M. Pierre Morel-A-L'Huissier attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, sur les délinquants sexuels. Il souhaiterait connaître les mesures qu'entend prendre la Gouvernement pour lutter contre la récidive des délinquants sexuels.
La lutte contre la récidive des infractions sexuelles constitue une politique pénale prioritaire. Un premier moyen de lutter contre une telle récidive réside dans la peine susceptible d'être prononcée à l'encontre de ces auteurs. La loi du 10 août 2007 renforçant la lutte contre la récidive des mineurs et des majeurs prévoit en effet, pour les crimes et pour les délits commis en état de récidive légale, que ne peut être prononcée une peine privative de liberté inférieure à des seuils correspondants à des fractions déterminées des peines encourues. En outre, en cas de récidive aggravée, c’est-à-dire, de deuxième récidive d’un délit d’agression ou d’atteinte sexuelle, la juridiction ne peut prononcer une peine autre que l’emprisonnement. L'instauration de peines-plancher, qui constituent une menace de sanction claire, précise et systématique, est ainsi un premier élément indispensable à la prévention de la récidive. Par ailleurs, des mesures ont été instaurées pour éviter que les auteurs d'infractions sexuelles ne puissent se trouver en relation avec des mineurs. Lorsqu'une condamnation est prononcée pour des infractions de nature sexuelle, des peines complémentaires d'interdictions sont prévues à l'article 222-45 du code pénal, notamment l'interdiction d'exercer, soit à titre définitif, soit pour une durée maximale de dix ans, une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact habituel avec les mineurs. En outre, il convient de préciser que, pour limiter les possibilités pour les délinquants sexuels d'être en contact avec les mineurs, les condamnations pour des infractions sexuelles ne peuvent faire l'objet d'une dispense d'inscription au bulletin n° 2 du casier judiciaire (art. 775-1 in fine du code de procédure pénale). Dans le but de faciliter les enquêtes pénales et de prévenir les récidives d'infraction de nature sexuelle, a également été instauré le fichier national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles (articles 706-53-1 et suivants du code de procédure pénale). Toute personne condamnée pour des faits de nature sexuelle est enregistrée dans le fichier de manière automatique si la peine encourue était supérieure à cinq ans d’emprisonnement, de manière obligatoire sauf décision contraire motivée si la peine encourue était égale à cinq ans d’emprisonnement et de manière facultative si la peine encourue était inférieure à 5 ans d’emprisonnement. Les personnes dont l’identité est enregistrée dans le fichier sont astreintes à justifier de leur adresse une fois par an ou tous les six mois et à déclarer leur changement d’adresse dans un délai de quinze jours au plus tard après ce changement. Les préfets et certaines administrations de l'État peuvent avoir accès à ce fichier pour l’examen des demandes d’agrément concernant des activités ou professions impliquant un contact avec des mineurs ainsi que pour le contrôle de l’exercice de ces activités ou professions. Enfin, des mesures de sûreté ont été mises en place afin de permettre une meilleure prise en charge de ces délinquants. Le suivi socio-judiciaire, institué par la loi du 17 juin 1998 (art 131-36-1 CP), permet d'astreindre les personnes reconnues coupables d'infractions de nature sexuelle à une injonction de soins, pendant une durée limitée voire sans limitation de durée lorsqu’il s’agit d’un crime puni de la réclusion criminelle à perpétuité. Le non-respect de cette obligation peut entraîner la mise à exécution d'un emprisonnement susceptible d'être prononcé par le juge de l'application des peines. La loi du 10 août 2007 incite désormais très fermement les personnes condamnées à suivre des soins. Ainsi, les détenus ne pourront plus bénéficier de réductions de peine ou d'une libération conditionnelle en cas de refus de soins pendant leur incarcération. Cette injonction de soins devient, par ailleurs, automatique lors du prononcé d'un suivi socio-judiciaire, dans le cadre de la surveillance judiciaire ou de la libération conditionnelle dès lors que l'expertise psychiatrique réalisée conclut à la possibilité d'un traitement. La surveillance judiciaire applicable aux personnes condamnées pour une infraction pour laquelle le suivi socio-judiciaire est encouru, à une peine privative de liberté d'une durée égale ou supérieure à 7 ans ou 5 ans si les faits ont été commis une nouvelle