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Jean-Pierre Decool
Question N° 121183 au Ministère des Affaires étrangères


Question soumise le 1er novembre 2011

M. Jean-Pierre Decool attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes, sur la corrélation existante entre manque de transparence fiscale et pauvreté. Seulement 10 % de l'argent de la corruption mondiale permettrait d'éradiquer l'extrême pauvreté dans le monde. Comme l'une des plus grandes sources de richesse dans de nombreux pays en développement est leurs richesses minières, les entreprises extractives opérant dans ces pays portent une responsabilité majeure dans cet enjeu. Les obliger à transmettre la publication des paiements effectués à leur gouvernement respectif, mesure que les États-unis ont déjà établi, est une démarche qui mériterait d'être considérée et adoptée au sein du G 20. En outre, la lutte contre les paradis fiscaux et judiciaires constitue un défi crucial, lorsque ces paradis font échapper aux États des sommes considérables et nécessaires à leur développement. En vue des objectifs du millénaire pour le développement, il est indispensable de prendre des mesures contre la corruption et l'évasion fiscale et judiciaire. C'est pourquoi il lui demande de mettre un accent particulier sur ces thèmes lors de la présidence française du G 20 et de bien vouloir lui préciser les mesures concrètes envisagées dans le cadre national, européen et international.

Réponse émise le 13 décembre 2011

La lutte contre les flux illicites a constitué une des priorités de la présidence française du G 20. La France a porté cet enjeu au sein du G 20 dès le sommet de Washington en 2008, et le G 20 n'a cessé depuis d'accentuer sa pression sur les juridictions non coopératives. Ces efforts ont commencé à porter leurs fruits, puisque le nombre d'accords d'échange d'informations en matière fiscale a été multiplié par quinze depuis trois ans. En tant que présidente du G 20, la France a souhaité aller au-delà de l'engagement formel des États à coopérer et à échanger des informations et a souhaité pouvoir vérifier leur capacité à honorer ces engagements. Le G 20 a ainsi donné mandat aux experts du Forum mondial pour la transparence et l'échange d'informations en matière fiscale (appelé « forum fiscal mondial ») pour évaluer ces juridictions en profondeur, afin de vérifier leur capacité à effectivement collaborer dans la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales. À ce stade, cinquante-neuf juridictions ont été évaluées par le forum fiscal mondial, sur le fondement de dix critères objectifs et techniques permettant de déterminer réellement les capacités et les motivations des États sur ce sujet. Le forum fiscal mondial a remis son rapport d'évaluation lors du sommet de Cannes. Ce rapport identifie les juridictions dont la législation ne respecte pas pleinement les règles du jeu, et les efforts restant à accomplir. Durant sa conférence de presse en clôture du sommet de Cannes, le Président de la République a cité les 11 pays, parmi les 59 déjà évalués, qui ne sont pas encore aux normes et qui pourraient être aidés pour améliorer leur législation. En effet, les pays qui le souhaitent pourront bénéficier d'une assistance technique en vue de répondre aux attentes de la communauté internationale. La lutte en faveur de la transparence est un effort commun. L'évasion fiscale est aussi, et peut-être avant tout, une atteinte grave au développement des pays pauvres. C'est pourquoi la France, en tant que présidente du G 20, a souhaité faire de cet enjeu une des priorités du G 20 développement. En effet, une meilleure maîtrise des recettes fiscales nationales permettrait à ces pays de se développer durablement. Aujourd'hui, la Banque mondiale estime que les montants sortant illégalement des pays en développement sont dix fois plus importants que le montant total de l'aide publique au développement. Une partie importante de cette évasion fiscale provient du secteur des industries extractives, qui représente une part significative du PIB de certains pays en développement. C'est la raison pour laquelle la France soutient vivement l'initiative pour la transparence dans les industries extractives (ITIE), qu'elle a déjà financée à hauteur de 2 Meuros, et appelle tous les pays à la rejoindre. L'adhésion à cette initiative rend obligatoire pour les entreprises opérant dans les pays signataires la publication des redevances versées à l'État au titre de l'extraction et, pour le Gouvernement, la publication des montants reçus au titre de l'exploitation des sous-sols. Cet exercice public permet de mettre en évidence l'évasion fiscale et les détournements de ressources budgétaires. Une originalité de l'ITIE est son caractère tripartite, impliquant États, entreprises et société civile, qui permet aux ONG (internationales et des pays du Sud) de jouer un rôle à part entière dans la progression de la transparence du secteur extractif. La France a accueilli le sommet biennal de l'ITIE à Paris en mars dernier et a promu cette initiative durant sa présidence du G 20. Dans le rapport que le groupe du G 20 contre la corruption, coprésidé par la France, a transmis aux chefs d'État et de gouvernement, figure l'engagement de tous les pays à pleinement soutenir l'ITIE. Cette approche multilatérale n'est évidemment pas exclusive d'autres initiatives nationales et la France est d'ailleurs à l'initiative d'une proposition de directive européenne. Les thèmes de la lutte contre l'évasion fiscale et du soutien à la transparence dans les industries extractives ont été largement portés par la France durant sa présidence du G 20, mais ces défis nécessitent une mobilisation de l'ensemble de la communauté internationale. La lutte contre les paradis fiscaux est par essence un problème transnational et nécessite un engagement durable et constant de tous les pays. C'est à cela que la France veille, et elle n'entend pas relâcher ses efforts.

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