M. Paul Salen attire l'attention de M. le ministre du travail, de l'emploi et de la santé sur les enjeux liés à la production et la distribution de médicaments pour la France à l'heure de la mondialisation. D'une fabrication quasi-locale de l'ensemble des éléments entrant dans la composition des médicaments (principes actifs et excipients) ainsi que des médicaments eux-mêmes, avec un petit nombre d'acteurs identifiés clairement et connus des autorités, nous sommes passés à une dispersion planétaire et une dissémination des chaînes de production et de distribution. Désormais, le marché pharmaceutique est totalement mondialisé avec des coûts de développement extrêmement élevés puisque l'Académie nationale de pharmacie estime que la mise au point d'une nouvelle molécule représente, en moyenne, un investissement d'un milliard de dollars. Les étapes de la conception, de la fabrication et de la distribution ne peuvent plus être assurées par une seule et unique entreprise fusse-t-elle multinationale. Nous assistons à un véritable éclatement de la chaîne de production et de distribution pharmaceutique qui induit un découplage entre le centre de décision de la politique de qualité, les autorités d'évaluation, les zones de production et les marchés de consommation. Dans ce contexte, la question de la sécurité des approvisionnements est posée avec acuité surtout lorsqu'on se rappelle que la Chine fournit 40 % à 50 % des principes actifs génériques consommés au sein de l'Union européenne. De même, celle de la qualité est posée aussi avec force puisque la Direction européenne de la qualité du médicament et soins de santé précise qu'elle a suspendu ou retiré 75 % des certificats de conformité délivrés à des produits fabriqués en Chine ou en Inde. Compte tenu de cette situation, il semblerait naturel d'envisager de mettre en place des réseaux entre autorités réglementaires afin de sécuriser les circuits de production et de distribution des matières premières nécessaires à l'élaboration des médicaments. En conséquence, il lui demande s'il partage ses analyses et quelles mesures pourraient être adoptées par le Gouvernement pour favoriser l'émergence de telles pratiques destinées à protéger les consommateurs européens.
Face à la mondialisation des échanges, l'Académie nationale de pharmacie recommande, de mettre en place de réseaux efficaces à tous les niveaux (national, européen, mondial) entre autorités règlementaires mais aussi entre autorités règlementaires et industries afin de sécuriser et d'assurer la qualité des circuits de fabrication et de distribution des matières premières servant à la fabrication des médicaments. En matière d'inspection, les autorités sanitaires et plus particulièrement l'Agence française de sécuritaire sanitaire de produits de santé (AFSSAPS) appliquent d'ores et déjà cette recommandation dans la limite de ses ressources. En effet huit inspecteurs sont dédiés aux inspections des matières premières en France et dans le monde, ce qui représente un effort important comparativement aux autres agences européennes. À titre d'exemple, ils participent : au programme international d'inspections de l'Agence européenne du médicament (EMA), du United-States Food an Drug Administration (US-FDA), de la direction européenne de la qualité des médicaments et soins de santé (DEQM) du Conseil de l'Europe, et de la Therapeutic Goods Administration (la TGA qui est l'agence australienne de contrôle du médicament) visant au partage d'informations relatives aux inspections de fabricants de substances actives, à la mutualisation des ressources via la reconnaissance mutuelle des conclusions d'inspections conduites par les autorité compétentes impliquées, et à l'organisation d'inspections conjointes dans le cadre de l'harmonisation des pratiques. Ce programme commun sera élargi prochainement à tous les États membres volontaires de l'Union européenne ; au cercle d'experts en substances actives du Pharmaceutical Inspection Coopération Scheme (PIC/S) rassemblant le autorités compétentes nationales de 37 États, dont le mandat est d'élaborer des outils d'aide à l'inspection, et de participer à la formation des inspecteurs. Ce cercle d'experts est par ailleurs impliqué dans un projet global avec l'industrie visant notamment à la mise en place d'une formation conjointe aux bonnes pratiques de fabrication (BPF) destinée à tous les acteurs (inspecteurs, opérateurs) quelle que soit leur localisation (y compris en Asie) ; à la formation des inspecteurs des autorités compétentes partenaires ou de pays tiers par exemple, dans le cadre du « Coached Inspection Programme » du PIC/S (un inspecteur sud-africain et un inspecteur polonais seront ainsi formés en 2011 par deux inspecteurs de l'AFSSAPS au cours d'inspections en Chine) ; dans la mesure où l'AFSSAPS en prévenant les autorités compétentes des inspections qu'elle va mener sur leur territoire (offre la possibilité à des inspecteurs locaux à se joindre à l'équipe française ; de manière significative, aux programmes d'inspections de la DEQM et de l'Organisation mondiale de la santé (OMS ciblant essentiellement des sites de fabrication localisés en Chine et en Inde ; à des actions de communication diverses à destination des professionnels et/ou des corps d'inspections d'autres autorité compétentes. En revanche, si la participation des industriels est indispensable, par exemple pour la collecte de signaux d'alerte relatif à des sites manifestement non conformes, découverts