Mme Martine Lignières-Cassou attire l'attention de M. le ministre du travail, de l'emploi et de la santé sur le projet de décret visant à réformer la gouvernance du Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA). En effet, cette modification qui envisage de bouleverser la composition du conseil d'administration (CA) de cet établissement, représente une remise en cause du principal acquis des victimes de l'amiante en 15 ans de combat. En mettant à la présidence un membre du Conseil d'État choisi par les ministres de tutelle, à la place d'un magistrat à la Cour de Cassation et en augmentant la représentation des employeurs, ce texte à pour conséquence de donner aux représentants des ''payeurs'' une majorité automatique dans le CA. Cela leur donnerait, ainsi, la faculté de décider seuls des indemnisations accordées aux victimes. Tandis que trois mille victimes de l'amiante décèdent chaque année en France, qu'au final ce fléau risque d'être responsable de la mort de cent mille à cent cinquante mille personnes, l'indépendance au sein de cette instance du FIVA - qui décide du principe et des montant des indemnisations des victimes - est primordiale. Présidé jusqu'à présent par un magistrat indépendant, celui-ci repose sur un équilibre entre les parties. En effet, ni les représentants des ''payeurs'' - État et employeurs -, ni les représentants des bénéficiaires n'y disposent de la majorité. C'est ainsi que, depuis la création du FIVA, environ huit mille dossiers ont pu être traités en toute transparence, sans aucune dérive. Si cette réforme de la Gouvernance voyait le jour, les responsables de cette catastrophe sanitaire pourraient devenir, en raison de la majorité qu'ils obtiendraient au CA, à la fois « juge et partie », comme le redoute les associations de victimes de l'amiante, qui ressentent ce projet de réforme comme une provocation supplémentaire, alors qu'aucun responsable n'a, à ce jour, eu à répondre de ses actes devant une juridiction pénale. Une telle modification se traduirait inévitablement par une baisse du niveau des indemnisations que rien, en considération de l'ampleur effroyable des drames humains occasionnés par l'amiante, ne pourrait justifier. Elle lui demande donc de prendre toutes dispositions utiles afin que soient conservées les dispositions réglementaires actuelles définissant les pouvoirs et la composition du conseil d'administration du FIVA.
Le ministre du travail, de l'emploi et de la santé a pris connaissance avec intérêt de la question relative aux modifications de la gouvernance du Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA). Le sort des personnes exposées à l'amiante et de leurs proches est une préoccupation constante du Gouvernement. C'est ainsi que sur proposition de celui-ci la dernière loi de financement de la sécurité sociale a porté de 4 à 10 ans la durée de prescription prévue pour l'indemnisation des préjudices qu'ils ont subis, avec des conditions d'entrée en vigueur permettant l'application de cette mesure y compris aux victimes dont la demande d'indemnisation était prescrite. Le décret n° 2011-1250 du 7 octobre 2011 ne remet pas en cause, au profit du patronat, l'équilibre entre les organisations représentées au conseil de ce fonds. Les organisations syndicales de salariés (CGT, CGT-FO, CFTC et CFDT), qui ont examiné ce projet de décret lors de la commission des accidents du travail et des maladies professionnelles du 21 juin 2011, ne l'ont d'ailleurs pas accueilli défavorablement. Il élargit le champ de recrutement du président du conseil d'administration du FIVA. Aujourd'hui, en effet, en application du décret actuel, seul un magistrat de l'ordre judiciaire peut présider ce conseil, alors que la loi parle de magistrat sans préciser qu'il doit s'agir d'un magistrat de l'ordre judiciaire. Or le FIVA n'est pas un premier degré de juridiction de l'ordre judiciaire : c'est un établissement public administratif placé sous la tutelle conjointe des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget qui peuvent à ce titre s'opposer aux délibérations de son conseil d'administration ; celui-ci définit la politique d'indemnisation du fonds, mais celle-ci, au contraire de dispositions législatives ou réglementaires, ne lie pas les juridictions, devant lesquelles la victime peut toujours contester l'indemnisation qui lui est proposée. Le conseil d'administration doit donc avant tout être le lieu où s'élaborent, entre les partenaires sociaux, les associations de victimes et l'État, dans un esprit constructif et d'écoute, les orientations qui déterminent le niveau d'indemnisation des victimes de l'amiante. Son président, à cet égard, joue un rôle déterminant ; son indépendance est nécessaire ; il n'est pas indispensable, en revanche, qu'il soit un magistrat de l'ordre judiciaire. C'est pourquoi le Gouvernement souhaite élargir le champ de recrutement du président aux présidents de tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ainsi qu'aux magistrats de la Cour des comptes. L'indépendance de ces institutions vis-à-vis de l'État ne saurait être contestée, comme l'a par exemple montré la reconnaissance, par les juridictions administratives, en 2001 et 2004, de la responsabilité de l'État dans la survenue du drame de l'amiante. Par décret publié le 8 octobre 2011, Mme Claire Favre, présidente de la Cour de cassation a été nommée présidente du conseil d'administration du FIVA à l'occasion du renouvellement de sa composition. Il apparaît enfin utile de signaler que le décret n° 2011-1250 du 7 octobre 2011 comporte par ailleurs deux dispositions, aux articles 2 et 3 qui permettent de faciliter les demandes d'indemnisation déposées auprès du FIVA. À ce titre, il modifie la composition de la commission d'examen des circonstances d'exposition à l'amiante en élargissant son champ de recrutement avec l'objectif de fluidifier la régularité de son fonctionnement et éviter qu'elle soit empêchée de se réunir faute de disponibilité de ses membres. Par ailleurs, il supprime l'obligation pour les victimes de pathologies réputées en relation avec l'amiante que le certificat médical soit établi par un médecin spécialiste ou compétent en pneumologie ou en oncologie.
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