M. Patrice Verchère appelle l'attention de Mme la secrétaire d'État auprès du ministre du travail, de l'emploi et de la santé, chargée de la santé, sur les résultats des études menées récemment et qui font apparaître que la la consommation chronique de benzodiazépines (tranquillisants, somnifères) augmente le risque d'entrée dans la maladie d'Alzheimer. En France, 16 000 à 31 000 cas d'Alzheimer seraient, selon les conclusions de ces études, attribuables à ces traitements par benzodiazépines (BZD) ou apparentés, et à leurs génériques tel que le Valium, le Témesta, le Xanax, le Lexomil, le Stilnox, le Mogadon ou encore le Tranxène, etc. En France ce sont environ 120 millions de boîtes vendues chaque année, les Français consommant ainsi cinq à dix fois plus de somnifères ("hypnotiques") et d'anxiolytiques que nos voisins européens. Au vu de ces conclusions, bien qu'en épidémiologie il soit difficile d'établir un lien direct de cause à effet, mais lorsqu'il existe une suspicion, il paraîtrait normal d'agir en mettant en garde les patients afin de tenter de limiter les nombreuses prescriptions. Par conséquent, il souhaiterait connaître les mesures qu'entend prendre le Gouvernement sur ce sujet.
Les benzodiazépines, spécialités pharmaceutiques possédant des propriétés anxiolytiques, sédatives, myorelaxantes mais aussi anticonvulsivantes font l'objet d'une surveillance active par les autorités sanitaires françaises depuis le début des années 80, et tout particulièrement par l'agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) qui s'appuie sur les réseaux des Centres régionaux de pharmacovigilance (CRPV) et des centres d'évaluation et d'information sur la pharmacodépendance (CEIP). Un certain nombre de risques liés à leur utilisation sont connus et figurent dans le résumé des caractéristiques du produit (RCP) de ces spécialités, tels que les risques d'amnésie antérograde (perte de mémoire des faits récents), les risques d'altération des fonctions psychomotrices pouvant survenir dans les heures suivant la prise, les troubles du comportement, de la mémoire et une altération de l'état de conscience, ainsi que les risques liés à la tolérance au produit et à la dépendance. Les trouubles de la mémoire sont un effet indésirable largement documenté lors des traitements par benzodiazépines. Plusieurs études ont tenté d'évaluer le risque d'altération de la fonction cognitive voire d'apparition d'une démence et son association à l'exposition aux benzodiazépines. Toutefois, il n'a pas été établi à ce jour de lien entre benzodiazépines et démences, et en particulier entre benzodiazépines et maladie d'Alzheimer. En France, le sujet fait l'objet d'une préoccupation particulière des pouvoirs publics du fait d'une consommation importante de benzodiazépines dans la population. Elle s'inscrit également dans le cadre du Plan Alzheimer qui est une priorité de santé publique depuis 4 ans. À la suite de la parution d'un article dans Sciences et Avenir mettant en avant les résultats d'une étude qui seraient en faveur d'une association benzodiazépine / démence, le Pr Bégaud a communiqué à l'AFSSAPS une note faisant le point sur ces travaux dont il a précisé que les résultats n'étaient pas définitifs. Le groupe de travail PGR-PEPI (Plan de gestion de risque-Etudes pharmacoépidémiologies) de l'AFSSAPS a analysé en novembre 2011 les résultats et les études publiées sur le sujet. Les résultats de cette analyse sont rendus publics dans un rapport élaboré par l'agence et intitulé : « Etat des lieux de la consommation de benzodiazépines en France » disponible sur le site internet de l'Agence (www. afssaps. fr). Au terme de ce travail d'évaluation, il apparaît que les résultats de ces études ne sont pas homogènes : quatre concluant à une association entre l'exposition aux benzodiazépines et le risque d'apparition d'une démence, quatre ne retrouvant pas d'association et enfin une étude démontrant un effet protecteur. Le caractère inhomogène, voire discordant des résultats reflète les limites méthodologiques des études menées compte tenu notamment de nombreux biais méthodologiques et de l'absence de documentation de certaines données et souligne par là même la difficulté à mener des études pertinentes sur cette question. En ce qui concerne les informations fournies par le Pr Bégaud relatives à l'étude en cours « benzodem », le groupe de travail a conclu que le caractère très préliminaire et donc incomplet des résultats présentés ne permettait pas de répondre avec certitude à la question d'une association entre benzodiazépines et démence et a ainsi proposé d'analyser les résultats lors de la publication de cette étude. D'autres cohortes de suivi de sujets âgés dont l'un des objectifs est d'étudier les facteurs de risque de démence seront également sollicités pour connaître leurs données sur cette association benzodiazépines /démence ou la faisabilité d'une recherche dans ce domaine. Par ailleurs, s'agissant des actions mises en oeuvre par les autorités sanitaires quant à l'encadrement de la prescription des benzodiazépines et à l'information des professionnels de santé et des patients, des mesures ont été prises depuis 1991. La durée maximale de prescription est limitée à 12 semaines pour les anxiolytiques et 4 semaines pour les hypnotiques. Elle a été réduite de façon plus importante pour certains médicaments hypnotiques (par exemple limitation de la durée de prescription du flunitrazépam à 14 jours en 2001). De plus, la restriction de la durée maximale de prescription a également été un levier pour limiter l'abus du clonazépam (limitation à 12 semaines depuis 2010). Pour certaines benzodiazépines particulièrement utilisées notamment par les toxicomanes, la prescription sur ordonnance sécurisée est devenue obligatoire (flunitrazépam, clorazépate dipotassique et clonazépam). Enfin, les indications de certaines benzodiazépines ont été restreintes (par exemple, flunitrazépam en 1996). De même, l'information des professionnels de santé et des patients quant à l'utilisation de ces produits a été renforcée notamment par l'harmonisation des RCP de ces produits, qui depuis 2004 a permis d'établir un tronc commun d'informations et notices de l'ensemble des benzodiazépines, par la diffusion régulière de communiqués et lettres d'information aux professionnels de santé, par l'élaboration et la publication de mises au point et recommandations ainsi que depuis 2005 l'apposition d'un pictogramme sur le conditionnement externe de ces médicaments qui sont susceptibles « d'altérer les capacités à conduire un véhicule et, par extension, à utiliser des machines potentiellement dangereuses ou à exécuter des travaux nécessitant une attention soutenue ». Les benzodiazépines sont des molécules dont les propriétés permettent le traitement d'un certain nombre de pathologies parfois sévères et restent indispensables pour le traitement de très nombreux patients. Le niveau élevé de consommation en France, les effets secondaires à court terme de ces substances et les possibles effets secondaires à long terme invitent à une utilisation prudente et raisonnée de ces médicaments. Le strict respect des termes de leur AMM est la condition indispensable à leur bon usage dans le cadre d'un rapport bénéfices/risques positif. Les autorités sanitaires s'attachent à répéter ce message de bon usage et à poursuivre le suivi des effets indésirables de ces molécules, en particulier pour ce qui concerne les effets potentiellement délétères à long terme. Dans ce cadre, l'AFSSAPS va continuer son processus d'analyse des données scientifiques au fur et à mesure de leur mise à disposition en y associant les équipes de recherche mobilisées par la thématique « Alzheimer » dans le cadre du plan gouvernemental.
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