M. Dominique Bussereau attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, sur la pratique de saisie massive et indifférenciée de fichiers ou messageries électroniques à laquelle se livre l'Autorité de la concurrence lors des opérations de visite et saisie effectuées dans les locaux d'entreprises soupçonnées de pratiques anticoncurrentielles. L'article L. 450-4 du code de commerce est interprété par les tribunaux, en particulier par la Cour de cassation, comme permettant à l'administration de procéder à de telles saisies, sans que celle-ci ne soit tenue de mettre en oeuvre une procédure contradictoire de sélection et d'inventaire qui éviterait la saisie d'éléments étrangers à l'objet de l'enquête. Il existe ainsi une disproportion manifeste entre la pratique de saisie électronique massive et indifférenciée réalisée par l'administration, et les nécessités de ses enquêtes, lesquelles devraient être obligatoirement menées dans le respect des droits et principes à valeur constitutionnelle que sont notamment le respect de la vie privée, l'inviolabilité du domicile et le secret de la correspondance avocat-client. Un rapport d'expertise judiciaire ordonné par le premier président de la cour d'appel de Paris vient de conclure sans équivoque à la possibilité technique d'une saisie sélective de fichiers dans une messagerie électronique. Dans ce contexte, il lui demande s'il envisage d'amender l'article L. 450-4 du code de commerce, en interdisant les saisies massives et indifférenciées de fichiers électroniques effectuées actuellement par l'Autorité de la concurrence.
Conformément à l'article L. 450-4 du code du commerce, les agents des services d'instruction de l'Autorité de la concurrence ne peuvent procéder à des visites et à la saisie de documents ou de tout support d'information que sur aurtorisation du juge des libertés et de la détention, lequel doit s'assurer du bien fondé de la demande d'autorisation, qui doit comporter tous les éléments d'information en possession du demandeur de nature à justifier la visite. Visites et saisies s'effectuent sous l'autorité et le contrôle du magistrat les ayant autorisées. Le juge peut se rendre sur les lieux pendant l'intervention et décider, à tout moment, de suspendre ou d'arrêter les opérations. L'ordonnance autorisant la visite et les saisies, ainsi que le déroulement de celles-ci, peuvent faire l'objet d'un recours devant le premier président de la cour d'appel. Il en résulte qu'une saisie de fichiers informatiques ou de messages électroniques, portant atteinte de façon disproportionnée à des droits constitutionnellement protégés, pourra être contestée dans le cadre d'une procédure garantissant le respect des droit fondamentaux, et conforme à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme. Il appartiendra à la juridiction d'appel d'apprécier, au cas par cas, si, notamment, le respect de la vie privée, ou encore le respect dû au secret de la correspondance entre avocat et client, impose, et si la technique permet, de pratiquer une saisie partielle. Afin de concilier les intérêts des personnes concernées avec l'impératif de répression des pratiques anticoncurrentielles, il est nécessaire qu'avocats et entreprises s'organisent pour identifier et, si possible, isoler les documents, notamment les messages électroniques, couverts par le secret professionnel. Les garanties offertes par la procédure actuelle rapportées ci-dessus étant suffisantes, une modification du code de commerce n'est pas envisagée. Imposer aux agents de l'autorité de la concurrence de procéder sur place à un tri des informations pouvant non seulement conduire à paralyser le fonctionnement de l'entreprise objet de la visite ou de la saisie pendant une certaine période, mais aussi conduirait à réduire l'efficacité des enquêtes de l'Autorité de la concurrence.
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