M. Hervé Féron attire l'attention de M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation, sur les conclusions du rapport final de l'Observatoire des prix et des marges alimentaires, dont l'objectif était de voir si les industriels et les distributeurs répercutaient les chutes de prix à la production. Le rapport fait la lumière sur les marges brutes des uns et des autres. On découvre ainsi que les marges brutes de la distribution sur dix ans ont énormément augmenté pour devenir à la fois très confortables et peu influencées par l'effondrement des prix aux producteurs. En d'autres termes, quels que soient les prix payés aux producteurs, les marges de la grande distribution sont confortables. Si l'on prend ainsi l'exemple de la côte de porc, le distributeur prend 55 % du prix pour lui (16 points de plus qu'il y a dix ans) ; la part de l'éleveur, elle, est passée à 36 % (9 points de moins). S'agissant du lait ou du beurre, la part des producteurs a baissé aussi. Si on regarde les fruits et légumes, la marge brute du distributeur sur le melon serait de 50 %. Il lui demande quelle est sa réaction à la lecture de ces conclusions et s'il trouve que l'augmentation de marges des distributeurs, au détriment des agriculteurs, est justifiée.
Créé en octobre 2010 par les ministères de l'agriculture et de l'économie dans le cadre de la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche (LMAP) et opérationnel depuis janvier 2011, l'Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires (OFPMA) a pour objectif principal de garantir la transparence sur les prix des produits alimentaires. Cette transparence passe par l'identification de la valeur ajoutée et des marges nettes de chaque acteur de la filière agroalimentaire, du producteur agricole au transformateur industriel et au distributeur. Les travaux de l'Observatoire ont dans ces conditions essentiellement porté sur la formation des prix et des marges au cours des transactions de l'ensemble des filières alimentaires (agriculture, pêche et aquaculture) et également sur l'étude des coûts de production, de transformation et de distribution des produits agricoles afin de répondre à la fois aux attentes des producteurs et des consommateurs. Le premier rapport de l'OFPMA, publié le 27 juin 2011, réalisé avec le concours de FranceAgriMer (établissement national des produits de l'agriculture et de la mer) et remis au Parlement, présente les premiers résultats de ses travaux sur l'analyse de la formation des prix et des marges des produits alimentaires. Ce rapport a été alimenté par les résultats des groupes de travail mis en place fin 2010 pour les principales filières agroalimentaires suivantes : les fruits et légumes, les produits laitiers, la viande bovine, la viande porcine et les volailles. Ces groupes de travail sont composés de représentants des secteurs agricoles et agroalimentaires, des organisations syndicales d'exploitations agricoles, du commerce et de la distribution et des industries de transformations. Pour chacune de ces filières, le rapport présente les données de prix, les évaluations de marges brutes unitaires (dont il convient de rappeler qu'elles représentent essentiellement des coûts et des charges comme la transformation, la logistique et la main-d'oeuvre) et des coûts à différents stades de la production à la distribution. Une première analyse du rapport montre que les marges commerciales des distributeurs sont en général plus importantes que les marges des industriels et des producteurs pour la majorité des filières agroalimentaires. Ainsi pour les fruits et légumes, les taux de marges brutes au détail en grandes et moyennes surfaces (GMS) varient en moyenne de 35 % à 59 %. Ils peuvent dépasser 100 % sur des produits relativement peu chers (pomme, carotte, laitue, banane...), soit un prix au détail au moins égal au double du prix à l'expédition, pour couvrir un montant de charges de distribution indépendant du prix du produit (un fort taux de marge peut également être plus facilement appliqué sur ces produits peu chers car son impact sur le niveau du prix au détail reste relativement modeste). Dans certains cas, un fort taux de marge peut aussi s'appliquer à un produit fragile dont le prix est déjà élevé à l'expédition, afin de couvrir des pertes importantes en rayon (vente en vrac). Pour les produits laitiers de grande consommation, l'étude portant sur 2009 ou 2010 selon les produits (2009 pour l'emmental et le yaourt, 2010 pour le lait UHT), les marges industrielles représentent une part du prix au détail de 16 % pour l'emmental, de 39 % pour le lait UHT et de 50 % pour le yaourt, tandis que les marges commerciales des grandes surfaces représentent 35 % du prix de l'emmental, 22 % du prix du lait UHT et 30 % du prix du yaourt. Pour la viande bovine, sur les données observées