M. Marc Le Fur attire l'attention de Mme la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports sur le développement des violences liées à l'alcool. Les élus locaux constatent depuis quelques années un développement des faits divers liés à une consommation excessive d'alcool, tels que les agressions, les violences conjugales et les rixes. Ce phénomène résulte de l'apparition de nouveaux modes de consommation des jeunes à la recherche d'une ivresse immédiate et au développement de « l'alcool-défonce ». Les forces de l'ordre ont constaté un développement des pratiques d'achats massifs de boissons en grandes surfaces et leur consommation immédiate sur les parkings avoisinants, ainsi que des pratiques d'alcoolisation de masse lors de certaines soirées étudiantes. Au Canada, afin de favoriser une consommation modérée et responsable des jeunes, les pouvoirs publics et les professionnels ont mis en oeuvre un programme de sensibilisation et de prévention de la consommation excessive d'alcool baptisé Educ'Alcool. Il lui demande si le Gouvernement, entend s'inspirer de cette pratique préventive de responsabilisation comme le suggérait le livre blanc remis par les Parlementaires au Premier ministre en juillet 2004.
Avec 37 000 décès qui lui sont attribuables chaque année, la consommation d'alcool, deuxième cause de mortalité évitable en France après le tabac, constitue un enjeu de santé publique majeur. De plus, une augmentation des conduites d'alcoolisation massive ou « binge drinking », souvent pratiquées à domicile notamment avec des boissons alcooliques achetées dans les commerces d'alimentation générale, a été observée chez les jeunes. Jusqu'à la promulgation de la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (HPST), dont l'objectif, en réduisant l'offre d'alcool, est de combattre l'apparition des comportements addictifs chez les jeunes, la législation sur la vente d'alcool aux mineurs était complexe et mal comprise, voire mal appliquée. Elle comportait en effet des dispositions différentes selon les âges, les lieux et les types de boissons. C'est pourquoi l'article 93 de la loi HPST modifie l'article L. 3342-1 du code de la santé publique pour simplifier et harmoniser cette réglementation sur plusieurs points. Ainsi, toute vente de boissons alcooliques à des mineurs, quels que soient le lieu de vente et la catégorie d'alcool, est dorénavant interdite, tout comme l'offre à titre gratuit de boissons alcooliques à des mineurs de moins de dix-huit ans dans les lieux publics (dans les débits de boissons et tous commerces ou lieux publics). Le non-respect de cette mesure, d'application immédiate, constitue un délit, désormais puni d'une amende de 7 500 euros, ou, en cas de récidive dans les cinq ans, d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende. Par ailleurs, pour lutter contre le phénomène des « open bar » (entrée payante et boissons à volonté), pratique qui s'adresse, en particulier, aux jeunes et a des conséquences sur les conduites d'alcoolisation massive, car c'est notamment au cours de soirées de ce type qu'ont lieu les cas d'ivresses massives, l'article 94 de la loi HPST interdit la vente d'alcool à titre principal contre une somme forfaitaire, ainsi que l'offre à titre gratuit effectuée dans un but commercial. Les dégustations gratuites ne sont pas concernées par cette interdiction, pas plus que les fêtes et les foires, qui devront être déclarées pour celles qui sont traditionnelles ou autorisées par le préfet pour celles nouvelles. En sus des deux mesures phares, la loi réglemente également d'autres formes d'offre d'alcool s'adressant préférentiellement aux jeunes, et qui ont directement des conséquences sur les conduites d'alcoolisation massive. À titre d'exemple, toute personne souhaitant vendre des boissons alcooliques à emporter entre 22 heures et 8 heures doit, au même titre que les exploitants des débits à consommer sur place, suivre la formation préalable à la délivrance du permis d'exploiter. De même, la vente à distance de boissons alcooliques est assimilée à de la vente à emporter. En cas d'infractions à ces obligations, des sanctions pénales adaptées sont également prévues. Les mesures mises en place par la loi HPST, en renforçant l'interdiction de vente de boissons alcooliques aux mineurs et en responsabilisant l'ensemble des partenaires, permettront accompagnées de messages de prévention, tels que ceux déjà développés dans la campagne « Trop » de l'Institut national de prévention et d'éducation à la santé (INPES), de lutter efficacement contre les conduites d'alcoolisation massive de certains jeunes. La politique du Gouvernement en matière de lutte contre l'alcoolisation des jeunes allie les deux approches : une approche juridique et une approche d'information et d'éducation du consommateur, comme c'est le cas du programme Educ'alcool. Créée à l'initiative des organisations professionnelles et interprofessionnelles du secteur vitivinicole français, l'association Educ'alcool France propose aux enseignants un programme pédagogique de prévention par l'éducation. Basée sur le modèle d'Educ'alcool Québec, l'association prône la « responsabilisation et le libre choix en matière de consommation d'alcool » et conçoit l'alcool comme un « élément culturel positif lorsqu'il est consommé modérément et de manière responsable ». Le fait d'appeler à la logique de « consommation responsable » ne doit pas être le moyen d'occulter le fait qu'une politique complète de lutte contre le risque alcool ne saurait se contenter d'en appeler à la responsabilité du consommateur. Un équilibre est nécessaire entre appel à la responsabilité individuelle et mesures contraignantes pour les acteurs économiques, dont les études internationales ont fait la preuve de l'efficacité. Le concept de modération auquel fait référence ce programme est sujet à caution, la consommation d'alcool usuellement perçue comme « excessive » étant en effet loin de constituer le seul problème en termes de santé publique. Ainsi, s'agissant d'une consommation à moindre risque, si elle a pu être mise en avant eu égard à certains risques cardio-vasculaires pour les populations à fort risque, il faut rappeler qu'elle ne s'applique pas à toutes les pathologies cardio-vasculaires et pas en population générale et que, par ailleurs, dans le cadre de certains cancers, il n'y a pas de consommation quotidienne sans risque (c'est-à-dire à partir d'un verre par jour). La notion de modération, interprétable de manière subjective par les consommateurs, ne répond donc pas aux impératifs de santé publique d'une information efficace du consommateur. En matière de prévention, le seul message sanitaire est celui que diffuse l'organisation mondiale de la santé (OMS) : « avec l'alcool, boire moins c'est mieux ».
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