M. François Loncle attire l'attention de Mme la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement sur la situation très difficile dans laquelle se trouve l'industrie papetière en France. Il s'agit d'une filière très importante qui recouvre des enjeux aussi bien économiques, sociaux, environnementaux que culturels. Elle concerne près de 500 000 emplois dont certains, comme à l'entreprise M-Real d'Alizay (Eure), sont menacés par de brutales décisions des propriétaires. Soumis déjà à de fortes tensions, ce secteur d'activités se trouve en outre remis en cause par des déclarations gouvernementales inopportunes. Ainsi, le ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique a affirmé, le 30 novembre dernier, en présentant le plan France Numérique 2020, que dans dix ans « le papier devra être définitivement abandonné et l'intégralité des démarches administratives devront être dématérialisées ». Si elle se confirme, cette annonce aura des conséquences dramatiques, tant sur le plan économique que social. Elle risque également de porter gravement atteinte à l'industrie du recyclage des papiers. Actuellement, seuls sept sites industriels papetiers fabriquent des papiers graphiques à partir de vieux papiers, issus des circuits ménagers (collecte sélective), industriels (imprimeries, industries transformatrices) et commerciaux (journaux invendus). Tous ces sites se trouvent en difficulté et sont menacés de fermeture. Ce sont, au total, plusieurs milliers de travailleurs qui sont susceptibles de perdre leur emploi. Or, il convient de préserver cette activité de recyclage qui constitue une appréciable source de croissance verte et d'emplois locaux. C'est pourquoi il lui demande de lui exposer les mesures pratiques qu'elle envisage de prendre, d'une part, pour pérenniser et renforcer la compétitivité de l'industrie papetière nationale, d'autre part, pour développer l'industrie du recyclage du papier en France, l'une et l'autre constituant deux activités complémentaires.
La situation économique de l'industrie papetière française est en effet préoccupante et les évolutions en cours doivent être l'occasion de définir de nouveaux modèles organisationnels, plus proches de l'économie circulaire. Dans un contexte de baisse de la consommation de papier, le développement du recyclage reste une des priorités du ministère de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement (MEDDTL) clairement réaffirmée dans le cadre des travaux du Grenelle de l'environnement et dans le plan national 2009-2012 sur la politique des déchets. Alors que 4,3 millions de tonnes de papiers graphiques sont mis en circulation annuellement en France, 50 % sont aujourd'hui collectés sélectivement puis recyclés, que ce soit en France, en Europe et pour partie hors Union européenne. S'agissant plus particulièrement des papiers graphiques collectés dans le cadre du circuit municipal, une filière spécifique a été mise en place à partir de 2007. Aujourd'hui, 66 % des papiers sont concernés par l'éco-contribution payée par les metteurs sur le marché, ce qui représente en 2011, 38 euros à la tonne de papier mis sur le marché. Ainsi, environ 60 millions d'euros seront versés pour l'année 2011 par les donneurs d'ordre (contre 7 millions d'euros en 2007) à l'éco-organisme agréé sur cette filière, EcoFolio. Ces fonds sont utilisés principalement pour le soutien à la gestion des déchets de papier collectés par les collectivités territoriales et permettent progressivement d'augmenter la quantité de papier collecté pour le recyclage. Les travaux en cours, préparatoires à la deuxième période d'agrément de l'éco-organisme à partir du 1er janvier 2013, ont pour objectif de donner un nouvel élan à la filière en faisant progresser le tri et le recyclage des papiers. Un objectif ambitieux de recyclage sera inscrit au cahier des charges de l'éco-organisme. Le barème des soutiens aux collectivités sera modifié afin de favoriser davantage le recyclage par rapport aux autres formes de traitement. La question des modalités de reprise des papiers sera aussi au centre des discussions et les collectivités territoriales, parties prenantes à ces négociations, pourront faire valoir leur volonté d'attribuer prioritairement les tonnages de papiers récupérés à des acteurs s'engageant contractuellement à alimenter des unités de production de proximité, lorsqu'elles existent. Parmi les différentes sortes papetières présentes dans le circuit municipal, il en est une qui est encore trop peu collectée et recyclée : les déchets de papiers de bureau. Pour un gisement estimé à plus de 900 kilotonnes, plus de 500 kilotonnes ne seraient pas recyclées. Ainsi, une importante marge de progrès subsiste, même si les gisements les plus concentrés, et donc les plus rentables, sont d'ores et déjà captés, triés puis commercialisés en tant que nouvelles matières premières. Dans le cadre du programme " filières vertes " mis en place par le MEDDTL en 2010, la mission relative à la filière " recyclage des déchets " a identifié en priorité le gisement des papiers de bureau avec la nécessité d'atteindre les gisements diffus et de créer des conditions favorables au recyclage en boucle locale. A cette fin, un groupe de travail a été constitué regroupant l'ensemble des acteurs de la chaîne de valeur du recyclage (précollecte, collecte, tri, négoce, recyclage), l'éco-organisme EcoFolio en charge de la filière de responsabilité élargie des producteurs concernant les papiers graphiques, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie et le MEDDTL. Un projet de convention d'engagement volontaire des acteurs professionnels et partenaires institutionnels de la collecte et du recyclage des papiers de bureau est en cours de rédaction. L'engagement des collectivités est essentiel car ce sont bien les collectivités qui sont propriétaires des papiers du circuit municipal lorsque ceux-ci sont triés puis vendus aux usines papetières ou aux négociants. Il s'agit donc d'impulser une dynamique favorable à l'établissement de boucles courtes, avec approvisionnement prioritaire de papeteries de proximité. L'objectif est d'aboutir, début 2012, à la signature de cette convention qui fixerait un objectif quantitatif commun de plus 200 000 tonnes de papier de bureau, à atteindre en 2015. Une autre action d'envergure, d'ordre réglementaire, est également en cours de préparation. Après une étude de dimensionnement à lancer en 2012, il est envisagé d'instaurer une obligation de collecte sélective des papiers de bureaux pour les " gros producteurs ", à l'image de celle instaurée pour les générateurs de bio-déchets, comme le prévoit d'ailleurs la directive 2008/98/CE du Parlement européen et du Conseil en son article 1, transposé en droit interne à l'article L.541-21-2 du code de l'environnement. Ainsi, avec l'ensemble des acteurs concernés, sera mise en place une dynamique visant à développer, dans des conditions économiques et environnementales acceptables par toutes les parties prenantes, la mobilisation du gisement des papiers et son recyclage en France dans des applications à forte valeur ajoutée. Ces orientations de la politique des déchets devraient apporter le signal positif attendu par les acteurs économiques pour continuer à contribuer à l'essor de capacités de recyclage de papier dans nos territoires.
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