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André Chassaigne
Question N° 117623 au Ministère du du territoire


Question soumise le 13 septembre 2011

M. André Chassaigne attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire sur les risques engendrés par la contractualisation laitière. Mesure-phare de la loi du 27 juillet 2010 de modernisation de l'agriculture et de la pêche, la contractualisation, notamment dans le secteur laitier, devait servir de garantie en matière de prix d'achat et de rémunération pour les producteurs. Un an après l'adoption de cette mesure, l'ensemble des organisations syndicales agricoles appelle leurs adhérents à ne signer aucun des contrats proposés par les laiteries. En effet, le contenu des contrats proposés, loin de sécuriser les producteurs, préfigure l'après quotas laitiers, avec des risques accrus pour les producteurs. Ainsi, chez Danone et Lactalis, les livreurs qui ne produiront pas 85 % de leur référence sur deux ans verraient leur volume contractuel révisé à la baisse. Bongrain, de son côté, va se baser sur un plan de production trimestriel et ne sera pas tenu de collecter au-delà du volume contractualisé dans ce cadre. Ainsi, quand l'herbe sera abondante et le prix de revient du litre de lait plus bas que la moyenne annuelle, Bongrain estimera être dans son droit pour refuser de collecter une partie du lait produit chez tel ou tel producteur, faute de valoriser suffisamment. Danone et Senoble estiment que les livraisons mensuelles ne pourront jamais être inférieures à 5 % de la production annuelle, sous peine de « manquement au contrat ». En cas d'aléas climatiques, il faudra donc forcer sur les ratios de soja importé pour maintenir les bons volumes de livraison. Pour les exploitations laitières isolées ou en zone à handicaps naturels, Danone prévoit aussi dans son contrat deux prix A et B, et se garde le droit de pénaliser les producteurs en tenant compte des coûts de transport dans le prix B. Les industriels profitent pleinement de l'opportunité qui leur est offerte à travers les contrats d'imposer des livraisons régulières et sans interruption, tout en refusant de prendre en compte les indices de référence proposés par le CNIEL et les CRIEL. En conséquence, il lui demande s'il compte revoir les principes de la contractualisation, et porter l'objectif d'un maintien des droits à produire par les quotas, notamment dans le cadre de la future PAC.

Réponse émise le 25 octobre 2011

La mise en place de la contractualisation dans les filières agricoles, et en particulier dans le secteur laitier, est un engagement fort du Gouvernement et une mesure importante de la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche (LMAP) du 27 juillet 2010. Pour le secteur laitier, la fin du régime des quotas laitiers prévue en mars 2015 constitue une échéance cruciale qui va modifier considérablement le cadre dans lequel évoluait la production laitière. Revenir sur cette décision prise par le Conseil européen de l'agriculture n'est pas envisageable car il n'existe pas au sein de cette instance de majorité qualifiée en faveur de la prolongation de ce système dont la disparition a été actée en 2003. Le secteur laitier doit donc se préparer à cette échéance et la contractualisation vise à apporter de la sécurité et de la stabilité pour les producteurs mais également pour les acheteurs de lait dans ce nouveau contexte. L'article L. 631-24 du code rural et de la pêche maritime et le décret n° 2010-1753 prévoient que, depuis le 1er avril 2011, tout acheteur de lait cru doit proposer aux producteurs de lait qui le fournissent un contrat écrit. C'est dans ce cadre que des contrats ont été proposés par les industriels aux producteurs de lait avant l'échéance du 1er avril 2011. L'analyse de leur contenu montre que, dans certains cas, y figurent des clauses qui ne sont pas acceptables en l'état. Il convient de rappeler que les producteurs de lait ne sont pas obligés de les signer s'ils les jugent déséquilibrés. Les parties concernées doivent continuer à négocier pour aboutir à des contrats équilibrés. Elles peuvent faire appel pour cela au médiateur prévu par la loi, M. Pierre Lepetit, nommé le 7 avril dernier. Le renforcement du pouvoir de négociation des producteurs face à leurs acheteurs est essentiel pour aboutir à des clauses équilibrées. Aujourd'hui, le regroupement des producteurs de lait en organisations avec mandat de négociation est déjà juridiquement possible. Aller plus loin nécessite une modification des règles de la concurrence au niveau communautaire. La proposition de règlement dit « paquet lait » que la Commission a priorisé en Conseil des ministres de l'agriculture le 13 décembre 2010 va dans ce sens. Elle est actuellement en cours de discussion au Conseil et au Parlement européen. Ce projet de texte s'inspire en grande partie des propositions portées par la France dans le cadre des travaux du groupe à haut niveau, et notamment la possibilité, pour les États membres, de rendre obligatoires les contrats écrits, de renforcer le pouvoir de négociation des producteurs et le rôle des interprofessions. Dans ce cadre, des organisations de producteurs, propriétaires ou non du lait, regroupant jusqu'à 3,5 % de la production laitière européenne, soit environ 5 millions de tonnes de lait, auront la capacité de négocier collectivement les prix pour leurs producteurs. Pour bénéficier de cette dérogation, les organisations de producteurs devront avoir été reconnues par l'État membre. Un décret sur les organisations de producteurs sera publié dès l'adoption de ce règlement qui devrait intervenir avant la fin de l'année 2011. Le projet de règlement communautaire et la LMAP, défendus par le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire, sont ainsi une réponse concrète face à l'instabilité croissante des marchés et le déséquilibre du rapport de force dans les relations commerciales au détriment des producteurs. Afin de sécuriser le revenu des agriculteurs et de leur donner la visibilité nécessaire, ces deux textes posent les bases d'une nouvelle relation entre les acteurs de la filière laitière qui anticipera la sortie du régime des quotas laitiers. La nouvelle gouvernance de la filière au niveau de neuf bassins laitiers prenant en compte la réalité de l'activité de production, collecte et transformation à une échelle pertinente, en cohérence avec l'organisation de l'interprofession dans les régions et les organisations de producteurs, vise à accompagner cette sortie programmée du régime des quotas laitiers.

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