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André Schneider
Question N° 124167 au Ministère de la Justice


Question soumise le 13 décembre 2011

M. André Schneider attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, sur la problématique que soulève la portée de la réforme de la carte judiciaire et plus particulièrement sur un projet de texte réglementaire modificatif destiné à transférer dans une autre juridiction du grand Est de la France les compétences relatives au contentieux de la « petite concurrence ». Ce décret, s'il était modifié, confirmerait l'exclusion du TGI de Strasbourg de la liste des tribunaux compétents pour connaître des litiges relatifs à l'application de l'article L. 442-6 du code de commerce. Nul doute que ce nouveau découpage ne serait pas à même, en réalité, de répondre à un service public de qualité, rapide et efficace. Il pourra en revanche conduire à un appauvrissement du rayonnement de Strasbourg par le « déclassement » du TGI de Strasbourg. Les conséquences de ce transfert de compétences ainsi décrétés se révèleront, le cas échéant, extrêmement graves. Elles iront de la réduction du nombre d'affaires traitées à Strasbourg à la disparition de bon nombre de dossiers de droit des affaires. Si cela ne manquera pas d'avoir un impact économique sur tous les cabinets d'avocats de la région, cela manifestera aussi des incidences, par « effet de dominos », sur les entreprises, le commerce, les banques et, en bout de course, sur les justiciables. C'est en fin de compte l'image de toute la région qui sera atteinte. Strasbourg est le siège du Conseil de l'Europe, du Parlement européen mais aussi de la Cour européenne des droits de l'Homme. Il est inacceptable qu'elle devienne, du fait d'un déclassement opéré par décret, le siège d'une juridiction de « deuxième division ». Il lui demande quelles sont les intentions du Gouvernement à ce sujet ?

Réponse émise le 27 mars 2012

La commission sur la répartition des contentieux, présidée par le recteur Guinchard, a formulé 65 propositions reposant sur trois orientations principales : la simplification et l’allégement des procédures, la déjudiciarisation de certains contentieux et la spécialisation des juridictions. L’objectif de la spécialisation juridictionnelle est de confier le traitement de certains contentieux particulièrement techniques ou rares à des juridictions spécifiquement désignées, la concentration des affaires permettant le développement, au sein des tribunaux concernés, d’une expertise accrue. Complétée par l’adaptation de la formation continue des magistrats traitant ces contentieux, la spécialisation juridictionnelle doit garantir une meilleure prévisibilité de la réponse judiciaire. Elle permet l’émergence d’une jurisprudence homogène, améliore la qualité et la réactivité de la réponse judiciaire dans les domaines considérés, et favorise la sécurité juridique. Parmi les spécialisations des juridictions recommandées par la commission présidée par le recteur Guinchard figure effectivement le contentieux en matière de pratiques restrictives de concurrence. Cette spécialisation était d’ailleurs préconisée dans le rapport « Restaurer la concurrence par les prix » remis par Monsieur Guy Canivet, Premier président de la Cour de cassation en 2004. Le législateur l’ayant consacrée par la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie, le Gouvernement, par un décret n° 2009-1384 du 11 novembre 2009 relatif à la spécialisation des juridictions en matière de contestation de nationalité et de pratiques restrictives de concurrence, a fixé la liste et le ressort des juridictions compétentes. Le schéma retenu reprend le dispositif existant en matière de pratiques anticoncurrentielles, qui lui-même est calqué sur la carte des juridictions interrégionales spécialisées (JIRS). Favorisant ainsi la lisibilité de la carte judiciaire dans les domaines contentieux du droit de la concurrence, il a été décidé de spécialiser le  tribunal de grande instance de Nancy plutôt que le tribunal de grande instance de Strasbourg. Cette volonté de rationaliser la répartition des contentieux ne saurait être interprétée comme une volonté de distinguer deux catégories de juridictions. Au contraire, le soin de respecter au plus près certaines spécificités locales et de préserver l’activité des praticiens concernés, dans l’intérêt des justiciables, a conduit le Gouvernement, par un décret  n° 2010-1369 du 12 novembre 2010, à réintégrer le tribunal de grande instance de Strasbourg dans la liste des juridictions compétentes pour connaître des actions en matière de propriété littéraire et artistique, de dessins et modèles, de marques et d'indications géographiques. Ce choix constitue indéniablement un signal fort adressé à la ville de Strasbourg qui est aujourd’hui l’une des capitales européennes du droit. Les équilibres recherchés étant ainsi préservés, le Gouvernement n’entend pas procéder, en l’état, à une nouvelle réforme dans le domaine concerné.

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