M. Michel Pajon alerte M. le secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé du logement, sur les pratiques de constructeurs de maisons individuelles illégaux et leurs conséquences dramatiques pour les familles. Le secteur de la construction de maisons individuelles connaît toujours un taux d'infraction élevé, fruit des pratiques d'un certain nombre de constructeurs illégaux peu scrupuleux du respect des obligations réglementaires et des dispositions légales faites à tout entrepreneur de maisons individuelles. L'illégalité des pratiques en question relève avant tout de l'absence de garanties et d'assurances (à l'instar de l'assurance dommage-ouvrage, des garanties de livraison à prix et délais convenus, etc.) de la part de certains constructeurs qui s'affranchissent des obligations de souscription d'assurances faites au constructeur maître d'oeuvre au regard des dispositions légales. Au total, chaque année près de 100 000 maisons sont construites en pleine illégalité par des constructeurs qui s'inscrivent hors du cadre protecteur qu'offrent le contrat de construction de maison individuelle, le Code de la construction et de l'habitation et la loi du 19 décembre 1990, entre autres. Ce non-respect des dispositions légales et réglementaires cause deux préjudices de taille. D'une part, les consommateurs ne disposent d'aucune garantie en matière de livraison ou de contrefaçon et risquent de perdre la totalité de leur investissement en cas de défaillance du constructeur. D'autre part, les constructeurs qui s'inscrivent dans le cadre du respect de la loi subissent les conséquences de cette concurrence déloyale et se retrouvent d'autant plus fragilisés que le contexte de crise générale actuelle a déjà ralenti leur activité et incite certaines familles à s'adresser à des constructeurs illégaux pour des raisons d'ordre avant tout financières. Au regard de ces éléments, il lui demande de prendre les mesures nécessaires pour que les lois et règlements qui encadrent ce secteur soient respectés. Il l'interroge également sur l'opportunité de faire obligation aux annuaires professionnels de pratiquer la distinction dans leur présentation entre constructeurs de maisons individuelles (qui, au sens de la loi, appliquent la loi du 19 décembre 1990) et les autres professionnels travaillant en dehors de ce cadre protecteur, et ce, dans le but de protéger les 2 000 constructeurs légaux et les quelques 200 000 familles qui chaque année veulent accéder à la propriété individuelle en toute sécurité.
La loi n° 90-1129 du 19 décembre 1990 relative au contrat de construction d’une maison individuelle a créé un régime très protecteur pour le consommateur qui repose sur :
- la souscription obligatoire, pour tous ceux qui se chargent de la construction d’une maison individuelle, d’une garantie de livraison à prix et délais. La garantie de livraison prend effet à compter de la date d’ouverture du chantier : elle permet de couvrir le maître de l’ouvrage contre les risques d’inexécution ou de mauvaise exécution des travaux prévus au contrat, en l’assurant que son projet de construction sera bien réalisé conformément aux délais indiqués, tout en respectant le prix initialement fixé ;
- le contrat de construction de maison individuelle (CCMI). Le CCMI avec ou sans fourniture de plan, est obligatoire à partir du moment où une personne fait construire un immeuble à usage d’habitation ou à usage d’habitation et professionnel ne comportant pas plus de deux logements sur un terrain appartenant au maître d’ouvrage. Il est assorti d’obligations pour le professionnel et de garanties pour le consommateur, maître d’ouvrage.
Le dispositif issu de la loi du 19 décembre 1990, s’il vise à limiter les risques, ne constitue cependant pas le seul cadre juridique pour l’accession à la propriété en maison individuelle. Les difficultés rencontrées par les consommateurs peuvent en partie s’expliquer par la complexité de la réglementation relative à la construction d’une maison individuelle et par le fait qu’il existe plusieurs types de contrats possibles :
- des contrats réglementés : CCMI, contrat de vente d’immeuble à construire, contrat de promotion immobilière ;
- des contrats qui ne relèvent pas de la loi du 19 décembre 1990 : contrats d’entreprise (marchés de travaux), contrat d’architecte ou de maîtrise d’œuvre, pour lesquels il n’y a pas de garantie de livraison à prix et délais convenus, telle qu’elle existe pour le CCMI (article L 231-6 du code de la construction et de l’habitation).
Ces derniers ne sont pas toujours utilisés dans les situations qui conviennent, entraînant un non-respect des réglementations, et la coexistence des différents contrats est parfois à l’origine de dérives de la part de certains professionnels « indélicats », qui contournent la loi en se présentant souvent dans leurs publicités comme constructeurs, alors qu’ils exercent une activité de maîtrise d’œuvre. Il est d’usage de qualifier ces professionnels de « faux constructeurs » . Certains, supervisant la quasi-totalité des travaux et agissant de fait, comme des constructeurs de maisons individuelles au sens de la loi du 19 décembre 1990, dissuaderaient les consommateurs de souscrire l’assurance dommages-ouvrage. Cette pratique permet de faire croire au consommateur qu’il fait une économie intéressante sur ses travaux alors qu’il se trouvera démuni en cas de litige lié à la construction.
Or, cette assurance, qui permet d’engager les démarches nécessaires en cas de désordre lié à la construction, est obligatoire. L’article L 242-1 du code des assurances impose à toute personne physique ou morale, qui, agissant en qualité de propriétaire de l’ouvrage, de vendeur ou de mandataire du propriétaire de l’ouvrage, qui fait réaliser des travaux de construction, de souscrire, avant l’ouverture du chantier, une assurance dommages-ouvrage. Cette assurance porte sur les désordres relevant de la responsabilité décennale affectant les travaux du bâtiment : elle permet ainsi de procéder aux remboursements ou l’exécution de toutes les réparations faisant l’objet de la garantie décennale (sachant qu’aux termes de l’article L 241-1 du code des assurances, toute personne physique ou morale, dont la responsabilité décennale peut être engagée sur le fondement de la présomption établie par les articles 1792 et suivants du code civil, doit être couverte par une assurance), sans attendre de décision de justice.
La Fédération française des constructeurs de maisons individuelles propose d'instaurer l'obligation pour tous les constructeurs de maisons individuelles et opérateurs de la construction de préciser dans les publicités portant sur la construction de maisons individuelles les garanties et informations liées au remboursement, à la livraison, aux assurances de responsabilité civile et dommages-ouvrage souscrites. De son côté, afin de lutter contre les publicités des « faux constructeurs », l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité a émis une recommandation, qui s’applique à la publicité de tout opérateur qui déclare se charger de la construction de maisons individuelles. Ainsi, la publicité pour un projet de construction de maisons individuelles doit mentionner les garanties financières et assurances souscrites par le constructeur maître d’œuvre.
Les pouvoirs publics étudient actuellement, en concertation avec les professionnels concernés, des pistes d’amélioration de l’information du consommateur en matière de travaux, concernant principalement l’assurance décennale et l’assurance dommages-ouvrage. L’objectif est d’assurer une meilleure protection du consommateur, maître d’ouvrage, dans le cadre d’un projet de construction.
Par ailleurs, la Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes (DGCCRF) mène régulièrement des enquêtes dans le secteur de la construction de maisons individuelles. Il s’agit de vérifier le respect par les professionnels de la réglementation, en détectant d’éventuelles allégations mensongères et tous manquements au code de la construction et de l’habitation, en particulier à l’article L 231-6 relatif à la garantie de livraison à prix et délais convenus. Des procès-verbaux peuvent être dressés en cas de manquements importants, mais seul le juge pourra se prononcer sur une éventuelle requalification en CCMI.
Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette question.