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Frédéric Cuvillier
Question N° 113540 au Ministère de la Justice


Question soumise le 5 juillet 2011

M. Frédéric Cuvillier attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, sur le rapport qui présente les « chiffres clés de l'administration pénitentiaire au 1er janvier 2011 ». Parmi les statistiques présentées, celle des incidents survenus en milieu carcéral est particulièrement préoccupante. La direction de l'administration pénitentiaire a recensé, pour l'année 2010, 3 230 agressions contre le personnel pénitentiaire, soit 405 de plus qu'en 2009, 7 825 agressions entre personnes détenues, soit 235 de plus qu'en 2009 et 4 homicides, soit deux fois plus qu'en 2009. Parce qu'elle est alarmante, cette situation invite donc à s'interroger sur les conditions de détention dans les prisons françaises. Aussi, et alors que celles-ci affectent aussi bien les détenus que le personnel pénitentiaire dans une mesure qui ne peut plus être tolérée, il lui demande de bien vouloir lui indiquer les mesures que le Gouvernement entend arrêter à ce sujet.

Réponse émise le 20 décembre 2011

La lutte contre les violences, qu'elles soient exercées contre les personnels ou contre les personnes détenues est une priorité de l'administration pénitentiaire. Si la notion de tension est consubstantielle au monde de la détention, la responsabilité de l'administration pénitentiaire est de réguler cette tension et de prévenir sinon gérer les incidents. Plusieurs axes d'évolution sont suivis. L'équilibre au sein des détentions, dans le contexte marqué par un flux de 82 000 entrées et sorties annuelles, s'opère chaque jour en fonction d'une multitude de paramètres tels les conditions de détention, les places disponibles, ainsi que les comportements observés au cours de chacune des journées de détention que vivent les personnes détenues chaque année. Depuis plusieurs années, des efforts importants sont consentis pour augmenter la capacité d'accueil du parc pénitentiaire. Les programmes immobiliers successifs ont eu pour effet de porter le nombre de places de 51 076 places en janvier 2007 à 57 490 au 1er août 2011. Ils ont eu également pour effet d'améliorer nettement les conditions de détention. L'agencement des cellules dotées de douches, les équipements collectifs de formation, de sport, de travail et ceux permettant de maintenir le lien familial (le téléphone, les unités de visite familiale) participent de cette démarche qui contribue à préserver ces équilibres et donc le climat en détention. La loi pénitentiaire et l'ouverture de nouveaux établissements ont été mis à profit pour faire évoluer favorablement le fonctionnement de nos établissements et faire des règles pénitentiaires européennes la charte d'action de l'administration pénitentiaire (notamment l'évaluation pluridisciplinaire des personnes détenues au quartier arrivants, la définition d'un parcours d'exécution de peine et la différenciation des régimes de détention). Dans la continuité de ces actions, deux groupes de travail ont été constitués. Le premier, installé en février 2010, et présidé par Jean-Charles Toulouze, directeur interrégional des services pénitentiaires, était consacré à la lutte contre les violences en détention. Constituée de professionnels et d'experts extérieurs à l'institution, cette instance a formulé des propositions pragmatiques en mai 2010, destinées à améliorer la prévention, la détection et le traitement des actes de violences entre personnes détenues et à valoriser et donner du sens à la mission des personnels pénitentiaires. Les préconisations relatives à la prise en charge de la personne détenue intègrent la phase d'accueil (information sur les phénomènes de violence, sensibilisation des familles, organisation d'activités collectives animées par les agents des quartiers arrivants...) et la vie en détention (généralisation du recours à des notes de vigilance annexées aux décisions d'affectation, systématisation de la transmission aux établissements des décisions de justices relatives aux faits délictueux commis en détention...). Leur mise en oeuvre est en cours à travers notamment la mise à disposition d'un numéro vert pour les personnes détenues victimes de violences, la généralisation de l'utilisation de l'interphonie et la