M. Michel Voisin souhaite appeler l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur la nécessité de procéder à un « équilibrage écologique » concernant les aides publiques aux agrocarburants. Face au risque de disparition des ressources en énergies fossiles, la nécessité de produire des agrocarburants est devenue impérieuse et, de surcroît, cette activité devient rentable avec la flambée des prix du pétrole brut (de 18 à 42 centime par litre entre 2003 et aujourd'hui). Or, il s'agit d'ores et déjà de se prémunir contre les effets pervers que cette nouvelle politique pourrait développer et de ne pas faire exploser le prix des produits agricoles utilisés et risquer ainsi d'abaisser le pouvoir d'achat de nos concitoyens et, pire, d'affamer certaines populations. Aussi, ne serait-il pas souhaitable de mettre en place les dispositifs adéquats (peut-être une banque européenne ou mondiale des matières premières agricoles) dont l'objectif serait de favoriser la stabilité des prix, d'organiser les échanges, d'initier des mesures de rééquilibrage en cas de surproduction ou de sous-production et garantir l'approvisionnement des pays les plus pauvres ? Dès lors, il demande quelles sont les intentions du Gouvernement vis-à-vis de ces propositions et les mesures qu'il compte prendre à l'avenir pour assurer l'équilibre nécessaire en la matière.
Le Gouvernement considère qu'il est fondamental que les nouveaux débouchés des matières premières agricoles, en particulier les biocarburants, ne portent pas préjudice à la sécurité alimentaire et répondent à des critères de durabilité environnementale, sociale et économique. À cet égard, l'évaluation de l'impact des biocarburants sur l'augmentation des prix des matières premières agricoles pour l'alimentation est une question complexe. Une analyse récente de l'Institut français pour les relations internationales (IFRI) et de l'Office français de la conjoncture économique (OFCE) fait apparaître clairement que l'augmentation de la demande mondiale de produits agricoles sera très soutenue dans les prochaines années, principalement en raison de l'accroissement démographique des régions émergentes et très peuplées du globe et, dans une moindre mesure, en raison du développement des bioénergies. De telles hausses auront un impact négatif pour les régions qui sont durablement dans une situation d'importateurs nets de matières premières agricoles et énergétiques. Cependant, pour d'autres pays, l'augmentation des prix de ces matières premières résultant en premier lieu de la demande alimentaire peut contribuer positivement au développement économique, en particulier agricole et rural et s'avérer ainsi, à terme, bénéfique pour la sécurité alimentaire mondiale. La réflexion se développe actuellement sur ces sujets au niveau international, puisque l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (OAA-FAO) organisera un séminaire au premier semestre 2008 sur ces questions. Les objectifs de développement des biocarburants dans notre pays sont compatibles et cohérents avec ces prévisions. Ainsi, une étude publiée récemment par l'Office national interprofessionnel des grandes cultures (ONIGC) montre que l'incorporation de 7 % de biocarburants en 2010 est réalisable sans mettre en cause notre capacité à produire pour les marchés alimentaires et sans modification des systèmes de production. Par ailleurs, l'Institut national de la recherche agronomique (INRA) a récemment publié le résultat de sa prospective pour 2013, dans lequel il est montré que l'objectif de 5,75 % est atteignable au niveau français et européen et que sa réalisation permettra de soutenir les revenus des agriculteurs français sur le long terme, quel que soit le scénario de réforme de la politique agricole commune ou d'accord à l'Organisation mondiale du commerce. S'agissant de l'objectif européen de 10 % en 2020, une évaluation de la Commission européenne a montré qu'il devrait nécessiter 15 % des surfaces en grandes cultures de l'Union européenne, sans avoir de conséquences majeures sur les marchés des céréales et oléagineux. Les objectifs d'incorporation de biocarburants en France et en Europe aux horizons 2010 et 2020 sont donc réalistes et modérés et ne compromettent pas la sécurité alimentaire de l'Europe et de la France. Ils visent par ailleurs à anticiper les évolutions des marchés mondiaux dans les années à venir, en particulier des débouchés à l'exportation, grandement dépendants des aléas climatiques à court terme et, à moyen terme, des équilibres mondiaux entre pays producteurs et de l'accroissement démographique des différentes régions du globe. Enfin, le Gouvernement mène des évaluations régulières des impacts du développement des biocarburants, afin de garantir leur durabilité environnementale, sociale et économique. À la suite du Grenelle de l'environnement, un bilan environnemental des biocarburants a été confié à l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME). Ce bilan sera copiloté par les ministères chargés de l'agriculture et de l'écologie et portera sur trois aspects : réaliser un bilan environnemental des biocarburants de première génération ; analyser les perspectives des carburants de deuxième génération ; proposer un plan de développement des biocarburants à haute qualité environnementale qui s'appliquera aux biocarburants de première et deuxième génération, ainsi qu'aux biocarburants importés. Dans le même esprit, le Gouvernement contribuera au débat européen sur la définition des critères de durabilité associés à la réalisation de l'objectif d'incorporation de 10 % de biocarburants et aux débats internationaux à venir.
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