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Jacques Valax
Question N° 121074 au Ministère du Commerce


Question soumise le 1er novembre 2011

M. Jacques Valax attire l'attention de M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé du commerce extérieur, sur la monnaie chinoise le yuan. Le mardi 11 octobre 2011, le sénat américain a approuvé un projet de loi visant à pénaliser la Chine. En effet, les parlementaires américains estiment que la devise chinoise est sous évaluée de 40 %, ce qui donnerait aux producteurs chinois un avantage incontestable sur l'ensemble des marchés internationaux et conduirait à la destruction d'emplois. Il souhaiterait donc connaître l'avis du Gouvernement sur cette proposition.

Réponse émise le 6 mars 2012

Le vote du Congrès américain s’inscrit dans un contexte de vifs débats sur l’accroissement des déséquilibres mondiaux au cours des années 2000. Tandis que la balance courante américaine a enregistré une nette dégradation de son déficit sur cette période, celui-ci étant passé de 2,4 % en 1998 à un pic de 6 % du produit intérieur brut (PIB) en 2006, l’excédent de la balance commerciale chinoise s’est quant à lui fortement accru, atteignant jusqu’à 10,1 % du PIB en 2007 (contre 1,7 % en 2000 et 3,1 % en 1998). Si ces déséquilibres américains et chinois se sont nettement réduits en 2009 et 2010 suite à la crise, ils restent néanmoins très élevés : en 2010 (dernières données annuelles disponibles), le déficit courant américain s’élevait à 3,2 % du PIB et l’excédent courant chinois à 5,2 % du PIB. Pour les parlementaires américains, ces déséquilibres ont pour principale cause la sous-évaluation de la monnaie chinoise, qui améliorerait de façon artificielle la compétitivité des entreprises chinoises ; cette sous-évaluation est rendue possible par un régime de change chinois insuffisamment flexible. En régime de change flexible, la sous-évaluation de la monnaie ne peut être que temporaire puisque l’excédent courant provoque une hausse de la demande de monnaie ce qui génère une appréciation de celle-ci, corrigeant la sous évaluation. Cependant, si le taux de change chinois peut toujours être considéré comme rigide, les autorités chinoises ont procédé à des réformes qui en ont renforcé la flexibilité. En effet, depuis 2005 (excepté entre 2008 et 2010 où le yuan a été à nouveau ancré au dollar pendant la crise), les mouvements du yuan suivent ceux d’un panier de monnaies dont la composition exacte ne fait l’objet d’aucune communication. Le régime de change chinois s’apparente ainsi à une sorte de « crawling peg » et peut être qualifié de flottement administré. Depuis 2005, cette flexibilisation accrue du régime de change chinois a permis une appréciation substantielle du yuan depuis lors, mais le Fonds monétaire international (FMI) estime que la devise est encore significativement sous-évaluée. Toutefois, depuis 2005, le taux de change bilatéral nominal du yuan vis-à-vis du dollar s’est apprécié de 29 %. En termes « réels », c’est-à-dire en tenant compte de l’évolution relative de l’inflation aux Etats-Unis et en Chine, l’appréciation de la devise chinoise par rapport au dollar est encore plus nette sur cette période (+ 37 %), l’inflation ayant été plus forte en Chine qu’aux Etats-Unis. En outre, à partir de 2008 la hausse des coûts salariaux et de l’inflation a été plus rapide en Chine qu’aux Etats-Unis ou en zone euro, permettant alors une appréciation réelle de la monnaie chinoise par rapport à l’ensemble des partenaires commerciaux. Contre toutes devises et en termes réels, l’appréciation du yuan depuis 2005 s’élève à 23 %. Cependant, cette appréciation ne semble pas avoir été suffisante puisqu’en juillet 2011, le FMI estimait que la monnaie chinoise demeurait encore sous évaluée de 3 % à 23 % (il est toutefois à souligner que les méthodes d’évaluation du niveau d’équilibre des taux de change font l’objet d’un faible consensus au sein de la communauté internationale).Néanmoins, l’effet de la sous-évaluation de la monnaie chinoise sur le commerce international et l’activité du reste du monde ne doit pas être surestimé. En effet, pour que l’appréciation du yuan produise des effets positifs significatifs sur l’économie mondiale -en termes de croissance et de réduction des déséquilibres des balances courantes- celle-ci doit nécessairement s’accompagner d’une réduction de l’épargne domestique (c’est-à-dire d’un accroissement de la demande intérieure et des importations). Il est donc nécessaire que la Chine mette parallèlement en œuvre des mesures structurelles favorisant le développement du marché intérieur chinois (comme l’amélioration de la protection sociale, l’existence de supports d’épargne diversifiés…). En effet, le FMI estime qu’une appréciation sur cinq ans de 20 % du yuan -seule- n’entraînerait à moyen terme qu’une hausse du PIB de 0,07 % en cumulé aux Etats-Unis et de 0,12 % en zone euro (et une amélioration de la balance courante de seulement 0,08 point de PIB aux Etats-Unis et de 0,05 point de PIB en zone euro). En revanche, le FMI évalue qu’une appréciation de 20 % de la monnaie chinoise accompagnée de réformes structurelles intégrant réforme de la sécurité sociale et réforme des marchés financiers entraînerait une hausse de l’activité de 0,15 % aux Etats-Unis et de 0,21 % en zone euro (en cumulé) et une résorption de 0,25 point de PIB de la balance courante américaine et de 0,19 point de PIB de la balance courante européenne. Ces estimations donnent des résultats tout à fait comparables à ceux obtenus par la Direction générale du Trésor (cf. Trésor éco n° 80 « Rééquilibrage de la croissance aux Etats-Unis, en Chine, en Allemagne et au Japon » dans lequel une appréciation de 20 % en quatre ans de la monnaie chinoise et la mise en place de mesures structurelles de rééquilibrage en Chine conduisent à une hausse d’environ 0,1 point de PIB aux Etats-Unis et par une amélioration de 0,3 point de PIB de la balance courante américaine).C’est pourquoi, le Gouvernement français plaide en faveur d’une plus grande coordination des politiques économiques et non pas seulement des politiques de taux de change. Cette approche est pertinente et fructueuse, comme en témoignent les avancées, sous la présidence française du G20, obtenues au Sommet de Cannes. La Chine s’est en effet engagée à accélérer l’ajustement vers un change déterminé par le marché, et à utiliser le levier budgétaire pour soutenir l’activité en cas de dégradation de la conjoncture, ce qui reviendrait à stimuler très directement sa demande intérieure. En outre, la mention, dans le plan d’actions du G20 en faveur de la croissance et de l’emploi, des réformes chinoises inscrites dans le 12ème plan quinquennal (période 2011-2015), comme la convertibilité progressive du compte de capital et financier, les mesures de soutien à la création d’emplois (notamment via les PME et les micro-entreprises), l’amélioration de la répartition des revenus et l’extension de la couverture sociale et du système de santé, représente une avancée importante car elle marque l'engagement de la Chine vis-à-vis de la communauté internationale.

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