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Philippe Tourtelier
Question N° 114752 au Ministère des Affaires étrangères


Question soumise le 19 juillet 2011

M. Philippe Tourtelier attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes, sur les préoccupations d'Amnesty International relatives à la mise en oeuvre et à l'efficacité du règlement du Conseil de l'Union européenne n° 1236-2005. Ce règlement, entré en vigueur le 30 juillet 2006, s'impose à tous les États membres de l'Union européenne, et porte sur le commerce vers les pays tiers de certains biens susceptibles d'être utilisés en vue d'infliger la peine capitale, la torture ou d'autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Dans leur rapport publié en mars 2010, Amnesty International et Omega Research Foundation dénonçaient les failles juridiques du règlement qui permettent aujourd'hui encore à des entreprises européennes d'exporter dans le monde du matériel conçu pour torturer et infliger des mauvais traitements inhumains ou dégradants. Ainsi le Royaume-Uni aurait livré aux États-Unis du thiopental sodique, agent anesthésiant, utilisé pour l'exécution d'un condamné à mort, le 26 octobre dernier en Arizona. D'autres exécutions étant programmées, de nouvelles exportations de thiopental ou de produits analogues, comme le pentobarbital, risquent d'être autorisées par d'autres États membres de l'Union européenne. Or l'annexe II du règlement déjà cité ne s'appliqueraient pas aux produits comme le thiopental (anesthésiant, par ailleurs, utilisable à des fins médicales légitimes) ou le pentobarbital (utilisé, dans des conditions normales, en anesthésie vétérinaire). Une mise à jour des annexes du règlement semble donc particulièrement nécessaire pour contrôler le commerce de ce type de substances destinées en réalité à mener des exécutions capitales. Ainsi, Amnesty international propose l'ajout d'une clause « attrape-tout » dans le règlement permettant aux gouvernements d'interdire le commerce de tous les éléments ne figurant pas dans les annexes qui n'auraient d'autre utilisation que d'appliquer la peine capitale, la torture ou d'autres peines ou traitements cruels, inhumais ou dégradants ou lorsqu'il existe des motifs raisonnables de croire que ces articles sont utilisés à ces fins. Il lui demande donc d'indiquer s'il entend intervenir pour inciter la Commission européenne à allouer les moyens nécessaires pour la mise en oeuvre du règlement en question, soutenir le projet de modification des annexes du règlement et faire en sorte qu'un rapport d'activité annuel dans le cadre du comité de régime commun soit publié par la France.

Réponse émise le 4 octobre 2011

Le règlement 1236/2005 du Conseil de l'Union européenne du 27 juin 2005 concernant le commerce de certains biens susceptibles d'être utilisés en vue d'infliger la peine capitale, la torture ou d'autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, est entré en vigueur en 2006. Ce règlement a pour objectif la mise en place d'un régime de contrôle spécifique visant à contribuer à la prévention de la violation du droit fondamental de tout être humain de ne pas être soumis à la torture ou à d'autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Il s'appuie sur divers textes internationaux : le pacte international relatif aux droits civils et politiques, la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la convention des Nations unies de 1984 contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Il répond au souhait que la France avait exprimé, pour prévenir la dissémination des biens pouvant servir à torturer ou exécuter les personnes. Ce règlement instaure des mécanismes de prohibition, de contrôle et de retenue des marchandises qui n'ont aucune autre utilisation pratique que celle d'infliger la peine capitale ou la torture et d'autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. L'exportation et l'importation de ces biens peuvent être autorisées s'il est prouvé que ces biens seront utilisés exclusivement à des fins d'exposition publique dans un musée, en raison de leur signification historique. Par ailleurs, est également instauré un dispositif de contrôle pour l'exportation de produits qui peuvent être utilisés pour la peine capitale ou à des fins de torture, mais qui ont aussi des utilisations légitimes. Pour ces équipements, une autorisation préalable d'exportation est exigée. Au niveau national, le non-respect de cette réglementation constitue une violation d'une mesure de prohibition, au sens de l'article 38 du code des douanes, et, par conséquent, un délit douanier qui est prévu aux articles 417 à 428 de ce code (contrebande, importation ou exportation sans déclaration en cas de fausse déclaration en douane ayant pour but ou pour effet d'éluder la mesure de prohibition) et qui est sanctionné par les dispositions de l'article 414 du code des douanes (peine de prison de trois ans, amende comprise entre une et deux fois la valeur des marchandises, confiscation des marchandises avec une aggravation de ces sanctions en cas d'infraction commise en bande organisée). Ce dispositif est d'ailleurs mentionné dans le rapport de l'Omega Research Foundation (« Appendice premier : législation nationale introduite par les États membres en matière pénale »), qui indique que « l'article 38 du code des douanes rend illégales l'importation ou l'exportation des biens interdits, y compris ceux couverts par le règlement 1236/2005 de l'Union européenne. Les articles 414 et 417-428 du code des douanes en définissent le régime pénal. » Concernant les formalités douanières, le règlement prévoit une procédure de demande d'autorisation d'exportation ou d'importation de biens énumérés à l'annexe II et à l'annexe III du règlement 1236/2005 du Conseil du 27 juin 2005. Le formulaire de demande (CERFA 12722*01) a été mis en ligne et est accessible à tous les opérateurs. Le rapport des ONG Amnesty international et de l'Omega Research Foundation souligne, à juste titre, qu'il s'agit du premier dispositif multilatéral de contrôle du commerce de ce type dans le monde, permettant ainsi de combler un vide substantiel dans la protection des droits de l'Homme à travers le contrôle des exportations. Ce dispositif vient d'ailleurs de recevoir sa complète traduction en droit interne, avec la publication au Journal officiel du 18 août 2011 du décret n° 2011-975 du 16 août 2011. Si l'évaluation de la mise en oeuvre de l'actuelle réglementation des exportations faisait apparaître des lacunes ou des failles, le Gouvernement, conjointement avec la Commission européenne et les autres États membres de l'Union européenne, rechercherait les pistes de réforme permettant de s'assurer que certains biens ne se transforment pas en instruments illicites. Elle proposera notamment à ses partenaires une révision de la liste des biens visés en annexe III du règlement 1236/2005 de l'Union européenne, qui peuvent être utilisés pour la peine capitale ou à des fins de torture mais qui ont aussi des utilisations légitimes, ainsi que de leur régime de délivrance d'autorisation d'exportation.

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