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Michel Hunault
Question N° 13149 au Ministère des Affaires étrangères


Question soumise le 18 décembre 2007

M. Michel Hunault attire l'attention de M. le ministre des affaires étrangères et européennes sur la mortalité maternelle dans les pays en voie de développement. La mortalité maternelle dans le monde ne recule pas assez vite pour atteindre les objectifs que l'ONU s'est donné d'ici à 2015, en particulier dans les pays en voie de développement, selon un rapport de l'Unicef publié le 12 octobre 2007. En 2005, sur les 536 000 décès en maternité, 533 000, soit 99 % sont intervenus dans les pays en développement. La mortalité maternelle prend en compte le décès des femmes pendant leur grossesse ainsi que jusqu'à 42 jours après l'accouchement. Si la tendance est certes à la baisse, ce recul n'est pas suffisant pour atteindre les « objectifs du millénaire pour le développement » que s'était fixé la communauté internationale il y a sept ans : réduire de 75 % la mortalité maternelle avant 2015. Il lui demande quelles initiatives le Gouvernement entend prendre sur le plan international pour contribuer à la mise en oeuvre d'un vaste plan humanitaire de santé publique afin de venir en aide aux populations des pays en voie de développement, et plus particulièrement pour faire reculer la mortalité maternelle.

Réponse émise le 26 février 2008

Lors de la cinquante-cinquième Assemblée générale des Nations unies, en septembre 2000, les États membres se sont engagés à réaliser, d'ici à 2015, les huit objectifs du millénaire pour le développement. Parmi eux, l'OMD 5 concerne l'amélioration de la santé maternelle, avec pour cible de réduire de trois quarts, entre 1990 et 2015, le taux de mortalité maternelle. Comme le précise l'honorable parlementaire, la mortalité maternelle ne recule actuellement pas assez vite pour atteindre cet objectif en 2015. Il est intéressant de rappeler quelques données sur la santé des femmes : sur environ 211 millions de grossesses chaque année dans le monde, 133 millions (63 %) débouchent sur une naissance vivante, 46 millions (22 %) sur un avortement provoqué et 32 millions (15 %) sur une fausse couche ou un enfant mort-né. La moitié des ces grossesses sont non programmées. Environ vingt millions d'avortements réalisés dans de mauvaises conditions sont responsables d'au moins 68 000 morts maternelles (soit 11 % de l'ensemble des morts maternelles). Environ 600 000 décès maternels surviennent chaque année dont plus de 99 % dans les pays pauvres. Le risque de décès lié à la grossesse est de un pour dix-neuf en Afrique comparé à un pour 9 850 en Europe. L'hémorragie est la cause majeure des décès maternels (un tiers). La majorité des décès maternels surviennent pendant la période du travail. Le taux minimum de césarienne pour prévenir les décès maternels évitables est de cinq pour 100 grossesses. Ce taux est souvent inférieur à 1 % dans les pays avec un taux de mortalité maternelle élevée. Chaque année cinquante-quatre millions de femmes souffrent de morbidité à la suite d'une grossesse, et parmi elles 100 000 sont atteintes d'une fistule obstétricale (surtout des femmes jeunes et des adolescentes). Près de deux millions de femmes vivent actuellement avec une fistule obstétricale. Le contexte et les déterminants de la santé des femmes sont aussi importants à rappeler : la problématique de la santé des femmes s'inscrit dans la problématique plus large du développement. Il ne peut y avoir de développement durable avec l'exclusion d'une moitié de la population, souvent la plus active. « (...) Il ne peut y avoir de stratégie efficace de développement dans laquelle les femmes ne jouent pas un rôle central. Lorsque les femmes sont impliquées, les effets sont immédiats : les familles, sont en meilleure santé et sont mieux alimentées ; leur revenu, épargne et capacité à réinvestir augmentent. Et ce qui est vrai pour les familles l'est également pour les communautés et, tôt ou tard, pour des pays entiers » (Kofi Annan, secrétaire général des Nations unies, le 8 mars 2003). Pour des raisons éthiques évidentes et pour que les femmes puissent jouer pleinement leur rôle moteur dans le développement, il faut mettre en oeuvre concomitamment des actions visant à améliorer leur statut et donc leurs droits et des actions visant à améliorer leur santé, les deux actions étant interdépendantes. Or, « être femme signifie encore dans de nombreux pays faire partie de la moitié de la population la plus pauvre, la moins éduquée, la moins en bonne santé et la plus marginalisée ». Dans de nombreuses sociétés, la discrimination envers les femmes commence dès la vie foetale (avortements sélectifs en fonction du sexe) et ne fait que s'accentuer tout au long de la vie : meurtres des nouveau-nés de sexe féminin ; mutilations sexuelles féminines ; violences familiales puis conjugales ; mariage précoce ; mariage forcé ; soumission au père puis au mari et à sa famille ; esclavage domestique ; absence de scolarisation ou retrait prématuré de l'école ; absence de droits ou droits très limités ; dépendance financière et dépendance pour le logement ; accès aux soins limité ou sous la dépendance des membres masculins de la famille, etc. La violation des droits humains essentiels est le lot quotidien de centaines de millions de femmes à travers le monde. Ces discriminations et violences ont évidemment des effets très néfastes sur la santé des femmes mais aussi de leurs enfants : santé physique mais aussi mentale. Si la pratique de l'excision de stade 1, inadmissible par principe et néfaste à la santé sexuelle, semble avoir peu d'impact sur la maternité, il n'en est pas de même du stade 2, et surtout de l'infibulation qui a de graves conséquences. Dans bien des pays, les femmes ne maîtrisent pas leur fécondité. Souvent, l'accès au planning familial est interdit par le conjoint ou par la société (cas fréquent des adolescentes non mariées). Les premiers à souffrir des grossesses trop précoces puis trop tardives, trop nombreuses et trop rapprochées sont les femmes et les jeunes enfants. Les programmes de planification familiale pourraient prévenir 20 à 40 % de la mortalité infantile (prévention des grossesses chez les adolescentes et les femmes âgées, espacement des naissances). Lorsque l'avortement est illégal, ce manque d'information et/ou d'accès aux méthodes d'espacement des naissances conduit des millions de femmes chaque année à avorter clandestinement dans des conditions de risque extrême avec pour fréquente conséquence la mort. L'accès aux services de santé est insuffisant, bien souvent contrôlé par le conjoint. Lorsqu'une complication obstétricale survient (15 % des accouchements dans les PVD développent une complication sévère, c'est-à-dire à haut risque de létalité), la femme, totalement dépendante de son mari tant socialement qu'économiquement, doit attendre le bon vouloir de ce dernier pour se rendre dans un service de santé. Elle y arrive trop souvent trop tard. Elle y subit en plus, souvent, des violences psychiques et physiques. Si elle ne décède pas, elle peut conserver des séquelles dramatiques de ces retards d'accès et de prise en charge, en particulier les fistules obstétricales, dues à une dystocie (travail trop long) avec la tête du nouveau-né comprimant les muqueuses du vagin, entraînant une nécrose des tissus et une communication entre les organes pelviens ; ces femmes, jeunes en général, sont la plupart du temps répudiées et chassées de leurs familles et doivent mener une vie de mendiante. Ceci montre combien sont intriqués et interdépendants droit des femmes et amélioration de leur santé. Les causes de cette situation sont maintenant connues, tant en ce qui concerne les causes liées aux droits que les causes liées aux services de santé. Les solutions font l'objet d'un consensus, surtout en ce qui concerne les actions de santé. Le défi est maintenant l'application à grande échelle de solutions qui ont prouvé leur efficacité. Depuis l'assemblée générale des Nations unies en septembre 2000, la France a continué à souscrire, dans le domaine de la santé des femmes, à des engagements politiques internationaux : en 2003, la Commission des droits de l'homme des Nations unies déclare que la santé sexuelle et génésique fait partie intégrante du droit à la santé ; la réunion « Pékin + 10 » (quarante-neuvième session de la commission des Nations unies sur la condition de la femme, février-mars 2005) a réaffirmé la validité du programme d'action de Pékin de la façon la plus ferme possible. La France a réaffirmé son engagement pour la promotion des droits des femmes dans le monde, notamment face aux grands défis que sont la lutte contre la féminisation de la pauvreté, la lutte contre les violences faites aux femmes, la défense des droits liés à la santé sexuelle et reproductive, l'accès à des emplois décents, la garantie des droits civils, et la représentativité des femmes dans les instances de décisions ; au sommet mondial de l'ONU de septembre 2005, les chefs d'État ont résolu d'assurer l'accès universel à la santé en matière de procréation d'ici à 2015, de promouvoir l'égalité des sexes et de mettre fin à la discrimination contre les femmes. Dans le cadre du CICID, la France a validé en 2007 un document d'orientation stratégique sur la santé des femmes dans le cadre de sa stratégie de coopération en santé. Ce document aborde la santé des femmes dans un sens large, prenant en compte notamment les aspects de droit, de genre (égalité), de sexualité, de procréation. Elle se fonde sur une approche multidisciplinaire, multipartenariale, et vise la diffusion large et la mise en oeuvre des interventions ayant fait leurs preuves. Les buts de cette stratégie sont : de contribuer significativement aux efforts de la communauté internationale pour améliorer l'accès des femmes