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Laurent Hénart
Question N° 126118 au Ministère du du territoire


Question soumise le 17 janvier 2012

M. Laurent Hénart attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire sur l'impact de la modification du calendrier d'interdiction d'épandage des fumiers en Lorraine. Selon la FDSEA et la chambre d'agriculture, considérant le contexte pédoclimatique propre à la Lorraine, la modification des calendriers d'épandage de fumiers telle qu'elle est proposée ne se justifie pas : en termes techniques, elle interdira les épandages à la veille des labours d'hiver (les labours doivent se faire avant le 15 janvier) et se traduira par une concentration massive des épandages sur la période estivale, non justifiable sur le plan environnemental et inadaptée techniquement ; en termes économiques, elle nécessitera d'augmenter les capacités de stockage de fumier de deux mois supplémentaires pour la région. De plus, introduire des périodes d'interdiction d'épandage de fumier sur prairies est contraire à toutes les mesures de pertes en nitrates. En effet, celles ci démontrent clairement la capacité des prairies à limiter les pertes en nitrates, compte tenu d'un chevelu racinaire permanent, quelles que soient les pratiques de fertilisation azotée minérale ou organique. Le maintien des interdictions proposées entraînerait donc de fait un important surcoût d'investissement et une remise en cause de l'économie de l'exploitation sans justification environnementale. Dès lors la FDSEA et la chambre d'agriculture de Meurthe-et-Moselle souhaitent que la situation soit prise en compte en tenant compte des réalités du terrain (sols, climats, systèmes de production) et de leur impact économique et environnemental qui ne peut être identique d'une région à l'autre. Il lui demande dès lors sa position sur le sujet et s'il entend répondre favorablement aux attentes de la profession agricole lorraine.

Réponse émise le 21 février 2012

Les Etats membres de l'Union européenne se sont engagés au titre de la directive 91/676/CEE dite directive « nitrates » à établir des programmes d'actions afin de « réduire la pollution des eaux provoquée ou induite par les nitrates à partir de sources agricoles » et de « prévenir toute nouvelle pollution de ce type ». Les zones où s'appliquent ces programmes d'actions sont appelées « zones vulnérables ».

 

La directive fixe dans ses annexes II et III les mesures qui doivent être incluses dans les programmes d'actions. Ces règles concernent notamment le stockage des effluents d'élevage, les calendriers d'interdiction d'épandage des fertilisants azotés, les conditions d'épandage des fertilisants azotés afin de respecter l'équilibre de la fertilisation, la limitation de l'épandage des effluents d'origine animale à 170 kg d'azote par an par hectare et par exploitation, ainsi que la limitation de l'épandage à proximité des eaux de surface, sur sols en forte pente, enneigés, détrempés ou gelés.

 

La subsidiarité laissée à chaque Etat membre dans la mise en œuvre de la directive nitrates permet d'en adapter les dispositions en fonction des enjeux et des contextes propres à chaque territoire tant d'un point de vue agronomique que pédo-climatique ou encore environnemental. Ce principe de subsidiarité trouve ses limites dans la nécessaire harmonisation à l'échelle européenne des obligations imposées aux exploitants agricoles afin de prévenir les distorsions de concurrence au sein de l'Union européenne.

 

Le 20 novembre 2009, la Commission européenne a adressé aux autorités françaises une mise en demeure relative à une éventuelle mauvaise application de la directive "nitrates", mise en demeure qui a évolué le 27 octobre 2011 en avis motivé. La Commission européenne critique le contenu technique des mesures mettant en œuvre la directive nitrates en France ainsi que la façon dont ces mesures sont déclinées dans les départements comportant des zones vulnérables.

 

Afin de répondre à ces griefs, les Ministères chargés de l'Ecologie et de l'Agriculture ont prévu une refonte d'une part de l'architecture générale des programmes d'actions et d'autre part du contenu des mesures. Ces évolutions sont nécessaires afin de se mettre en conformité avec la directive européenne.

 

Ces projets d'évolutions réglementaires sont issus d'une longue phase de concertation technique et institutionnelle débutée en mai 2010. Ils s'attachent à une transposition stricte de la directive, sans aller au-delà des obligations qu'elle définit, de manière adaptée aux contextes agricoles et pédo-climatiques français et cohérente avec les réglementations nitrates mises en place chez nos principaux partenaires européens.

Trois textes ont ainsi d'ores et déjà été publiés : le décret du 10 octobre 2011 créant un programme d'actions national et des programmes d'actions régionaux, l'arrêté du 19 décembre 2011 relatif au programme d'actions national et l'arrêté du 20 décembre 2011 relatif à la composition des groupes régionaux d'expertise « nitrates ». A partir du 1er septembre 2012, début de la prochaine campagne, la réglementation relative aux nitrates évoluera ainsi sur les points suivants.

 

S'agissant des périodes d'interdiction d'épandage des fertilisants azotés, celles-ci seront étendues, en cohérence avec les interdictions pratiquées dans les Etats membres limitrophes, tout en maintenant quelques adaptations nécessaires aux spécificités agricoles, agro-industrielles et pédo-climatiques françaises strictement encadrées pour garantir un haut niveau de protection de l'environnement.

 

S'agissant des modalités de dimensionnement et de contrôle des capacités de stockage des effluents d'élevage, celles-ci seront clarifiées et renforcées en consolidant d'un point de vue réglementaire la méthode utilisée en France « Diagnostic Environnemental de l’Exploitation d’Elevage » (DEXEL) dont les Programmes de Maîtrise des Pollutions d'Origine Agricole (PMPOA) ont prouvé la pertinence technique et l'efficacité d'un point de vue environnemental liée à l'adéquation fine entre capacités de stockage, production d'effluents par l'exploitation, surfaces disponibles pour l'épandage et calendriers d'interdiction. Lorsque les nouvelles périodes d'interdiction d'épandage impliquent une modification des capacités de stockage, l'arrêté portant programme d'actions national prévoit que les capacités résultant d'un dossier PMPOA, calculé avec la méthode DEXEL, restent valides tant que les effectifs de l'exploitation n'ont pas augmenté de plus de 10 %.

 

S'agissant des quantités d'azote émises par les vaches laitières, ces normes seront relevées en moyenne de 20 % ; pour les élevages les plus herbagers reconnus pour leur haute performance environnementale, un dispositif transitoire est mis en place dans l’attente d’une dérogation au plafond de 170 kg d'azote issu des effluents d'élevage pouvant être épandu par an et par exploitation. Cette dérogation, prévue par la directive pour tenir compte des capacités exportatrices en azote élevées des prairies, sera demandée à la Commission européenne. D'autre part, des études sont en cours pour évaluer si les quantités d’azote émises par les autres espèces doivent être actualisées ou non.

 

Par ailleurs, des groupes régionaux d'expertise « nitrates » préciseront la déclinaison opérationnelle des conditions de l’équilibre entre l'apport d'azote et les besoins des cultures pour chaque parcelle. Le respect de cet équilibre est une des obligations du plan d’action.

 

Les travaux en cours sur le cadre réglementaire d'application de la directive « nitrates » s'effectuent dans un contexte de fortes contraintes, de fond et de calendrier, liées notamment au contentieux en cours. Les Ministères chargés de l'Agriculture et de l'Environnement n'en restent pas moins particulièrement attentifs à la concertation avec tous les acteurs concernés et à la pertinence technique et juridique de l'ensemble des dispositions réglementaires.

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