fois en état de récidive légale, dès lors qu'elles n'ont pas été condamnées à un suivi socio-judiciaire ou n'ont pas bénéficié d'une mesure de libération conditionnelle, permet d'astreindre celles-ci à une assignation à domicile, à une injonction de soins ou à un placement sous surveillance électronique mobile notamment, et ce pendant la durée correspondant aux crédits de réduction de peine ou aux réductions de peine supplémentaires dont la personne a bénéficié. Le placement sous surveillance électronique mobile institué par la loi du 12 décembre 2005 à titre de mesure de sûreté, peut être ordonné notamment dans le cadre d'une peine de suivi socio-judiciaire, d'une libération conditionnelle, d'une surveillance judiciaire ou d'une surveillance de sûreté. Il emporte l'obligation pour le condamné qui y est soumis, de porter, postérieurement à l'exécution de sa peine, un bracelet permettant de le localiser à tout instant sur le territoire national. Selon la mesure ou la peine dans le cadre de laquelle elle est ordonnée, cette mesure concerne des personnes ayant été condamnées à au moins 7 ans d'emprisonnement, ou 5 ans d'emprisonnement si elles ont été condamnées une nouvelle fois en état de récidive légale, et dont la dangerosité a été constatée par expertise médicale. La loi du 25 février 2008 relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d'irresponsabilité pour cause de trouble mental (art 706-53-13 CPP) permet d'empêcher la remise en liberté, à l'issue de l'exécution de leur peine, de personnes condamnées pour des crimes graves et notamment de nature sexuelle, lorsqu'elles demeurent toujours particulièrement dangereuses et présentent un risque de récidive élevé (ces personnes doivent avoir été condamnées à une peine d'au moins 15 ans de réclusion). Elles seront alors placées dans un centre socio-médico-judiciaire, sur décision d'une juridiction régionale de la rétention de sûreté. En application de la décision du Conseil constitutionnel du 21 février 2008, la rétention de sûreté est applicable ab initio pour les personnes condamnées après le 26 février 2008. La surveillance de sûreté peut en revanche être prononcée à l'issue d'une surveillance judiciaire ou d'un suivi socio-judiciaire concernant une personne condamnée pour des faits commis avant le 26 février 2008. La loi du 10 mars 2010 tendant à amoindrir le risque de récidive criminelle comporte également de nouvelles dispositions qui permettent de renforcer le suivi judiciaire et médical des criminels dangereux, en garantissant l'effectivité des mesures de sûreté, en renforçant le suivi médical des délinquants sexuels, en assurant le contrôle et la surveillance des criminels après leur libération et en garantissant la protection des victimes contre les récidivistes. La loi du 10 août 2011 relative à la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs est venue parachever ce dispositif légal très complet par plusieurs dispositions permettant d’une part d’améliorer l’encadrement de la libération des criminels dangereux en renforçant les conditions du prononcé de la libération conditionnelle pour les personnes condamnées à de lourdes peines et d’autre part, par l’amélioration du suivi des condamnés en milieu ouvert. Enfin, le projet de loi de programmation relatif à l'exécution des peines, définitivement adopté par le Parlement le 29 février 2012, comporte de nombreuses dispositions permettant de renforcer l'efficacité des dispositifs de prévention de la récidive. Ces dispositions permettent ainsi le partage d'information entre, d'une part, les autorités judiciaires et, d'autre part, les médecins et psychologues en charge du suivi des personnes poursuivies ou condamnées ainsi que les autorités académiques lorsque ces personnes sont scolarisées. Elles renforcent le contrôle par le juge de l'application des peines de la régularité des soins suivis par les condamnés détenus. Elles prévoient l'inscription de plein droit au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles de la décision de condamnation concernant les récidivistes. Elles tendent également à une meilleure évaluation de la dangerosité en favorisant, notamment par l'allocation de bourses aux étudiants en médecine, l'accroissement du nombre d'experts psychiatres et de médecins coordonnateurs. Au regard de tous ces éléments, il apparaît que de nombreux dispositifs sont mis à la disposition des magistrats et seront prochainement améliorés pour leur permettre de prévenir la récidive des infractions sexuelles.
Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette question.