à la santé sexuelle et de la procréation, lutter contre les pratiques néfastes (OMD 3), réduire la mortalité néonatale (OMD 4) et améliorer la santé maternelle (OMD 5) ; d'orienter, développer, affirmer, fédérer et valoriser les actions de la France et des acteurs français (coopération bilatérale, coopérations décentralisées, ONG, etc.). Les interventions prioritaires reconnues pour leur efficacité sont détaillées dans ce document : 1. améliorer le droit des femmes ; 2. aider les femmes à contrôler leur vie génésique ; 3. prévenir et traiter les infections sexuellement transmissibles et le Sida ; 4. assurer les accouchements par du personnel qualifié ; 5. rendre accessibles des soins obstétricaux et néonatals d'urgence de qualité à toutes les femmes, en priorité les plus pauvres ; 6. réparer les séquelles des accouchements compliqués (fistules obstétricales) et aider les femmes atteintes à reprendre leur place dans la société. En terme d'action, la coopération française s'est toujours beaucoup impliquée dans le domaine de la santé des femmes. Pendant longtemps cet appui a consisté à fournir de l'assistance technique qualifiée, en particulier des gynéco-obstétriciens mais aussi des sages-femmes pour appuyer le fonctionnement des maternités, former et encadrer les professionnels des PVD dans ce domaine. Dans le même temps et encore aujourd'hui, de nombreux médecins des PVD ont bénéficié de bourse d'études pour faire leur spécialisation en gynécologie-obstétrique et/ou en échographie obstétricale en France afin d'assurer la relève dg l'assistance technique par les compétences nationales. Parmi les projets relativement récents financés par la France, on peut citer comme exemples : le projet « Maternité sans risque à Nouakchott » 1996-2002, qui avait pour objectif de réduire la mortalité maternelle et néonatale à Nouakchott en abordant tous les aspects du problème (sauf les aspects relatifs ; au droit des femmes), avec une approche pluridisciplinaire. Il a permis d'améliorer la qualité des soins obstétricaux et néonatals d'urgence, d'en augmenter significativement l'offre tout en les rendant plus accessibles par la mise en place d'un forfait obstétrical, expérience unique à ce jour et jouant d'une grande réputation internationale. Devant le succès de ce programme, le gouvernement mauritanien a décidé son extension à l'ensemble de la capitale et à plusieurs wilayas. Cette extension est en cours aujourd'hui ; le projet Kollo au Niger, 2001-2005, avec une coopération sud-sud pour améliorer la qualité et l'accès à la santé de la procréation et aux soins obstétricaux d'urgence, a été financé par le MAE à hauteur de 700 000 euros. Ce projet a montré l'importance de la sensibilisation et de la mobilisation des responsables politiques, religieux, des professionnels et des populations pour arriver à des résultats probants, ainsi que l'utilisation d'équipes mobiles permettant d'accéder aux populations rurales dispersées ; le projet « Amélioration de la qualité et de l'accès aux soins obstétricaux d'urgence dans les pays en développement », d'un montant de 2,3 millions d'euros, mis en oeuvre de 2002 à 2005. Ce projet avait pour finalité de contribuer à améliorer la santé des femmes par une réduction des décès et des handicaps maternels et néonatals. Son objectif principal était d'améliorer la qualité de - et l'accès à - des soins obstétricaux d'urgence en fédérant et rendant synergiques, aux différents niveaux de la pyramide sanitaire, les interventions des différents acteurs. Il a été mis en oeuvre dans 4 pays : le Burkina Faso, le Cameroun, le Bénin et le Sénégal. La France a créé en 2006 un poste d'assistant technique auprès de la représentation OMS à Niamey, pour appuyer les programmes de lutte contre la mortalité maternelle de la sous-région. Avec le Fonds des Nations unies pour la population (UNFPA), la France finance un projet d'un montant de deux millions d'euros pour la période 2007-2010 : ce projet vise la réduction de la mortalité et de la morbidité maternelles et néonatales en Afrique au sud du Sahara. Un poste d'assistant technique auprès de l'UNFPA est créé en 2007, basé au sein de l'équipe inter pays de Dakar, et deux postes sont en cours de recrutement pour appuyer les équipes de l'UNFPA à Addis Abeba et à Johanesbourg, afin le soutenir la stratégie de l'UNFPA de lutte contre la mortalité maternelle en Afrique. Les autres interventions de la France, participant au renforcement des systèmes de santé dans les pays en développement, que ce soit à travers des projets bilatéraux financés par l'Agence française de développement, ou que ce soit à travers des fonds multilatéraux (Banque mondiale, Union européenne, Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, Alliance mondiale pour la vaccination), contribuent aussi à l'amélioration de la santé des femmes et au recul de la mortalité maternelle.

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