lors d'audits de (pré-) qualification de (nouvelles) sources par de auditeurs de laboratoires pharmaceutiques, la sécurisation des circuits de fabrication et de distribution ne peut légitimement reposer uniquement sur les opérateurs, même dans le cadre de partenariats avec les autorités compétentes. En matière de contrôle des produits de santé en laboratoire, la mission est considérée comme majeure par les chefs d'agence européens. L'un des groupes de travail au sein du réseau des chefs d'agence, mis en place et coordonné par l'AFSSAPS, a pour objectif de promouvoir la reconnaissance mutuelle des contrôles au niveau de l'Union européenne. De même, en complément des bases de données existantes, une base mise à disposition en mai 2011 par l'EMA permet désormais le partage des éléments d'évaluation de risque concernant les nouveaux médicaments autorisés selon une procédure de reconnaissance mutuelle (MRP) ou décentralisée (DCP). Pour ce qui concerne la maîtrise de la qualité des matières premières à usage pharmaceutique, dans le contexte de mondialisation des sources, l'élaboration de référentiels de qualité tels que la pharmacopée pour les substances actives, est essentielle afin d'uniformiser les exigences de qualité et de sécurité des substances et de garantir une cohérence d'évaluation, notamment via le système de certification de conformité des monographies à la pharmacopée européenne. C'est pourquoi l'AFSSAPS a choisi de s'investir fortement dans cette activité pour orienter et prioriser les programmes de travail des groupes d'experts européens et positionner ses actions en termes de risque. Les travaux d'harmonisations prospectives internationales (programme ICH) de référentiels de substances actives ou d'excipients sont également privilégiés. Ainsi, cette thématique, proposée et portée par l'AFSSAPS au Conseil de l'Europe (DEQM précitée) fait l'objet d'une session de travail en novembre 2011. En matière de synergie d'action et d'information dans le domaine des contrefaçons, la coopération et les échanges d'information représentent un levier essentiel pour rendre opérationnelle et efficace la lutte contre la contrefaçon des médicaments. La lutte contre la contrefaçon est désormais une action reconnue au niveau européen depuis que le comité des ministres du Conseil de l'Europe a adopté en mai 2010 la Convention internationale MEDICRIME, qui vise à sanctionner la contrefaçon mais aussi la fabrication et la distribution de produits médicaux mis sur le marché sans autorisation ou en violation des normes de sécurité. Cette Convention offre également un cadre de coopération national et international à travers les différents secteurs administratifs. En ce qui concerne le suivi de la qualité par un contrôle coordonné, des spécialités génériques et de leurs substances actives multi-sources après leur mise sur le marché : au plan national, les bilans depuis dix ans menés dans ces deux domaines prioritaires montrent que toutes les substances actives analysées d'origine européenne, utilisées pour la fabrication de médicaments et disposant d'un certificat de conformité à la pharmacopée européenne (CEP), sont reconnues conformes contrairement aux substances actives produites en pays tiers, démontrant ainsi l'efficacité de la procédure européenne établie par la DEQM précitée. Au plan européen, en 2011, les premiers médicaments génériques autorisés selon la procédure centralisée européenne sont arrivés sur le marché. Le Quality Working Party (QWP) de l'EMA a pris appui sur l'expérience française pour mettre en place un programme adapté de contrôle de ces spécialités notamment par des études comparatives des génériques du Clopidogrel (antiagrégant plaquettaire dont la spécialité de référence est le Plavix). S'agissant des problèmes de pénurie et de disponibilité des substances ou des spécialités, ceux-ci ne sont actuellement pas évalués spécifiquement dans le cadre de ces différents travaux. Toutefois, compte tenu des ruptures de stock récurrentes de certaines spécialités pharmaceutiques sur le territoire national, dans le cadre de l'examen du projet de loi relatif au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé, il est proposé une modification de l'article L. 5124-6 du code de la santé publique visant à renforcer l'information de l'AFSSAPS sur les ruptures de stocks et arrêts de commercialisation (notamment en ce qui concerne les médicaments indispensables en termes de santé publique). En outre, afin d'éviter ces ruptures de stock, le projet de loi renforce également le système d'astreinte et les obligations de service public des grossistes-répartiteurs en prévoyant notamment des sanctions en cas de non-respect de ces obligations. Enfin, le contrôle en laboratoire des produits de santé est une mission majeure considérée par les chefs d'agences européens. Un des groupes de travail mis en place et coordonné par l'AFSSAPS a pour objectif de promouvoir la reconnaissance mutuelle des contrôles au niveau de l'Union européenne (groupe de travail HMA WGPT précité). Une phase pilote débutée en juin 2011 vise à recueillir les différents éléments d'analyse en termes d'évaluation de dossier, d'inspection et de contrôle en laboratoire pour permettre une surveillance de marché basée sur une analyse de risque. Les expériences menées par les agences danoise, française et du Royaume-Uni notamment seront la base de propositions d'action coordonnées.
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