Afrique. S'il faut convenir que le phénomène n'est plus aujourd'hui tout nouveau, en revanche il est de plus en plus affirmé et les dégâts économiques causés sont de plus en plus importants. À plusieurs titres d'ailleurs car le modèle chinois du « win-win » (gagnant-gagnant) pourrait laisser la porte ouverte à une nouvelle forme de néocolonialisme drapé des illusions d'aides apportées au développement de pays en voie de développement, auxquels d'ailleurs la France n'a jamais manqué d'écoute ou de soutien. Il lui demande en conséquence de lui faire connaître quelles sont les actions entreprises par le Gouvernement sur le plan diplomatique susceptibles de favoriser la coopération et les échanges commerciaux avec la République de Côte d'Ivoire.

Réponse émise le 27 janvier 2009

En dépit de défis importants à relever, l'Afrique connaît aujourd'hui une croissance significative et développe des relations économiques intenses avec le reste du monde. Le continent africain devrait ainsi connaître une croissance moyenne supérieure à 5 % pour la sixième année consécutive (6,5 % prévu en 2008 selon le FMI). Ceci est dû, en grande partie aux apports de capitaux privés qui ont presque quintuplé en Afrique subsaharienne au cours des sept années écoulées, passant de 11 Mds d'USD en 2000 à 53 Mds en 2007. De même, les flux commerciaux entre l'Afrique et le reste du monde sont en forte croissance, même s'ils ne forment encore que 1,5 % du commerce mondial. Selon l'OMC, les exportations africaines de marchandises ont augmenté de 16 % par an entre 2000 et 2006, et les importations ont crû de 13 % sur la même période. La France et la Chine sont deux pays bien implantés en Afrique et fortement impliqués sur le plan économique. Ils font face aux même défis fricaet opportunités. Le renouveau de la politique africaine chinoise depuis les années 1990 semble indissociable du décollage économique de ce pays et des besoins qui l'accompagnent, notamment en matière énergétique. La Chine est désormais le premier fournisseur de l'Afrique subsaharienne avec une part de marché de plus de 10 % (devant la France et l'Allemagne) et son troisième partenaire commercial. La présence économique chinoise est en grande partie à l'origine des forts taux de croissance précédemment cités, car les besoins colossaux de la Chine en sources d'énergie et minerais de toutes natures contribuent à l'accroissement du prix des matières premières (75 % des achats de la Chine en Afrique sont des hydrocarbures et des minerais). La Chine est ainsi devenue le deuxième débouché commercial des pays africains. L'arrivée de capitaux chinois représente donc à plusieurs égards une opportunité pour l'Afrique. Elle contribue à la création de richesses et à l'insertion de ce continent dans la mondialisation. Il convient toutefois de ne pas surestimer la place de la Chine en Afrique. Elle y possède moins de 1 % du stock d'investissements directs étrangers (IDE), même s'ils ont été multipliés par 10 depuis 2003 (et 3 % des flux annuels d'IDE), et l'Afrique ne représente que 3 % du commerce extérieur chinois. La France conserve dans de très nombreux pays, notamment francophones, des parts de marché très supérieures et l'Afrique sub-saharienne constitue l'une des rares zones où notre commerce extérieur est encore excédentaire (juste derrière la zone Moyen-Orient). Il n'en demeure pas moins que les entreprises chinoises gagnent des parts de marché, et que les positions dominantes dont bénéficiaient jusqu'à il y a quelques années les entreprises françaises tendent à s'éroder. Les raisons de cette situation tiennent au coût plus bas de la main-d'oeuvre, mais aussi au fait que les entreprises chinoises bénéficient d'une aide liée à près de 70 %. Cela signifie que tous les marchés financés par l'aide chinoise pour des projets en Afrique sont attribués pour l'essentiel à des entreprises chinoises, alors que les financements de la plupart des bailleurs bilatéraux (et de tous les bailleurs multilatéraux) sont le plus souvent intégralement déliés, ce qui signifie que les entreprises chinoises peuvent soumissionner aux consultations et appels d'offres. Dans les faits, même si on constate que les entreprises chinoises sont très compétitives, en particulier dans le domaine du BTP et des Télécoms, la part de l'APD française dont bénéficient les entreprises non européennes ou non locales reste minime. La France se montre soucieuse de garantir des règles de concurrence équitables entre tous les opérateurs économiques, qu'ils soient chinois ou français, en Afrique comme sur d'autres marchés. Le ministère des affaires étrangères et européennes est sensible aux préoccupations exprimées par les entreprises françaises qu'il reçoit régulièrement, et se mobilise en leur faveur, tout en se