Mme Catherine Lemorton à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire. La loi du 13 juillet 2010 article 230-6 concernant l'aide alimentaire, impose la transmission des données de nature économique et socio-économique aux distributeurs de l'aide alimentaire quelle que soit leur forme juridique. Elle lie l'agrément délivré aux associations à leur capacité de fournir à l'autorité administrative les indicateurs "nécessaires à l'élaboration et à la mise en oeuvre de la politique publique de l'alimentation". À cet effet, la banque alimentaire propose de mettre gratuitement à disposition des associations un logiciel des indicateurs dénommé " Passerelle " portant sur la tranche d'âge, le sexe, et plusieurs données personnelles des bénéficiaires. Beaucoup d'associations d'entraide sont inquiètes face à ces nouvelles mesures techniques qui vont s'ajouter aux tâches déjà lourdes auxquelles elles sont déjà confrontées concernant notamment l'espace de stockage de ces données, les coûts supplémentaires (équipement informatique, sécurisation des locaux) induits, les compétences requises sur l'utilisation du matériel et logiciel informatiques ou encore le rôle de collecteur de renseignements demandé aux associations. Enfin, le temps passé sur la partie administrative détourne les associations de leur disponibilité pour écouter les accueillis qui n'ont pas seulement besoin de pain mais aussi faim de lien, dernier rempart contre leur exclusion. Pour ces associations, le volet administratif ne doit prendre qu'une place mineure, tant le public qu'elles accueillent est parfois très précaire voire exclu de toute forme d'aide autre que caritative. De plus, dans le cadre de cet accueil, elles sont amenées à délivrer des aides alimentaires. Or une nouvelle procédure d'agrément prévoit qu'elles identifient et transmettent à la Préfecture des informations sur les bénéficiaires de l'aide octroyée par leurs soins. Cette procédure les contraint aussi à un suivi comptable et informatique de chaque produit donné pour des raisons de traçabilité difficilement compréhensibles vu tous les contrôles déjà effectués au niveau de la banque alimentaire qui leur fournit la quasi-totalité des produits. Monsieur le Ministre, ceci interroge fortement : les associations sont-elles suspectées d'aider des personnes qui n'en auraient pas besoin ? La procédure administrative qui pose questions tant sur le plan éthique que déontologique n'est-elle pas exagérée pour un système d'aide souvent très ponctuelle ? Les bénévoles qui répondent prioritairement aux nombreuses sollicitations sociales doivent-ils désormais s'engager pour instruire des fichiers informatiques ? Enfin, des contrôles concernant l'application des règles d'hygiène d'une part et les statistiques d'autre part, sont déjà mis en place par la banque alimentaire. Pourquoi ce cadrage, certes nécessaire, ne serait-il plus aujourd'hui tout à fait suffisant ? Si cette nouvelle disposition devait s'appliquer, nombre d'associations seraient contraintes de modifier leur mode d'intervention et de réfléchir à la suspension de la distribution d'aide alimentaire. Or par leur action, elles contribuent à la cohésion sociale, elles permettent le maintien d'un lien vital pour les personnes et pallient les manques institutionnels. Ce nouveau dispositif dont les décrets d'application sont en voie d'élaboration risque de déconstruire le travail que les structures caritatives tissent depuis de longues années avec les pouvoirs publics au profit des plus nécessiteux. Elle voudrait connaître les motivations de telles mesures.
La contribution publique à l'aide alimentaire destinée aux personnes les plus démunies est passée de 50 Meuros de crédits nationaux et communautaires en 2007 à 90 Meuros en 2011, auxquels se sont ajoutés 20 Meuros de crédits du plan de relance dédiés à la modernisation de la logistique et du fonctionnement des associations caritatives. Afin de clarifier l'organisation de cette aide, la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche (LMAP) du 27 juillet 2010 est venue la doter d'une base juridique dont elle était jusqu'à présent dépourvue. Celle-ci permet de définir, d'une part, les compétences propres à chaque ministère et précise, d'autre part, les conditions d'éligibilité des associations caritatives aux programmes européen et national d'aide alimentaire. L'introduction de cette base juridique fait suite aux remarques formulées par deux rapports, le premier rédigé conjointement par l'inspection générale des affaires sociales (IGAS) et le conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) en 2008, le second par la Cour des comptes, en 2009. Tous deux soulignaient la nécessité pour l'État d'améliorer l'organisation de cette aide. L'IGAS et le CGAAER préconisaient ainsi de renforcer l'efficience des fonds publics consacrés à l'aide alimentaire en leur assignant des fonctions et des objectifs précis. Le but était d'aboutir à une gestion des programmes européen et national d'aide alimentaire plus transparente pour l'ensemble des acteurs impliqués, plus équitable pour les associations caritatives et plus efficaces quant à la qualité du service de distribution (traçabilité, adéquation offre/demande) de l'aide alimentaire. La Cour des comptes recommandait de son côté de : rendre plus transparentes les procédures relatives à la désignation des associations bénéficiant des crédits européens et nationaux ; s'assurer de la couverture de l'ensemble du territoire, y compris les départements d'outre-mer ; veiller à la continuité du service pour l'ensemble des bénéficiaires toute l'année ; fiabiliser les données statistiques, financières et de traçabilité de l'aide alimentaire apportée par des fonds publics. Tirant les enseignements de ces rapports, la LMAP a introduit un nouveau dispositif d'habilitation des associations bénéficiaires de contributions publiques et de collecte des données destiné à assurer un suivi plus fin de l'évolution des besoins en aide alimentaire. Ces nouvelles dispositions, définies par décret - dont l'entrée en vigueur n'est prévue qu'en 2013 -, s'inspirent des pratiques actuellement en place dans les associations, avec la volonté de n'engendrer aucun surcroît de travail administratif inutile pour les bénévoles. Afin de décharger les associations locales des démarches administratives induites, les têtes de réseau associatives pourront ainsi demander une habilitation pour les membres de leur réseau qui n'auront dès lors pas à faire de démarche propre. Les arrêtés d'application seront également construits dans cet esprit et feront l'objet d'une concertation étroite avec le monde associatif, notamment l'Union nationale interfédérale des oeuvres d'organismes sanitaires et sociaux et la Fédération nationale des associations de réinsertion sociale. Ce nouveau cadre permettra d'améliorer le service rendu aux personnes accueillies en rendant possible un meilleure pilotage de l'aide alimentaire au regard de l'augmentation continue du nombre de bénéficiaires, de l'évolution de leurs caractéristiques socio-économiques, et de l'appréhension de leurs besoins. La France reste par ailleurs très attachée au maintien d'un programme européen d'aide alimentaire pour les plus démunis (PEAD). Le programme actuel, qui ne représente que 1 % du budget de la PAC, vient en aide à plus de 13 millions d'Européens et est le signe tangible de la solidarité de l'Union envers tous ses citoyens. Elle regrette qu'à la suite d'un arrêt du Tribunal de Luxembourg, la Commission européenne ait réduit ce programme de 500 Meuros à 113 Meuros. Cet arrêt n'a cependant pas remis en cause le programme en tant que tel. Elle a donc demandé à la Commission européenne d'examiner le plus rapidement possible toutes les solutions de nature à le conforter pour l'avenir.
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