M. Christian Hutin attire l'attention de M. le ministre du travail, de l'emploi et de la santé sur le projet de modification par décret de la gouvernance du FIVA (Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante), créant ainsi une inquiétude chez les victimes et leurs associations. Ces dernières ont écrit au ministre, pour lui demander de revenir sur ce projet consistant, d'une part à augmenter la représentation des employeurs au sein du conseil d'administration du fonds et, d'autre part, à modifier la désignation du président du conseil d'administration : alors que le décret pris en application de l'article 53 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 créant le FIVA, prévoit que la présidence du conseil d'administration reviendrait à un président de chambre de la Cour de cassation, le futur texte devrait élargir le recrutement parmi les hauts fonctionnaires du Conseil d'État ou de la Cour des comptes. Devant les protestations soulevées par ce projet, le ministère du travail a annoncé aux partenaires sociaux siégeant à la Cat-MP (commission des accidents du travail et des maladies professionnelles) de la CNAM-TS, qu'il renonçait à augmenter la délégation patronale au sein du conseil, mais qu'il maintenait « l'élargissement » du recrutement du président. Comme les associations de victimes, nous estimons que cette modification n'est pas seulement de nature administrative ; elle remet en cause la nature même du FIVA, établissement public remplaçant un premier degré de juridiction et permettant ainsi une indemnisation en routine des victimes de l'amiante, sans que celles-ci n'aient besoin d'engager de procédures judiciaires. C'est la nature même de sa mission qui avait conduit le législateur à désigner un magistrat pour le présider. Et c'est tout naturellement que le décret pris en son application avait retenu un président de chambre de la Cour de cassation. Ce choix traduit bien, en effet, l'esprit et la lettre de la volonté du législateur de placer à la présidence de cet établissement public un magistrat de l'ordre judiciaire et de privilégier ainsi la mission judiciaire d'indemnisation de cet établissement public et non sa nature administrative. Cela est d'autant plus justifié que le FIVA offre une indemnisation de droit civil et que l'essentiel du travail du conseil d'administration est d'adapter son barème d'indemnisation au droit civil et à ses évolutions législatives et jurisprudentielles. La compétence en droit civil, alliée à l'indépendance d'un magistrat de l'ordre judiciaire à l'égard du pouvoir exécutif constituent en effet deux garanties nécessaires pour le fonctionnement d'un fonds d'indemnisation destiné à remplacer un premier degré de juridiction. Aujourd'hui, le Gouvernement semble revenir sur ces choix. Comment le ministre peut-il justifier ce revirement, autrement que par la volonté de mieux contrôler le président du conseil, de s'assurer ainsi une majorité automatique au sein de cette instance, le président ayant voix prépondérante dans le conseil, en cas de partage des voix entre payeurs et les représentants des victimes pour pouvoir, au fil du temps, maîtriser ou baisser les indemnisations des victimes de l'amiante.
Le ministre du travail, de l'emploi et de la santé a pris connaissance avec intérêt de la question relative aux modifications de la gouvernance du Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA). Le sort des personnes exposées à l'amiante et de leurs proches est une préoccupation constante du Gouvernement. C'est ainsi que sur proposition de celui-ci la dernière loi de financement de la sécurité sociale a porté de 4 à 10 ans la durée de prescription prévue pour l'indemnisation des préjudices qu'ils ont subis, avec des conditions d'entrée en vigueur permettant l'application de cette mesure y compris aux victimes dont la demande d'indemnisation était prescrite. Le décret n° 2011-1250 du 7 octobre 2011 ne remet pas en cause, au profit du patronat, l'équilibre entre les organisations représentées au conseil de ce fonds. Les organisations syndicales de salariés (CGT, CGT-FO, CFTC et CFDT), qui ont examiné ce projet de décret lors de la commission des accidents du travail et des maladies professionnelles du 21 juin 2011, ne l'ont d'ailleurs pas accueilli défavorablement. Il élargit le champ de recrutement du président du conseil d'administration du FIVA. Aujourd'hui, en effet, en application du décret actuel, seul un magistrat de l'ordre judiciaire peut présider ce conseil, alors que la loi parle de magistrat sans préciser qu'il doit s'agir d'un magistrat de l'ordre judiciaire. Or le FIVA n'est pas un premier degré de juridiction de l'ordre judiciaire : c'est un établissement public administratif placé sous la tutelle conjointe des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget qui peuvent à ce titre s'opposer aux délibérations de son conseil d'administration ; celui-ci définit la politique d'indemnisation du fonds, mais celle-ci, au contraire de dispositions législatives ou réglementaires, ne lie pas les juridictions, devant lesquelles la victime peut toujours contester l'indemnisation qui lui est proposée. Le conseil d'administration doit donc avant tout être le lieu où s'élaborent, entre les partenaires sociaux, les associations de victimes et l'État, dans un esprit constructif et d'écoute, les orientations qui déterminent le niveau d'indemnisation des victimes de l'amiante. Son président, à cet égard, joue un rôle déterminant ; son indépendance est nécessaire ; il n'est pas indispensable, en revanche, qu'il soit un magistrat de l'ordre judiciaire. C'est pourquoi le Gouvernement souhaite élargir le champ de recrutement du président aux présidents de tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ainsi qu'aux magistrats de la Cour des comptes. L'indépendance de ces institutions vis-à-vis de l'État ne saurait être contestée, comme l'a par exemple montré la reconnaissance, par les juridictions administratives, en 2001 et 2004, de la responsabilité de l'État dans la survenue du drame de l'amiante. Par décret publié le 8 octobre 2011, Mme Claire Favre, présidente de la Cour de cassation a été nommée présidente du conseil d'administration du FIVA à l'occasion du renouvellement de sa composition. Il apparaît enfin utile de signaler que le décret n° 2011-1250 du 7 octobre 2011 comporte par ailleurs deux dispositions, aux articles 2 et 3 qui permettent de faciliter les demandes d'indemnisation déposées auprès du FIVA. À ce titre, il modifie la composition de la commission d'examen des circonstances d'exposition à l'amiante en élargissant son champ de recrutement avec l'objectif de fluidifier la régularité de son fonctionnement et éviter qu'elle soit empêchée de se réunir faute de disponibilité de ses membres. Par ailleurs, il supprime l'obligation pour les victimes de pathologies réputées en relation avec l'amiante que le certificat médical soit établi par un médecin spécialiste ou compétent en pneumologie ou en oncologie.
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