M. Alain Bocquet attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes, sur les préoccupations d'Amnesty International relatives à la mise en oeuvre et à l'efficacité du Règlement du Conseil de l'Union européenne n° 123612005. Ce règlement entré en vigueur le 30 juillet 2006, qui s'impose à tous les États membres de l'Union européenne (UE) porte sur le commerce vers les pays tiers de certains biens susceptibles d'être utilisés en vue d'infliger la peine capitale, la torture ou d'autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Il y a déjà un an, en mars 2010, Amnesty International et la Omega Research Foundation publiait un rapport intitulé «From Words ta Deeds : Making the EU ban on the trade in 'tools of torture' a reality » qui mettait en évidence un certain nombre de lacunes et de défauts dans la mise en oeuvre de ce Règlement et formulait plusieurs recommandations aux États membres de l'Union européenne et à la Commission européenne pour y remédier. Lors de sa dernière session du 29 juin 2010, le Comité du régime commun (CCR) en charge de l'application de ce Règlement a appuyé un grand nombre de ces recommandations. Toutefois, en dépit des demandes répétées de la société civile et du Parlement européen, aucune d'elles n'a encore été appliquée, ni par la Commission ni par les États membres. Or on sait que des substances fabriquées dans l'Union européenne sont utilisées dans des exécutions capitales aux États-Unis. La Commission européenne a confirmé à Amnesty International que l'Annexe II du Règlement, qui pose l'interdiction de l'exportation de biens tels que les systèmes d'injection automatique utilisés pour les exécutions capitales, ne s'appliquait pas aux produits chimiques utilisés. Le thiopental étant un anesthésiant pouvant servir par ailleurs à des fins médicales légitimes, nous recommandons vivement que le thiopental et tout produit similaire soient intégrés à l'Annexe III du règlement qui regroupe l'ensemble des biens devant être soumis à un contrôle à l'exportation. En plus de la nécessaire mise à jour des annexes et afin de renforcer le Règlement dans sa mise en oeuvre, nous recommandons également un amendement au Règlement lui-même par l'ajout d'une « clause attrape tout » permettant aux gouvernements d'interdire le commerce de tous les éléments ne figurant pas dans les annexes qui n'auraient d'autre utilisation que d'appliquer la peine capitale, la torture ou d'autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ou lorsqu'il existe des motifs raisonnables de croire que ces articles soient utilisés à ces fins. Il lui demande quelles instructions la France entend prendre pour : - Garantir que la Commission alloue suffisamment de ressources pour poursuivre tant la mise en oeuvre que la révision du Règlement ; proposer toute l'assistance technique directe et les ressources humaines jugées nécessaires par la Commission pour mener à bien ces tâches ; - Soutenir le projet d'amendement des annexes du Règlement afin que soient intégrées des dispositions pour contrôler les substances actuellement fabriquées dans l' Union européenne et qui servent à infliger la peine de mort aux États-Unis, comme le thiopental sodique ou tout autre produit similaire comme le pentobarbital, ainsi que pour contrôler les autres biens déjà évoqués lors de la dernière réunion du CCR, et demander à la Commission de diffuser immédiatement une proposition dans ce sens ; - Demander à la Commission d'organiser une réunion de suivi du CCR au plus tôt afin d'évoquer, entre autres, l'utilisation de certaines substances lors d'exécutions capitales aux États-Unis et de réfléchir à la manière de formuler une clause attrape-tout à inclure dans le Règlement ; - Garantir que tous les nouveaux engagements pris par les États membres lors de la dernière session du CCR soient mis en oeuvre, y compris en remettant à la Commission pour chaque État un rapport d'activité annuel et toutes informations sur les régimes de sanctions pertinents adoptés. Il lui demande également sous quel délai la France entend publier un tel rapport.
Le règlement 1236/2005 du Conseil de l'Union européenne du 27 juin 2005 concernant le commerce de certains biens susceptibles d'être utilisés en vue d'infliger la peine capitale, la torture ou d'autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, est entré en vigueur en 2006. Ce règlement a pour objectif la mise en place d'un régime de contrôle spécifique visant à contribuer à la prévention de la violation du droit fondamental de tout être humain de ne pas être soumis à la torture ou à d'autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Il s'appuie sur divers textes internationaux : le pacte international relatif aux droits civils et politiques, la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la convention des Nations unies de 1984 contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Il répond au souhait que la France avait exprimé, pour prévenir la dissémination des biens pouvant servir à torturer ou exécuter les personnes. Ce règlement instaure des mécanismes de prohibition, de contrôle et de retenue des marchandises qui n'ont aucune autre utilisation pratique que celle d'infliger la peine capitale ou la torture et d'autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. L'exportation et l'importation de ces biens peuvent être autorisées s'il est prouvé que ces biens seront utilisés exclusivement à des fins d'exposition publique dans un musée, en raison de leur signification historique. Par ailleurs, est également instauré un dispositif de contrôle pour l'exportation de produits qui peuvent être utilisés pour la peine capitale ou à des fins de torture, mais qui ont aussi des utilisations légitimes. Pour ces équipements, une autorisation préalable d'exportation est exigée. Au niveau national, le non-respect de cette réglementation constitue une violation d'une mesure de prohibition, au sens de l'article 38 du code des douanes, et, par conséquent, un délit douanier qui est prévu aux articles 417 à 428 de ce code (contrebande, importation ou exportation sans déclaration en cas de fausse déclaration en douane ayant pour but ou pour effet d'éluder la mesure de prohibition) et qui est sanctionné par les dispositions de l'article 414 du code des douanes (peine de prison de trois ans, amende comprise entre une et deux fois la valeur des marchandises, confiscation des marchandises avec une aggravation de ces sanctions en cas d'infraction commise en bande organisée). Ce dispositif est d'ailleurs mentionné dans le rapport de l'Omega Research Foundation (« Appendice premier : législation nationale introduite par les États membres en matière pénale »), qui indique que « l'article 38 du code des douanes rend illégales l'importation ou l'exportation des biens interdits, y compris ceux couverts par le règlement 1236/2005 de l'Union européenne. Les articles 414 et 417-428 du code des douanes en définissent le régime pénal. » Concernant les formalités douanières, le règlement prévoit une procédure de demande d'autorisation d'exportation ou d'importation de biens énumérés à l'annexe II et à l'annexe III du règlement 1236/2005 du Conseil du 27 juin 2005. Le formulaire de demande (CERFA 12722*01) a été mis en ligne et est accessible à tous les opérateurs. Le rapport des ONG Amnesty international et de l'Omega Research Foundation souligne, à juste titre, qu'il s'agit du premier dispositif multilatéral de contrôle du commerce de ce type dans le monde, permettant ainsi de combler un vide substantiel dans la protection des droits de l'Homme à travers le contrôle des exportations. Ce dispositif vient d'ailleurs de recevoir sa complète traduction en droit interne, avec la publication au Journal officiel du 18 août 2011 du décret n° 2011-975 du 16 août 2011. Si l'évaluation de la mise en oeuvre de l'actuelle réglementation des exportations faisait apparaître des lacunes ou des failles, le Gouvernement, conjointement avec la Commission européenne et les autres États membres de l'Union européenne, rechercherait les pistes de réforme permettant de s'assurer que certains biens ne se transforment pas en instruments illicites. Elle proposera notamment à ses partenaires une révision de la liste des biens visés en annexe III du règlement 1236/2005 de l'Union européenne, qui peuvent être utilisés pour la peine capitale ou à des fins de torture mais qui ont aussi des utilisations légitimes, ainsi que de leur régime de délivrance d'autorisation d'exportation.
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