entre juillet 2010 et mars 2011, les marges des industriels représentent en moyenne 23 % du prix du détail, contre 29 % pour les marges des distributeurs ; toutefois la part du prix de la matière première agricole (à partir de laquelle se rémunèrent les agriculteurs) demeure relativement plus élevée, représentant 43 % du prix de détail. Enfin pour la viande porcine, l'étude porte sur l'année 2010 entière : s'agissant de la longe, la marge brute des grandes surfaces dépasse 50 % du prix du détail et la part du prix de la matière première (revenant aux agriculteurs) représente 35 % du prix de détail, tandis que s'agissant du jambon cuit, cette marge atteint 45 % contre seulement 13 % pour la marge des industriels et 31 % pour le prix de la matière première revenant aux agriculteurs. L'étude de comparaison des marges n'a pu avancer concernant les volailles, les prix « sortie industrie » n'étant pas encore disponibles. En l'état actuel, ce premier rapport réalisé moins d'un an après le lancement des travaux de l'Observatoire, constitue un « état des lieux » de la situation au sein de ces principales filières agroalimentaires. À ce stade, il est à noter que l'un des plus gros efforts entrepris par les groupes de travail de l'Observatoire a été de mettre à plat les modèles de formation des prix, de parvenir à un accord sur les références choisies et, à partir de là, d'évaluer les marges brutes aux différents stades des filières. Toutefois, cette analyse de la situation demeure encore partielle tant en ce qui concerne le champ des produits couverts que le niveau d'approfondissement qui a pu être atteint. En effet, le rapport demeure encore incomplet sous plusieurs aspects : les marges des distributeurs sont des marges brutes et la marge nette (égale à la marge brute diminuée des charges) serait nettement plus utile à l'analyse du partage de la valeur ajoutée entre les différents acteurs des filières agricoles ; les approches méthodologiques pour identifier ces marges sont différentes selon les filières ; l'absence d'homogénéité dans l'étude de la comptabilité analytique des différentes filières et des données manquantes est à noter ; les périodes d'études pour l'analyse des marges sont différentes selon les filières. En matière de connaissance des coûts aux différents stades des filières, la principale carence de données disponibles se situe au niveau des rayons de la grande distribution. Les prochains travaux de l'Observatoire devront donc approfondir ces questions en vue d'améliorer et d'homogénéiser ces différentes approches des coûts de productions agricoles pour être en mesure d'analyser le partage de la valeur ajoutée entre les acteurs des différentes filières agricoles. Ces travaux porteront également sur l'extension à de nouvelles filières comme le poisson et le vin. Dans ce contexte, le ministre de l'agriculture, à qui a été remis le rapport le 27 juin dernier, a indiqué, qu'à la suite de ces premiers résultats, il demandait aux différents acteurs d'accroître la transparence sur les marges nettes, en particulier au niveau de la distribution, en matière de produits alimentaires dans l'intérêt des distributeurs, des consommateurs et des producteurs ; d'introduire des mécanismes de la négociation sur les prix en cas d'augmentation ou de diminution brutale du coût de production pour les producteurs, comme cela se pratique en Allemagne ; d'inciter les producteurs à mieux s'organiser et se rassembler pour pouvoir négocier les prix dans une relation plus équitable avec les distributeurs. En particulier, il convient d'appliquer l'accord volontaire du 3 mai 2011 signé par le ministre de l'agriculture avec les représentants des producteurs (filières porcine, bovine et avicole), des transformateurs et de la distribution qui doit assurer une meilleure répercussion de la volatilité des cours des matières premières dans les prix des produits issus de ces filières. Dans le cadre de cet accord, l'ensemble de ces acteurs se sont engagés à ouvrir des négociations sur les conditions de vente de leurs produits en cas de variation excessive à la hausse et à la baisse des prix des aliments des bovins, porcs et volailles. Ce rapport peut donc contribuer à une relation plus équitable avec les distributeurs. Ainsi, les évolutions demandées devraient permettre la mise en place d'une nouvelle organisation agricole donnant plus de poids aux producteurs sur la formation des prix et plus respectueuse de l'équilibre entre les différents acteurs des filières agricoles. Enfin, à terme, l'objectif sera de disposer d'un outil d'observation couvrant l'ensemble des filières agricoles permettant d'assurer un suivi régulier des prix et des marges et capable d'éclairer les décideurs professionnels et politiques en cas de crise.
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