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Geneviève Gaillard
Question N° 115163 au Ministère de la Justice


Question soumise le 26 juillet 2011

Mme Geneviève Gaillard attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, sur le rapport de M. Éric Ciotti comprenant des propositions destinées à renforcer l'exécution des peines de prison remis au Président de la République le 7 juin 2011. Si certaines propositions semblent aller dans le bon sens comme l'augmentation des peines alternatives, la diversification des lieux et des régimes de détention en fonction du degré de dangerosité, d'autres propositions sont inquiétantes. En effet, le rapport prône une limitation des aménagements de peines aux personnes condamnées à un an de prison en correctionnelle, contre deux actuellement. Cela risque d'aggraver la récidive en multipliant les « sorties sèches ». Il est par contre reconnu que la libération conditionnelle est un moyen efficace de lutte contre la récidive, la personne libérée étant accompagnée pendant un certain temps dans sa réinsertion. Cela suppose des moyens accrus en personnel éducatif au SPIP et à la PJJ. De plus, il est proposé de restreindre les réductions de peine, enlevant ainsi une part d'espoir aux détenus. Cela va accroître la violence sous toutes ses formes au sein des établissements pénitentiaires et rendre la tâche du personnel de surveillance encore plus difficile. Enfin, une proposition consiste à transférer une bonne partie des attributions du juge d'application des peines au Parquet. L'indépendance du pouvoir judiciaire s'en trouvera alors réduit. Bon nombre des propositions de M. Eric Ciotti apparaissent donc comme une régression par rapport à l'esprit de la loi pénitentiaire de 2009, plus axée sur la réinsertion. Aussi, considérant que la prévention et la réinsertion restent le meilleur moyen de protéger la société, elle lui demande de bien vouloir lui indiquer quelle suite il entend donner à ces propositions dont les effets seront contraires à l'intérêt des détenus et aux missions de l'administration pénitentiaire.