création de pictogrammes d'alerte sur les bornes de saisie des requêtes. S'agissant des personnels pénitentiaires et de leurs partenaires, l'accent a été mis sur la sensibilisation au phénomène violent à l'occasion de leur formation initiale. Par ailleurs, la présence des surveillants est systématisée au sein de la commission pluridisciplinaire unique qui statue notamment en matière de repérage de la dangerosité et de vulnérabilité des personnes détenues. Les personnels sont formés et incités au repérage de comportements révélateurs, par exemple irrationnels ou incompréhensibles de personnes détenues. Le recueil et le traitement de ces observations sont optimisés par la généralisation du recours au cahier électronique de liaison (CEL). De nombreuses mesures destinées à favoriser le contact direct entre le personnel de surveillance et les personnes détenues à l'occasion des gestes quotidiens ont également été développées. Ainsi, certains moments de la vie carcérale tels la distribution des repas, des médicaments ou du courrier sont des temps forts du fonctionnement de la détention qui permettent une observation plus attentive concernant un comportement surprenant ou irrationnel de la part d'un détenu. Enfin, l'autorité judiciaire a été sensibilisée quant aux suites à apporter aux signalements qui leur sont adressés et à l'information à transmettre en retour aux services de la direction de l'administration pénitentiaire. Le second groupe de travail, initié le 7 décembre 2009 et présidé par Philippe Lemaire, procureur général, avait pour thème les violences à l'encontre des personnels pénitentiaires. Il a rendu ses conclusions en juin 2010. Elles ont été déclinées en mesures concrètes, organisées autour de quatre axes principaux : l'amélioration du traitement institutionnel des actes de violences : elle a pour finalité d'une part, d'améliorer l'échange d'informations entre l'autorité judiciaire et l'administration pénitentiaire, d'autre part, de renforcer la réponse pénale aux infractions commises sur les agents en détention. Ce dispositif opérationnel vise tout particulièrement à protéger et à accompagner les personnels pénitentiaires dépositaires de l'autorité publique, victimes dans l'exercice de leurs fonctions ou en raison de leur qualité. Une information stricte et rapide des agents concernés lors du classement d'une procédure disciplinaire est désormais généralisée. Des débriefings techniques sont organisés à l'issue des incidents dont sont victimes les agents. Un traitement disciplinaire rapide est favorisé ; l'instauration de nouveaux rapports sociaux en prison : les échanges autour des pratiques mises en oeuvre dans certaines structures sont valorisés. L'organisation du travail est revue à travers notamment la mise en place de binômes et le renforcement de la présence de l'encadrement. Les bonnes pratiques identifiées dans la gestion des personnes détenues difficiles sont listées et diffusées dans des cadres adaptés de formation ; l'accompagnement des personnels : un travail important est accompli sur les gestes professionnels. L'accent a été mis, dans les actions de formation, sur la rédaction des comptes rendus d'incidents. De même, les formations sur la gestion du stress, la maîtrise de soi, la gestion de la violence sont développées. Des guides de pratiques de références opérationnelles sur la gestion de crise et les débriefings ont été édités ; la diffusion de recommandations spécifiques s'agissant de la prévention des actes de violence dans les SPIP : un audit de sécurité a été réalisé dans les SPIP qui a permis de définir un programme d'action de mise en sécurité des locaux. Une formation spécifique à l'accueil des personnes en difficulté a été organisée. Le travail en binôme avec les surveillants pénitentiaires est en cours de développement. Un suivi rigoureux de l'ensemble de ces préconisations ainsi que des outils d'évaluation ont été mis en oeuvre. La lutte contre les violences en détention est un enjeu majeur de l'action du service public pénitentiaire. La mise en oeuvre des propositions formulées doit d'une part améliorer la prévention, la détection et le traitement des actes de violences entre détenus et d'autre part valoriser le sens de la mission des personnels pénitentiaires.

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