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Richard Mallié
Question N° 129882 au Ministère du de l'État


Question soumise le 6 mars 2012

M. Richard Mallié attire l'attention de Mme la ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement, sur la révision en cours du règlement douanier n° 1383-2003 concernant l'intervention des autorités douanières en matière de contrefaçon et de son application à la lumière de la décision rendue le 1er décembre 2011 dans l'affaire Nokia n° C-495-09. La réponse apportée par la cour à la question préjudicielle qui lui était posée conditionne désormais l'action des autorités douanières européennes à l'encontre des marchandises de contrefaçon placées sous un régime suspensif de transit, externe avec ou sans transbordement, à la preuve d'un risque de commercialisation dans l'Union européenne. Or il est à craindre que cette décision, hélas, n'engage les douanes européennes à cesser tout contrôle sur les marchandises, et donc transforme l'Union européenne en véritable plateforme de redistribution de la contrefaçon alors même que celle-ci livre un combat permanent pour endiguer ce phénomène. Une telle situation reviendrait pour les gouvernements européens à considérer que la commercialisation des marchandises contrefaites, qui n'est pas acceptable auprès de la population européenne, le soit en revanche auprès de celle des États tiers ! Si l'arrêt Nokia met en avant la territorialité des droits de propriété intellectuelle, il apparaît en outre qu'une contrefaçon demeure une contrefaçon avec son potentiel de dangerosité pour le consommateur, qu'il soit européen ou non. Dans ce contexte, il lui demande quelles mesures il envisage de prendre afin que les douanes puissent continuer à déployer efficacement leur action de contrôle et d'interception des marchandises contrefaites et ainsi garantissent le respect des droits de propriété intellectuelle et la sécurité des consommateurs.

Réponse émise le 17 avril 2012

La révision du règlement communautaire sur l'intervention de la douane en matière de protection de la propriété intellectuelle a été engagée en 2011 au Conseil et au Parlement européen. Cette refonte va répondre aux attentes des titulaires de droits en élargissant le champ d'intervention de la douane à un plus grand nombre de droits de propriété intellectuelle, en harmonisant les meilleurs pratiques dans toute l'Union européenne et en simplifiant les procédures de retenue des contrefaçons, tout en garantissant une meilleure protection de toutes les parties prenantes. Ces objectifs sont pour beaucoup partagés par la France.

Or, l'arrêt n° C-495/09 NOKIA PHILIPS rendu le 1er décembre 2011 par la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a porté un coup sérieux à l'intervention de la douane dans la lutte contre la contrefaçon aux frontières extérieures de l'Union européenne (UE). En effet, en matière de transbordement, de transit et même de tout régime suspensif, cet arrêt impose aux douanes européennes de disposer d'éléments probants ou d'indices forts de commercialisation dans l'UE des marchandises de prime abord destinées à un pays tiers et soupçonnées de contrefaçon, pour pouvoir les intercepter.

Cet arrêt nie, de fait, la réalité du trafic de contrefaçons qui est devenu une activité lucrative pour les organisations criminelles. De plus, ces marchandises peuvent revenir sur le territoire de l'UE notamment via des achats sur Internet. Il est patent que la contrefaçon est devenue un phénomène criminel global mettant en péril l'économie et la sécurité des consommateurs ; le bilan record de l'action de lutte contre les atteintes aux droits de propriété intellectuelle de la douane en 2011 est là pour l'illustrer de manière éclatante.

Dès lors, il n'est pas concevable de laisser l'Europe devenir une plateforme de redistribution de la contrefaçon, ce qui serait contraire à l'article 27 de la Déclaration universelle des droits de l'homme adoptée par l'Assemblée générale des Nations Unies, le 10 décembre 1948, qui précise que « [...] Chacun a droit à la protection des intérêts moraux et matériels découlant de toute production scientifique, littéraire ou artistique dont il est l'auteur », à l'article 17 § 2 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne elle-même, qui affirme que « La propriété intellectuelle est protégée », ainsi qu'aux engagements de l'Union européenne et de ses États-membres, y compris dans le cadre d'accords internationaux (Accord à l'OMC sur les Aspects des Droits de Propriété Intellectuelle qui touchent au Commerce - ADPIC).

Devant une telle situation, il convient de modifier le cadre règlementaire communautaire en faisant évoluer le règlement douanier mais également, et surtout, le droit matériel de la propriété intellectuelle.

Les autorités françaises ont engagé un certain nombre d'actions en ce sens. Un courrier a ainsi été adressé au Président de la Commission européenne conjointement par les ministres de l'Economie et des finances et du Budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, le 3 février 2012. Ce courrier a permis de réaffirmer le profond engagement de la France en faveur de la protection des droits de propriété intellectuelle et la nécessité de maintenir la capacité des douanes européennes dans la lutte contre la contrefaçon, eu égard aux engagements de l'UE contre la cybercriminalité, la criminalité organisée et en faveur de l'innovation et de la protection des consommateurs. L'Europe ne peut en effet pas aspirer à être une économie de l'innovation et de la connaissance pour asseoir la croissance et, en même temps, renoncer à protéger les droits de propriété intellectuelle.

Parallèlement, la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI) a saisi par écrit les autorités douanières européennes. Près d'une dizaine d'entre elles se déclarent ainsi prêtes à soutenir la position française au sein du Conseil. Des actions de sensibilisation auprès de parlementaires européens ont également été entreprises.

La DGDDI participe activement à la rédaction du nouveau règlement communautaire qui va étendre la protection douanière à un panel plus large de droits de propriété intellectuelle, améliorer les moyens de contrôle en matière de cybercriminalité, entraîner une réduction des coûts et harmoniser les procédures et les demandes d'intervention déposées par les titulaires de droits.

Enfin, en accord avec la direction générale de la compétitivité, de l’industrie et des services (DGCIS), la DGDDI a attiré l'attention des instances de l'UE et des États-membres sur la nécessité de réouvrir les textes de droit matériel relatifs aux différents droits de propriété intellectuelle, afin d'étendre les notions de "commercialisation" ou de "vie des affaires" aux opérations logistiques de transbordement et de transit qui font partie intégrante du commerce international.

Tout en poursuivant ces objectifs d'amélioration du cadre réglementaire et dans les limites actuellement imposées par l'arrêt de la CJUE, la douane française continue activement à contrôler et à intercepter les marchandises de contrefaçon.

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