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André Chassaigne
Question N° 15254 au Ministère de l'Économie


Question soumise le 29 janvier 2008

M. André Chassaigne attire l'attention de Mme la ministre de l'économie, des finances et de l'emploi sur l'inquiétante perspective d'une remise en cause du livret A. La Commission européenne a demandé à l'État français de modifier sa législation, dans un délai de neuf mois à compter du 10 mai 2007, afin de « supprimer les entraves aux règles du marché intérieur qui résultent des droits spéciaux de distribution des livrets A et bleu octroyés à la Banque postale, aux Caisses d'épargne et au Crédit mutuel ». Face à cette remise en cause, l'État français a déposé devant la Cour européenne de justice un recours en annulation de cette injonction européenne. Or, aujourd'hui, le Gouvernement confirme sa volonté de se soumettre à cette injonction, sur la base du rapport rédigé par M. Michel Camdessus. Tout d'abord, au-delà même de la banalisation de la distribution de cette épargne à l'ensemble des banques, il serait prévu le captage d'une partie de la collecte restant dans le circuit bancaire. Or, ces fonds servent principalement au financement du logement social, mais aussi des politiques urbaines ou de la sécurité des infrastructures collectives. Cette formule a pour intérêt de ne pas peser sur le budget de l'État et d'éviter le recours à l'endettement public. Elle assure une grande stabilité du financement au-delà des aléas des ressources budgétaires publiques, stabilité adaptée à la durée des prêts (50 ans) de la Caisse des dépôts qui gère ces fonds. Cette remise en cause s'inscrirait à cet égard dans la dérive qui fait perdre progressivement à cette caisse son rôle d'investisseur institutionnel. Au total, cette réforme risque d'approfondir encore la crise du logement caractérisée par le décrochage entre l'offre sociale et les possibilités financières des familles, et l'insuffisance de logements HLM. Ensuite, pour de nombreux ménages, le livret A constitue le seul produit d'épargne et parfois le seul compte bancaire. Il fournit aux familles modestes la possibilité d'utiliser une carte de retrait dans les distributeurs automatiques de billets et leur offre la possibilité de mettre en place des prélèvements automatiques sur le livret. La banalisation de la distribution de cette épargne aurait pour conséquence d'achever la mutation en cours transformant La Poste et les Caisses d'épargne en banques de plein exercice, où seule primerait la rentabilité financière. Enfin, dans la perspective de la banalisation du livret A, le réseau des Caisses d'épargne envisage la suppression de 4 000 postes et la fermeture d'un millier d'agences, surtout en zone rurale et dans les zones urbaines sensibles, où la rentabilité ne serait pas assurée. Ces suppressions s'inscrivent dans la disparition programmée des services publics de proximité qui accompagne et provoque la désertification de nos campagnes. Cette réforme impliquerait également la remise en cause du rôle de La Poste et des Caisses d'épargne comme partenaires financiers importants des projets des collectivités locales de ces territoires. C'est pourquoi il lui demande de tout mettre en oeuvre pour que ce projet de banalisation n'aboutisse pas. Il porterait en effet un coup supplémentaire aux petits épargnants et aux territoires de notre pays.

Réponse émise le 25 mars 2008

Le financement du logement social est actuellement assuré, pour une part essentielle, par des prêts assis sur les fonds collectés sur les livrets A/bleu, distribués par La Banque Postale, les caisses d'épargne et le Crédit mutuel, et centralisés à la Caisse des dépôts et consignations (CDC). Par sa décision du 10 mai dernier, la Commission européenne a estimé que la restriction du droit de distribuer les livrets A et bleu à ces trois établissements était incompatible avec les dispositions du traité communautaire relatives à la liberté d'établissement et la libre prestation de service. Cette décision a été notifiée le 11 mai aux autorités françaises et leur donne un délai de neuf mois pour autoriser tous les établissements bancaires à distribuer ces produits. Pour autant, la Commission reconnaît sans ambiguïté les missions d'intérêt général associées aux livrets A et bleu, à savoir le financement du logement social et l'accessibilité bancaire, qui découle des caractéristiques du livret A. La Commission limite par ailleurs sa décision à la question de la distribution des livrets, et n'aborde pas en tant que telle la question de la centralisation des fonds collectés à la CDC. S'agissant de la distribution des livrets, l'analyse développée par la Commission apparaît contestable aux yeux du Gouvernement. La France a donc déposé, le 23 juillet dernier, un recours devant le tribunal de première instance des Communautés européennes à l'encontre de la décision du 10 mai. Une mission a été confiée, en parallèle, à M. Michel Camdessus pour étudier les possibilités d'une évolution du dispositif actuel, allant dans le sens d'un renforcement de l'efficacité des missions qui reposent aujourd'hui sur le livret A, tant au niveau du financement du logement social que de l'accessibilité bancaire. M. Michel Camdessus a remis son rapport au Premier ministre le 17 décembre 2007. Ce rapport constate que le système actuel du livret A s'essouffle : il ne permet aujourd'hui plus d'offrir au logement social un financement bon marché. Il observe que la généralisation de la distribution du livret A, demandée par la Commission, serait l'occasion de diffuser plus largement un produit d'épargne populaire auquel les Français sont attachés. Il souligne qu'une telle évolution offrirait l'opportunité de réduire le coût de financement du logement social tout en préservant l'accessibilité bancaire de tous les Français. M. Michel Camdessus affirme que les mesures qu'il propose permettraient, à terme, de réduire de 1 à 2 MdEUR par an les coûts de financement pour le logement social. Le Gouvernement est fermement décidé à s'attaquer à la pénurie de logement. Le ministre de l'économie, des finances et de l'emploi examine actuellement les propositions du rapport. Le Gouvernement fera prochainement des propositions et consultera très largement. Le Président de la République a posé des conditions à la généralisation de la distribution du livret A : une réforme du livret A doit, tout d'abord, contribuer à améliorer les conditions de financement du logement social ; elle doit ensuite garantir la mission d'accessibilité bancaire aujourd'hui jouée par le livret A ; elle doit, enfin, ne pas remettre en cause les équilibres financiers des établissements qui distribuent le livret A.

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