M. Hervé Féron interroge M. le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, sur la réforme de l'extraction judiciaire. Le décret n° 2011-1045 du 2 septembre 2011 et l'arrêté relatif à l'exécution des translations et extractions requises par les autorités judiciaires, prévoient de transférer la compétence de l'extraction et de la translation judiciaires, assurée jusqu'alors par la police et la gendarmerie, à l'administration pénitentiaire. Une expérimentation est menée depuis le 5 septembre 2011 à Metz, Nancy, et Riom, et s'étendra à Caen le 5 décembre 2011, puis au territoire national d'ici un an ou deux. L'administration pénitentiaire et les magistrats s'inquiètent des effets de cette réforme et constatent des problèmes quelques jours à peine après son entrée en vigueur. Le premier constat est le manque d'agents nécessaires pour effectuer ces nouvelles missions : seuls 800 emplois temps plein sont alloués jusqu'en 2013 alors que la Cour des comptes en conseillait 2 200 dans un rapport. En Lorraine, 21 agents seulement sont présents pour effectuer ces nouvelles missions à titre expérimental. Le centre pénitentiaire de Nancy-Maxéville disposera de six agents, dont un affecté à un autre établissement, alors que la police comptait un effectif de 21 agents pour le même travail, en bénéficiant de 500 heures supplémentaires par an et par agent. Les effectifs devraient être multipliés par trois pour que les agents exercent leurs fonctions dans un climat serein. Par ailleurs, sur une cinquantaine de réquisitions d'extractions adressées à l'administration pénitentiaire, pour la période allant du 5 septembre au 15 octobre, 50 % ont été refusées à cause d'une impossibilité. Au final, le problème à long terme est qu'on prive le justiciable de l'accès à son juge. Il lui demande donc quels moyens supplémentaires seront mis à disposition de l'administration pénitentiaire afin qu'elle puisse exercer correctement ses missions régaliennes et que les justiciables soient jugés dans des conditions acceptables.
La reprise progressive des missions d'extractions judiciaires par la direction de l'administration pénitentiaire a été décidée lors de la réunion interministérielle du 30 septembre 2010 selon un échéancier de trois ans (2011-2013) et moyennant le transfert budgétaire de 800 emplois du ministère de l'intérieur vers le ministère de la justice et des libertés ; elle a été confirmée par le décret n° 2011-1045 du 2 septembre 2011. S'agissant de la reprise des trois premières régions (Lorraine et Auvergne à compter du 5 septembre 2011, Basse-Normandie à compter du 5 décembre 2011), l'évaluation des effectifs, au prorata des extractions judiciaires accomplies sur ces territoires et des ressources accordées, a d'abord conduit la direction de l'administration pénitentiaire à y affecter cinquante emplois de surveillant. Néanmoins, le ministère de la justice et des libertés a fait le constat, sur la base de différentes études menées par les services de l'administration pénitentiaire et des services judiciaires, du caractère contraint des effectifs alloués pour la reprise de ces missions sur l'ensemble du territoire national. C'est la raison pour laquelle, en août 2011, il a été décidé d'affecter la totalité des emplois jugés nécessaires à la reprise des missions d'extractions judiciaires sur chaque pôle de rattachement d'extractions judiciaires (PREJ), dans la seule limite des crédits budgétaires transférés par le ministère de l'intérieur, soit 800 ETPT au total sur le triennal (deux cents emplois en 2011, deux cent cinquante en 2012 et trois cent cinquante en 2013). Dans ces conditions, les PREJ des régions Lorraine, Auvergne et Basse-Normandie bénéficieront d'un abondement d'effectifs dès le courant du premier semestre 2012. Une évaluation sera par ailleurs conduite à la fin du premier semestre 2012 pour tirer les enseignements des premiers mois de mise en oeuvre de cette réforme. Dans l'attente de l'arrivée de personnels supplémentaires sur les trois premières régions, a en outre été actée la possibilité de faire appel aux personnels réservistes de l'administration pénitentiaire, notamment comme chauffeurs des véhicules de transport des personnes détenues ou pour la garde des geôles dans certaines juridictions. À titre exceptionnel, le recours aux équipes régionales d'intervention et de sécurité (ERIS) est par ailleurs possible, uniquement en considération du profil de la personne détenue ou du nombre d'extraits. La formation des agents, s'agissant d'une nouvelle mission impliquant le port d'une arme à feu et des déplacements hors établissement pénitentiaire, a fait l'objet d'une attention toute particulière tant de la part des services de l'administration centrale de la direction de l'administration pénitentiaire que des services déconcentrés et de l'École nationale de l'administration pénitentiaire, malgré des délais très contraints. Ainsi, les premiers agents affectés à ces missions ont bénéficié de modules adaptés à cette nouvelle mission durant trois semaines, aux mois de juin et juillet 2011. Cette formation comprend des enseignements théoriques et pratiques, complétés par des mises en situation avec, notamment, l'utilisation de munitions marquantes et d'un simulateur de tir. Ces mises en situation prennent en compte les environnements auxquels seront confrontés les personnels (dans un véhicule d'extraction, sur la voie publique, au sein d'une juridiction...) et demandent, de leur part, la mise en oeuvre des différentes techniques enseignées, qu'ils devront adapter aux incidents éventuels. L'ensemble des agents dédiés à cette mission appelés à prendre leur poste dans les régions qui feront l'objet d'une reprise de la mission en 2012 recevront une formation d'adaptation et tous les élèves surveillants bénéficieront également pour la première fois, en 2012, d'une formation initiale adaptée, à travers un module « escorte ». Les organisations professionnelles ont été régulièrement réunies et informées de l'évolution de ce dossier. Le volume d'emplois transférés a été évalué sous l'hypothèse de gains de productivité d'un tiers grâce à l'unité de gestion et au recours à la visioconférence. Dans ces conditions, les services judiciaires et pénitentiaires ont pour objectif d'intensifier le recours, à chaque fois que cela est possible, à la visioconférence. Par ailleurs, dans le souci de rationaliser les modalités de transport entre établissements pénitentiaires et juridictions, ces dernières mettent en oeuvre des mesures afin de réduire les délais d'attente des escortes. Ces adaptations sont fonction notamment des modalités d'organisation déclinées dans les différentes régions, des distances à parcourir, du volume global des extractions judiciaires et des capacités de garde au sein des juridictions (présence d'un dépôt ou de geôles).
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