gardant de stigmatiser un pays en particulier (en l'occurrence la Chine). Il est en effet important de développer une réflexion plus globale sur la problématique des entreprises des pays émergents d'une manière générale. La France agit d'ores et déjà à deux niveaux : 1. En prônant une meilleure prise en compte des règles de transparence et des exigences de responsabilité sociale et environnementale (RSE) des entreprises par tous les grands acteurs économiques. Cela passe par l'insertion désormais systématique de clauses RSE dans les appels d'offres ; 2. En menant un dialogue étroit avec les pays émergents qu'il importe de développer et d'intensifier, en concertation avec nos partenaires européens (dialogue UE-Chine), du G8 et de l'OCDE : dans le cadre du dialogue entre les pays membres du G8 et les grands pays émergents du G8-G15 (dialogue de Heiligendamm) notamment dans ses piliers consacrés à l'investissement et à l'aide publique au développement ; dans le cadre de l'OCDE, où la France soutient activement le processus d'engagement renforcé entre cette institution et les pays émergents, en vue d'associer ces pays aux processus d'examen par les pairs, d'apprentissage mutuel et d'élaboration de règles partagées. Pour accompagner les entreprises françaises en Afrique, il convient de rappeler que la France met aussi en oeuvre une large gamme d'outils de soutien au commerce extérieur, notamment via l'agence Ubifrance qui constitue le pivot du dispositif français d'aide aux entreprises. Outre l'expertise apportée par le réseau des 20 missions économiques en Afrique, nombre d'entreprises françaises en Afrique bénéficient des dispositifs : qui favorisent l'emploi à l'export (volontaires internationaux en entreprises, crédit d'impôt export) ; qui facilitent la prospection internationale (modernisation de l'assurance prospection, exonération fiscale pour les missions de prospection) ; qui soutiennent plus particulièrement l'expansion internationale des PME (garanties et financements Oseo). Enfin, la France a signé avec nombre de pays africains des accords de protection des investissements visant à renforcer la sécurité juridique des entreprises françaises opérant dans ces pays. S'agissant de la Côte d'Ivoire, l'héritage laissé après la décolonisation avait justifié une relation politique riche suscitant des échanges à de multiples niveaux (43e BIMA à Abidjan, accords de défense, coopération civile dense). La crise politico-militaire qui perdure depuis 2002 a fragilisé ces relations, notamment à la suite des évènements de novembre 2004 qui ont conduit au rapatriement d'une grande partie des ressortissants français (plus de 8 000) et à la fermeture de nombreuses entreprises françaises en Côte d'Ivoire. Pourtant, malgré la crise, la France conserve sa place de premier partenaire commercial (21 % de parts de marché) et de 1er investisseur étranger, active dans presque tous les secteurs économiques. Les grands groupes français traditionnellement présents en Afrique sont pour la plupart actifs en Côte d'Ivoire au travers de filiales. On dénombrait en 2007 143 filiales françaises qui emploient près de 40 000 personnes et quelque 500 PME françaises de droit local. Comme l'ensemble des entreprises du secteur structuré, elles évoluent dans un environnement qui manque de visibilité : problèmes économiques et sociaux, en particulier dans la capitale économique Abidjan, dégradation des infrastructures, informalisation grandissante des affaires, insécurité juridique, affaiblissement de l'administration. Toutefois, les entreprises françaises s'adaptent dans l'attente d'une reprise avec des effectifs, notamment expatriés, pour le moment stabilisé voire en légère progression. Il faut noter que le chiffre d'affaires des entreprises françaises implantées en Côte d'Ivoire représente environ 30 % du PIB du pays et 50 % des recettes fiscales de l'État. Plusieurs délégations du MEDEF International se sont rendues à Abidjan (avril 2007 juin 2008) et ont été reçues par les plus hautes autorités ivoiriennes qui leur ont témoigné leur volonté de voir les entreprises françaises augmenter leurs investissements en Côte d'Ivoire. Ainsi, la Côte d'Ivoire est demeurée notre 4e partenaire commercial au sein de l'Afrique subsaharienne et continue de se placer au premier rang au sein des 14 pays de la zone franc. Nos exportations (693 MEUR) ont enregistré en 2007 une importante hausse (+ 16 %), confirmant le redressement enregistré en 2006. Le solde commercial traditionnellement en faveur de la Côte d'Ivoire, s'est inversé en 2007, avec un excédent de 120 MEUR en notre faveur, du fait essentiellement d'une forte baisse de nos importations de pétrole. Cette évolution s'est poursuivie en 2008.

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