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Michel Liebgott
Question N° 11337 au Ministère de la Justice


Question soumise le 27 novembre 2007

M. Michel Liebgott interroge Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur le projet de loi d'adaptation du droit pénal au statut de Rome, fondateur de la Cour pénale internationale (CPI). La France a ratifié le statut de la Cour pénale internationale le 9 juin 2000, sans que pour autant aient disparu de son droit interne les obstacles à une pleine et entière application des dispositions retenues par la CPI. Des associations de défense de droits de l'homme, à l'instar de l'Action des chrétiens pour l'abolition de la torture (ACAT), s'inquiètent ainsi de diverses lacunes susceptibles de mener à de dangereuses dérives. Si le projet de loi reconnaît désormais la compétence de la CPI pour les crimes de guerre, il n'en demeure pas moins que ces derniers sont considérés dans leur traduction en droit interne comme des crimes de droit commun. Des militaires ou citoyens français accusés de crimes de guerre pourraient donc se voir juger par la CPI au nom du principe de subsidiarité, puisque non jugeables en France pour crimes de guerre au cours d'un conflit armé. Cette mesure manque d'autant plus de force, que dans le projet de loi, ces crimes sont prescriptibles, contrevenant de fait au régime d'imprescriptibilité retenue par la CPI. Le projet de loi ne reconnaîit pas plus aux tribunaux français une compétence universelle pour les crimes relevant du Statut de Rome consistant en la possibilité de poursuivre les criminels de guerre quels que soient le lieu du crime, la nationalité de l'auteur ou celle de la victime. C'est ici le principe de complémentarité de la CPI qui est mis en cause car les tribunaux français seraient dans l'incapacité de juger des criminels de guerre se trouvant sur le territoire national. Notre pays doit donc se doter de cette compétence universelle ou compétence territoriale élargie, faute de quoi la France risquerait, contre son gré, d'abriter des futurs criminels de guerre bénéficiant d'une scandaleuse impunité. Il lui demande donc de modifier le projet de loi, d'y intégrer clairement les crimes de guerre en droit français, avec compétence territoriale élargie et de prévoir leur imprescriptibilité.

Réponse émise le 3 mars 2009

La garde des sceaux, ministre de la justice, a l'honneur d'indiquer à l'honorable parlementaire que le projet de loi portant adaptation de la législation pénale française au statut de la Cour pénale internationale a été adopté en première lecture par le Sénat. Après l'adoption de la loi n° 2002-268 du 26 février 2002 relative à la coopération avec la Cour pénale internationale, ce projet de loi a pour objet l'adaptation de notre législation interne à la convention portant statut de la Cour pénale internationale, signée à Rome le 18 juillet 1998, en créant des incriminations spécifiques en droit français pour les crimes et délits de guerre. Les juridictions françaises peuvent, dès à présent, poursuivre les responsables de tels crimes, sur le fondement des incriminations de droit commun. Les crimes contre l'humanité ainsi que les crimes et délits de guerre ne bénéficient donc d'aucune impunité en droit français et les victimes de ces crimes et délits peuvent porter plainte et obtenir des réparations. Cependant, quoique la convention de Rome portant statut de ladite Cour n'oblige pas les États qui y sont parties à prévoir dans leur droit interne de telles infractions, le projet de loi comporte les incriminations nécessaires permettant au droit pénal français de couvrir, de la manière la plus complète possible, les comportements prohibés par ce traité. L'établissement en droit français de la règle de l'imprescriptibilité des crimes de guerre n'a pas été retenu. Une telle règle doit rester la marque des faits les plus intolérables à l'égard desquels notre société refuse que le temps écoulé fasse obstacle aux poursuites. Le projet de loi instaure un délai étendu de prescription propre aux crimes de guerre en portant celle-ci de dix à trente ans pour tenir compte de leur gravité sans toutefois banaliser l'imprescriptibilité. C'est pourquoi dans notre droit, seuls les crimes contre l'humanité sont imprescriptibles. En ce qui concerne la mise en oeuvre d'un mécanisme de compétence universelle, le fondement juridique d'une telle compétence n'apparaît pas établi lorsqu'elle n'est pas expressément prévue par ladite convention internationale. Or, tel n'est pas le cas de la convention de Rome portant statut de la Cour pénale internationale, qui confère à cette dernière seule une vocation universelle et les moyens juridiques pour l'exercer. Par ailleurs, lorsqu'une convention internationale prévoit explicitement une telle compétence, l'applicabilité à des ressortissants d'États non parties à cette convention est une question controversée, ce qui limite la portée de telles clauses de compétence universelle. Dès lors, outre les problèmes pratiques liés à l'exercice d'une telle compétence, des difficultés juridiques font obstacle à son établissement. Enfin, la France ne risque pas d'abriter, contre son gré, « de futurs criminels de guerre bénéficiant d'une scandaleuse impunité » puisqu'elle dispose, avec la loi n° 2002-268 du 26 février 2002 relative à la coopération avec la Cour pénale internationale, de la faculté de procéder, en vertu des articles 627-4 à 627-15 du code de procédure pénale, à l'arrestation et à la remise à la Cour pénale internationale de tels criminels.

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