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Martine Lignières-Cassou
Question N° 118280 au Ministère du Travail


Question soumise le 20 septembre 2011

Mme Martine Lignières-Cassou attire l'attention de M. le ministre du travail, de l'emploi et de la santé sur l'usage du baclophène pour le traitement de l'alcoolisme. En effet, suite à la publication de l'ouvrage intitulé « Le dernier verre », qui traite de la possibilité de guérir l'alcolo-dépendance grâce à ce médicament - un relaxant musculaire indiqué dans le traitement des contractures douloureuses accompagnant les scléroses en plaques et certaines paralysies - la question de son autorisation de mise sur le marché (AMM) dans l'indication du sevrage alcoolique est posée par plusieurs associations et médecins. Actuellement, les molécules disponibles sur le marché, l'acamprosate et la naltrexone sont censées agir sur l'envie de boire, tandis que le disulfirame provoque, en cas de prise concomitante d'alcool, une réaction d'intolérance physique. Cependant, ces molécules ne seraient efficaces que sur 30 % des patients alcoolo-dépendants alors que la molécule de baclophène serait réputée avoir de bien meilleurs résultats. Selon les associations promouvant l'utilisation du baclophène dans le traitement de l'alcoolisme, de plus en plus de médecins prescrivent ce médicament hors AMM, faute d'autorisation. Précédemment interrogé sur ce point, le ministère de la santé avait annoncé qu'une expérimentation visant à étudier l'utilité et les risques du baclophène dans la lutte contre l'alcoolisme était envisagée. Pour l'heure, cette expérimentation n'a trouvé les financements nécessaires qu'en mai 2011. Face à la gravité du problème, elle lui demande de bien vouloir lui indiquer comment il compte effectuer cette expérimentation dans les meilleurs délais et quel serait alors le calendrier d'attribution de l'AMM.

Réponse émise le 22 novembre 2011

L'utilisation du baclofène (Liorésal(R) et génériques), en dehors du cadre de son autorisation de mise sur le marché (AMM), dans le traitement de l'alcoolo-dépendance, a conduit l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) à se saisir de cette problématique. Afin d'analyser l'ensemble des données expérimentales, pharmacologiques, toxicologiques et cliniques disponibles, elle a réuni un groupe d'experts en février 2009 et février 2011 et poursuit sa veille. Le baclofène est un relaxant musculaire d'action centrale, autorisé depuis 1975 dans le traitement des contractures musculaires involontaires (spasticité) d'origine cérébrale ou survenant au cours d'affections neurologiques telles que la sclérose en plaques ou certaines maladies de la moelle épinière. La posologie du baclofène doit être adaptée progressivement et individuellement. Chez l'adulte, elle se situe généralement entre 30 et 75 mg par jour. Des posologies supérieures (jusqu'à 120 mg par jour) peuvent être administrées mais uniquement en milieu hospitalier. Concernant le bénéfice du baclofène dans le traitement de l'alcoolo-dépendance, l'analogie structurale du baclofène avec l'acide -aminobutyrique (GABA), neurotransmetteur, dont le rôle serait important dans les addictions, a amené des praticiens à émettre l'hypothèse que le baclofène pourrait être efficace dans la prise en charge de l'alcoolo-dépendance. Des données issues d'études observationnelles suggèrent un intérêt du baclofène dans la prise en charge médicamenteuse de certains patients dépendants à l'alcool, avec une posologie variable et le plus souvent largement supérieure aux doses habituellement utilisées dans les spasticités. Il existe peu d'études cliniques comparatives versus placebo et leurs résultats sont contradictoires. Dans l'ensemble, les insuffisances, notamment méthodologiques, de ces études ne permettent pas de conclure avec certitude à l'efficacité du baclofène dans le traitement de l'alcoolo-dépendance. Concernant la sécurité d'emploi du baclofène chez les patients alcoolo-dépendants, peu de données existent sur la sécurité d'emploi du baclofène à des doses supérieures à celles de l'AMM, en association avec l'alcool ou en association avec un autre médicament chez les patients alcoolo-dépendants. Toutefois, un surdosage peut induire des troubles de la conscience pouvant aller jusqu'au coma, une confusion mentale, des hallucinations, des convulsions, et une dépression respiratoire. De plus, des effets indésirables, tels que l'abaissement du seuil épileptogène ou un syndrome sérotoninergique, sont spécifiquement prévisibles chez ces patients. Aussi, l'AFSSAPS a-t-elle mis en place un suivi national renforcé de pharmacovigilance en mars 2011 et incite les professionnels de santé et les patients à déclarer, au centre régional de pharmacovigilance dont ils dépendent, les effets indésirables constatés chez les patients traités par baclofène, particulièrement dans le cadre d'une alcoolo-dépendance. Par ailleurs, afin de mieux appréhender le profil de risque du baclofène, l'AFSSAPS a saisi le réseau des centres antipoison et de toxicovigilance afin de disposer d'une analyse des données des cas de surdosage aigus ou chroniques recensés et de pouvoir préciser la dose seuil à partir de laquelle des signes cliniques d'intoxication pourraient se manifester. Ainsi, même si certaines données expérimentales et cliniques évoquent un effet positif du baclofène dans la prise en charge médicamenteuse des patients alcoolo-dépendants, le petit nombre de patients inclus et les biais méthodologiques des études cliniques ne permettent pas d'établir des recommandations sur l'utilisation du baclofène dans ce contexte. Seules des études cliniques comparatives répondant aux conditions définies dans les recommandations européennes, permettront de confirmer ou d'infirmer l'utilité du baclofène dans la prise en charge thérapeutique des patients alcoolo-dépendants, le profil de sécurité d'emploi, un schéma posologique adapté et éventuellement un profil de patients répondeurs. Ainsi, plusieurs études cliniques sont en cours ou sont prévues, notamment aux États-Unis, en Australie et en Allemagne. En France, un projet hospitalier de recherche clinique (PHRC) de l'Assistance publique des hôpitaux de Paris (AP-HP) a été autorisé en 2009 mais n'a pas démarré à ce jour. Il s'agit d'une étude clinique multicentrique, comparative versus placebo, randomisée, en double insu, visant à évaluer l'efficacité du baclofène à la posologie de 90 mg par jour dans l'aide au maintien de l'abstinence après sevrage hospitalier et chez des patients alcoolo-dépendants. Un programme de recherche incluant cette étude hospitalière et une étude en ville, randomisée et en double insu dont l'objectif est de comparer l'efficacité du baclofène au placebo sur le pourcentage de succès (consommation « normale » ou nulle) à un an, a été retenu au titre du PHRC 2011. Cette seconde étude pourrait démarrer en décembre 2011 ou janvier 2012. Les résultats de ces travaux sont attendus pour 2013. Un point d'information à l'attention du public et des prescripteurs, relatif à l'état des connaissances et rappelant les conditions d'utilisation du baclofène dans l'attente des résultats d'autres études cliniques a été publié en juin 2011 sur le site Internet de l'Agence (www.afssaps.fr). En l'état actuel des connaissances, I'AFSSAPS incite à l'extrême prudence et met en garde les médecins contre toute prescription de baclofène en dehors des indications mentionnées dans l'AMM, et rappelle que la prescription d'un traitement médicamenteux doit toujours s'inscrire dans une prise en charge globale de l'alcoolo-dépendance, addiction souvent multifactorielle. Par ailleurs, il peut être rappelé que l'octroi d'une nouvelle indication à un médicament ayant déjà une AMM est soumis au dépôt d'une demande en ce sens par le laboratoire titulaire de ladite AMM.

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