Réponse émise le 27 décembre 2011

La justice n'est crédible et respectée que si ses décisions sont exécutées. Au plan pénal, l'effectivité de l'exécution des peines est une composante essentielle de la politique générale de lutte contre la délinquance et la récidive. L'exécution des peines constitue ainsi l'une des priorités de l'action du ministre de la justice et des libertés. C'est donc avec un grand intérêt que le garde des sceaux a pris connaissance du rapport remis par le député Éric Ciotti au Président de la République. De nombreuses recommandations, concernant notamment le développement des peines et mesures alternatives à l'incarcération, ont fait l'objet de toute l'attention du ministère de la justice et des libertés. Dans le prolongement de ce rapport, un projet de loi de programmation relatif à l'exécution des peines a été déposé le 23 novembre dernier sur le bureau de l'Assemblée nationale et y sera débattu dans les prochaines semaines. La chancellerie n'a cependant pas l'intention de revenir sur les dispositions de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 et ses décrets d'application du 27 octobre 2010 fixant à deux années, hors cas de récidive, le quantum des peines d'emprisonnement ferme susceptibles d'être aménagées par les juges de l'application des peines en application des dispositions de l'article 723-15 du code de procédure pénale. Ce quantum est réduit à un an si le condamné est en état de récidive légale. Ces dispositions résultent en effet d'une volonté de concilier les exigences d'individualisation de la peine et de sécurité de nos concitoyens. Il convient par ailleurs de souligner que les mesures d'aménagement des peines favorisent la réinsertion des condamnés et la prévention de la récidive. Dans une circulaire du 12 mai 2011 relative à l'aménagement de peine des condamnés libres et au développement des aménagements de peine prononcés à l'audience de jugement, le garde des sceaux a encouragé les parquets à fluidifier la procédure d'aménagement des peines des condamnés libres dans le cadre d'une responsabilité partagée et d'une action concertée entre tous ses acteurs et demandé d'oeuvrer en vue du développement des aménagements de peines prononcés à l'audience de jugement. Une expérimentation relative aux aménagements de peines prononcés ab initio dans le cadre de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité a été menée à cet effet. La circulaire de politique pénale générale du 15 février 2011 a fixé comme objectif aux procureurs généraux et procureurs de la République, de poursuivre leurs efforts pour réduire les délais d'exécution des peines d'emprisonnement ferme aménageables en application des dispositions de l'article 723-15 du code de procédure pénale, de mettre en oeuvre une politique d'exécution des peines volontariste et ciblée à l'encontre des délinquants d'habitude et d'instaurer un circuit court d'exécution des peines prononcées dans le cadre des procédures rapides. L'augmentation du nombre de saisines des services pénitentiaires d'insertion et de probation par l'autorité judiciaire pour mise en oeuvre de la procédure d'aménagement de peine prévue par l'article 723-15 du code de procédure pénale, passé de 823 en janvier 2011 à 2033 en septembre 2011, témoigne d'une réelle dynamique en la matière. La saisine du juge de l'application des peines en application des dispositions de l'article 723-15 du code de procédure pénale ne fait aucunement obstacle à la possibilité pour le parquet de ramener la peine à exécution, soit à défaut de décision du juge de l'application des peines dans le délai de quatre mois suivant la communication de la copie de la décision (art. 723-15-2 alinéa 2 du code de procédure pénale), soit en cas d'urgence motivée par un risque de danger pour les personnes ou les biens établi par la survenance d'un fait nouveau, l'incarcération de la personne dans le cadre d'une autre procédure ou de risque avéré de fuite du condamné (art. 723-16 du code de procédure pénale). Parallèlement se sont développés les aménagements de peines des personnes incarcérées, afin de les accompagner dans la sortie de détention. Au 1er octobre 2011, 17,8 % des condamnés sous écrou bénéficiaient d'un aménagement de peine de type placement extérieur, placement sous surveillance électronique ou semi-liberté contre 12,9 % au 1er octobre 2009 et 15,2 % au octobre 2010. La loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 a créé la procédure simplifiée d'aménagement des peines (PSAP), favorisant par un circuit plus simple et plus rapide l'aménagement des peines des personnes détenues dans les conditions qu'elle détermine. La volonté du législateur d'éviter les sorties sèches s'est également manifestée à travers la possibilité conférée au procureur de la République d'autoriser un condamné à exécuter les quatre derniers mois de détention ou les deux derniers tiers de la peine si elle est inférieure à six mois sous le régime de la surveillance électronique de fin de peine (SEFIP), lorsqu'aucune mesure d'aménagement de peine n'a été ordonnée et que la peine prononcée est inférieure ou égale à cinq ans (art. 723-28 du code de procédure pénale issu de la loi du 24 novembre 2009). Le ministre de la justice et des libertés n'est pas davantage favorable à la proposition visant à supprimer les crédits de réduction de peine. Ce système permet aux juges de l'application des peines et aux services pénitentiaires d'insertion et de probation d'anticiper la date prévisible de libération du condamné et ainsi d'examiner utilement et de façon approfondie la situation des personnes condamnées afin d'individualiser l'exécution de la peine, en fonction des efforts de réinsertion ou au contraire de la persistance de l'état de dangerosité du condamné. Ces réductions de peines constituent en outre un outil indispensable à la prévention de la récidive : en incitant les condamnés à bien se comporter en détention et à suivre des soins, lorsqu'ils ont été condamnées pour certains crimes ou délits commis sur des mineurs, sous peine de voir la juridiction de l'application des peines ordonner le retrait de tout ou partie du crédit de réduction de peine ; en incitant le condamné à ne pas commettre de nouvelle infraction à sa sortie de prison sous peine de voir la juridiction de jugement, prononçant la nouvelle condamnation pour des faits commis pendant une période de temps égale à la durée de la réduction de peine à compter de la libération, ordonner le retrait de tout ou partie du crédit de réduction de peine ; en permettant le prononcé de la surveillance judiciaire, dont la durée correspond à celle des réductions de peine. Il ne semble donc pas justifié de revenir sur ce système. Enfin, les réformes récentes ont confié au parquet un rôle essentiel et accru dans l'exécution et l'application des peines, à travers la conduite d'une réelle politique pénale en la matière, la mise en oeuvre des mesures de sûreté et les procédures telles que la PSAP ou la SEFIP. Les commissions d'exécution des peines constituent en outre des lieux d'échange entre les différents acteurs de l'exécution et de l'application des peines et permettent l'élaboration d'une action cohérente en la matière.

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