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Bernard Debré
Question N° 12375 au Ministère de la Justice


Question soumise le 4 décembre 2007

M. Bernard Debré attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur une situation juridique paradoxale et choquante. En effet, il a eu connaissance d'un cas d'espèce où M. X, l'auteur d'un homicide volontaire contre sa propre épouse, a pu bénéficier de la présomption d'innocence, tant qu'il n'a pas été jugé, pour revendiquer en tant qu'ex-conjoint survivant des droits sur la succession de celle-ci. En effet, M. X en prison préventive, n'est déchu ni de son autorité parentale, ni de ses droits à gérer les biens de ses enfants mineurs, ni même de ses propres prérogatives de conjoint survivant sur l'héritage de sa femme. Au surplus, la succession est difficile à partager car les biens sont en indivision entre la mère (usufruitière) et les frères de la victime. Ainsi, en raison du crime, la famille de l'épouse n'a plus la libre disposition de ses biens car le présumé innocent détient un droit de veto tant que l'affaire n'a pas été jugée. Dès lors, M. X détient plus de droit lors de sa détention provisoire qu'il n'en avait lorsqu'il était son mari ! Plutôt que d'attendre, parfois pendant des mois, voire des années, la décision pénale, il lui demande de bien vouloir lui préciser son analyse sur la situation et si la législation ne pourrait pas prévoir de suspendre de tout droit parental et patrimonial l'auteur présumé d'un crime, dès son inculpation pour homicide, au moins jusqu'à la décision pénale.

Réponse émise le 2 juin 2009

La garde des sceaux, ministre de la justice, fait connaître à l'honorable parlementaire que, conformément à l'article 726 du code civil, est indigne de succéder et exclu de la succession celui qui est condamné à une peine criminelle pour avoir volontairement donné la mort au défunt. Cette indignité successorale ne peut toutefois être retenue que si les faits qui en sont la cause ont été sanctionnés par une condamnation à une peine criminelle, la déchéance étant alors automatique. En revanche, tant que la juridiction pénale n'a pas statué, en vertu du principe de la présomption d'innocence, l'auteur présumé des faits a la qualité d'héritier et peut prétendre, en cas de partage de la succession à recevoir la part qui lui est due en qualité de conjoint successible. Dès que la condamnation est prononcée, ce dernier perd rétroactivement ses droits. Il doit alors, le cas échéant, restituer les biens reçus et les fruits et revenus perçus depuis l'ouverture de la succession. Par ailleurs, en application de l'article 729-1 du code civil, les enfants de l'indigne ne sont pas exclus de la succession, soit qu'ils y viennent de leur chef, soit par l'effet de la représentation. Dans cette hypothèse, l'indigne ne peut en aucun cas réclamer sur les biens de la succession, l'usufruit que la loi accorde aux père et mère sur les biens de leurs enfants. Concernant les modalités d'exercice de l'autorité parentale du père détenu à l'égard de ses enfants mineurs, il convient d'observer que la mère, étant décédée, ce dernier se trouve désormais seul titulaire de l'exercice de l'autorité parentale, cette dévolution s'opérant de plein droit en application de l'article 373-1 du code civil, sans intervention d'une décision de justice. Néanmoins, le tiers (membre de la famille, proche ou service de l'aide sociale à l'enfance) auquel l'enfant aura été remis en raison de l'incarcération du père peut déposer une requête auprès du juge aux affaires familiales aux fins de se voir déléguer l'exercice de l'autorité parentale sur les mineurs. Le magistrat pourra faire droit à cette demande s'il estime, au vu des circonstances de l'espèce, que l'incarcération du père le place dans l'impossibilité totale ou partielle d'exercer l'autorité parentale. Dans tous les cas, ce dernier a toujours la possibilité de solliciter l'exercice d'un droit de visite sur ses enfants, la circonstance selon laquelle il a été mis en examen du chef d'homicide volontaire contre la mère des enfants et placé en détention provisoire ne pouvant à elle seule justifier une suspension automatique des droits de visite. En effet, le seul critère qui guide le juge aux affaires familiales pour prendre une décision en ce domaine est celui de l'intérêt de l'enfant, appréciation qui résulte de l'examen concret des situations individuelles. Dans cette perspective, il appartient au juge aux affaires familiales de déterminer, au cas par cas, si le maintien des relations entre le père et les enfants est conforme à leur intérêt. Afin de se prononcer en toute connaissance de cause, il recueille toutes informations utiles sur le contexte familial, notamment par le biais de mesures d'investigation (enquête sociale, expertise médico-psychologique) ou encore après avoir ordonné l'audition des enfants dans les conditions prévues à l'article 388-1 du code civil. Ces mesures apparaissent de nature à répondre aux préoccupations exprimées par l'honorable parlementaire, en ce qu'elles protègent l'intérêt supérieur de l'enfant, tout en garantissant au père le bénéfice de la présomption d'innocence, puisqu'il reste titulaire de l'autorité parentale, au moins jusqu'à l'intervention de la décision pénale. La modification des dispositions en vigueur n'est donc pas envisagée.

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