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Marc Dolez
Question N° 13093 au Ministère de la Justice


Question soumise le 18 décembre 2007

M. Marc Dolez appelle l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur le projet de loi portant adaptation du droit pénal français au statut de Rome, texte fondateur de la Cour pénale internationale (CPI), déposé le 15 mai 2007 sur le bureau du Sénat. Si ce projet de loi était attendu avec impatience par les militants des droits de l'homme attachés à l'émergence d'une justice pénale internationale, deux questions restent cependant problématiques : les crimes de guerre. Le droit français ne comporte à ce jour aucune disposition relative aux crimes de guerre. Or la France a refusé la compétence de la CPI pour les crimes de guerre jusqu'en 2009, ce qui crée une véritable situation d'impunité pour les auteurs de tels faits. Le projet de loi y remédie, mais en niant la dimension particulière que confère aux crimes de guerre le fait d'avoir été commis dans un conflit armé et de constituer des violations graves du droit international humanitaire. En effet ces crimes sont traités comme des crimes de droit commun, et se prescrivent, contrairement au régime unique d'imprescriptibilité des crimes les plus graves prévu par le statut de la CPI ; la compétence « universelle ». Alors que la France affirme son engagement international dans la lutte contre l'impunité, le projet de loi ne reconnaît pas aux tribunaux français une compétence universelle pour les crimes du statut à savoir la possibilité de poursuivre et juger les auteurs de crimes de guerre, crime contre l'humanité et génocide quels que soient le lieu du crime et la nationalité de l'auteur ou celle de la victime. Certes, le statut ne prévoit pas expressément la compétence universelle mais le principe de complémentarité qu'il énonce implique que la France rende ses tribunaux compétents pour juger les auteurs de crimes qui se trouveraient sur son territoire, quels que soient le lieu du crime et la nationalité de l'auteur ou celle de la victime. Cette compétence, que l'on peut qualifier de « compétence territoriale élargie » est d'ailleurs déjà prévue par notre code de procédure pénale (articles 689-1 et suivants) notamment pour les personnes coupables de torture, ou encore dans le cadre des lois de coopération avec les tribunaux ad hoc pour l'ex-Yougoslavie et le Rwanda. De surcroît, la France est un des derniers pays européens à ne pas s'être doté d'un mécanisme de compétence universelle pour poursuivre et juger les auteurs des crimes les plus graves. Adopter cette compétence territoriale élargie des juges français pour les crimes visés par le statut de Rome et commis par toute personne se trouvant, même provisoirement, sur le territoire, constitue une nécessité pour être cohérent à la fois avec notre procédure pénale, nos voisins européens et nos engagements internationaux. Telles que prévues par le projet de loi dans sa version actuelle, la prescription et la compétence territoriale de nos juridictions pourraient faire de la France « une terre d'impunité » pour les plus grands criminels de demain. C'est pourquoi il lui demande de bien vouloir lui indiquer si elle entend prendre des mesures pour faire de l'adaptation au statut de Rome une étape primordiale de l'émergence d'une justice pénale internationale effective, grâce à la complémentarité de la justice française et de la Cour pénale internationale.

Réponse émise le 3 mars 2009

La garde des sceaux, ministre de la justice, a l'honneur d'indiquer à l'honorable parlementaire que le projet de loi portant adaptation de la législation pénale française au statut de la Cour pénale internationale a été adopté en première lecture par le Sénat. Après l'adoption de la loi n° 2002-268 du 26 février 2002 relative à la coopération avec la Cour pénale internationale, ce projet de loi a pour objet l'adaptation de notre législation interne à la convention portant statut de la Cour pénale internationale, signée à Rome le 18 juillet 1998, en créant des incriminations spécifiques en droit français pour les crimes et délits de guerre. Les juridictions françaises peuvent, dès à présent, poursuivre les responsables de tels crimes, sur le fondement des incriminations de droit commun. Les crimes contre l'humanité ainsi que les crimes et délits de guerre ne bénéficient donc d'aucune impunité en droit français et les victimes de ces crimes et délits peuvent porter plainte et obtenir des réparations. Cependant, quoique la convention de Rome portant statut de ladite Cour n'oblige pas les États qui y sont parties à prévoir dans leur droit interne de telles infractions, le projet de loi comporte les incriminations nécessaires permettant au droit pénal français de couvrir, de la manière la plus complète possible, les comportements prohibés par ce traité. L'établissement en droit français de la règle de l'imprescriptibilité des crimes de guerre n'a pas été retenu. Une telle règle doit rester la marque des faits les plus intolérables à l'égard desquels notre société refuse que le temps écoulé fasse obstacle aux poursuites. Le projet de loi instaure un délai étendu de prescription propre aux crimesde guerre en portant celle-ci de dix à trente ans pour tenir compte de leur gravité sans toutefois banaliser l'imprescriptibilité. C'est pourquoi dans notre droit, seuls les crimes contre l'humanité sont imprescriptibles. En ce qui concerne la mise en oeuvre d'un mécanisme de compétence universelle, le fondement juridique d'une telle compétence n'apparaît pas établi lorsqu'elle n'est pas expressément prévue par ladite convention internationale. Or, tel n'est pas le cas de la convention de Rome portant statut de la Cour pénale internationale, qui confère à cette dernière seule une vocation universelle et les moyens juridiques pour l'exercer. Par ailleurs, lorsqu'une convention internationale prévoit explicitement une telle compétence, l'applicabilité à des ressortissants d'États non parties à cette convention est une question controversée, ce qui limite la portée de telles clauses de compétence universelle. Dès lors, outre les problèmes pratiques liés à l'exercice d'une telle compétence, des difficultés juridiques font obstacle à son établissement. Enfin, la France ne risque pas d'abriter, contre son gré, « de futurs criminels de guerre bénéficiant d'une scandaleuse impunité » puisqu'elle dispose, avec la loi n° 2002-268 du 26 février 2002 relative à la coopération avec la Cour pénale internationale, de la faculté de procéder, en vertu des articles 627-4 à 627-15 du code de procédure pénale, à l'arrestation et à la remise à la Cour pénale internationale de tels criminels.

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