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Jean-Yves Le Déaut
Question N° 111987 au Ministère du Commerce


Question soumise le 28 juin 2011

M. Jean-Yves Le Déaut attire l'attention de M. le secrétaire d'État auprès de la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé du commerce extérieur, sur les très mauvais résultats du commerce extérieur français en avril 2011. En effet, la France a enregistré un déficit commercial de 7,14 milliards d'euros au mois d'avril, bien plus que les 6,40 milliards qui constituaient le précédent record. Pire, au delà du chiffre mensuel calculé sur les douze derniers mois, le déficit cumulé des échanges commerciaux atteint désormais 61,27 milliards d'euros, largement plus que les 51,41 milliards enregistrés sur l'ensemble de l'année 2010. Il lui demande quelle analyse fait le Gouvernement de ces déplorables résultats.

Réponse émise le 18 octobre 2011

La dégradation du solde du commerce extérieur français s'est accentuée depuis le début de 2011 : au cours des sept premiers mois de 2011, le déficit s'élève à 43,9 Mdeuros, soit environ 15 Mdeuros de plus qu'à la même période en 2010 sous l'effet d'une hausse des importations (+ 14,6 %) supérieure à celle des exportations (+ 9,5 %). L'alourdissement de la facture énergétique explique en grande partie le creusement du déficit commercial français au cours des années 2000 et plus de la moitié de sa dégradation début 2011. En effet, la facture énergétique s'alourdit de 8,7 Mdeuros entre janvier-juillet 2010 et la même période en 2011 et s'établit désormais à 35,5 Mdeuros, en lien avec le renchérissement du prix du pétrole et du gaz. Toutefois, le poids croissant de la facture énergétique ne doit pas occulter la dégradation du solde hors énergie qui s'est progressivement creusé pour s'établir à - 7,1 Mdeuros au premier semestre 2011, contre - 2,8 Mdeuros au semestre précédent, ce qui constitue un record pour la France. 1. Plusieurs facteurs conjoncturels peuvent être invoqués pour expliquer la mauvaise performance récente de la France à l'export. La dégradation récente du solde commercial peut s'expliquer par la bonne tenue relative de la demande intérieure totale. Le dynamisme des importations fait écho à une demande intérieure soutenue. Au premier trimestre 2011, cette dernière a été globalement plus allante en France que chez ses principaux partenaires européens : + 1,3 % (en glissement trimestriel) contre + 1,1 % en Allemagne, 0,0 % en Espagne, - 0,1 % en Italie et - 1,3 % au Royaume-Uni. Alors qu'elles s'étaient moins repliées au coeur de la crise, les exportations de la France sont moins dynamiques que celles de ses principaux partenaires européens depuis le troisième trimestre 2010. Les exportations françaises n'ont ainsi pas encore retrouvé leur niveau d'avant-crise (en volume comme en valeur), à l'inverse de celles de l'Allemagne, de l'Italie, du Royaume-Uni et de l'Espagne. Par ailleurs, la demande mondiale adressée à la France a été moins soutenue que pour ses principaux partenaires européens. Au premier trimestre 2011, la croissance de la demande mondiale adressée à la France a été moins forte (+ 2,0 % en variation trimestrielle) qu'en Allemagne (+ 2,3 %), qu'en Italie (+ 2,3 %) et qu'au Royaume-Uni (+ 2,6 %). Cette moindre performance s'explique par un positionnement géographique et sectoriel moins favorable. Les secteurs qui avaient le mieux résisté pendant la crise (aéronautique et pharmacie) ont perdu de leur dynamisme. De fait, les exportations de ces deux secteurs sont en repli au premier semestre 2011 et l'excédent de la pharmacie se contracte pour atteindre 750 Meuros contre plus de 1,5 Mdeuros au semestre précédent. Le secteur agroalimentaire contribue quant à lui positivement à l'évolution du solde commercial ; en effet, l'excédent s'améliore de près d'1 Mdeuros pour atteindre 5,4 Mdeuros au premier semestre 2011. En termes géographiques, début 2011, le décrochage des ventes françaises par rapport à celles de ses principaux concurrents européens est principalement prononcé sur les grands marchés émergents : Inde, Brésil et Russie notamment, exception faite de la Chine, pays dans lequel les exportations françaises se maintiennent au niveau de celles de ses concurrents. Sur le marché européen (61 % des exportations totales), la performance française est également en retrait par rapport à celles de ses partenaires mais l'écart est moins marqué. En raison du faible dynamisme de la croissance européenne, aucun des grands pays européens n'a retrouvé son niveau d'exportation intracommunautaire d'avant-crise. 2. La dégradation de la performance française à l'export procède d'une tendance lourde et résulte principalement de causes structurelles. Deux facteurs « structurels » sont régulièrement invoqués pour expliquer l'essoufflement de la France sur les marchés d'exportation depuis près d'une décennie : l'augmentation du poids des économies émergentes dans le commerce mondial, et en premier lieu de la Chine devenue le premier exportateur mondial en 2009, a entraîné une érosion mécanique des parts de marché des principales économies de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) ; l'appréciation quasi-continue de l'euro entre 2002 et 2008 a pesé sur la compétitivité-prix de la plupart des principaux pays de la zone euro par rapport aux autres pays de l'OCDE. L'appréciation de l'euro pèse directement sur l'activité en France, en pénalisant les ventes hors zone euro mais aussi au sein de la zone euro du fait des pertes de compétitivité liées à la baisse des prix étrangers convertis en euro. Par ailleurs, elle pèse aussi sur l'activité des autres pays de la zone euro et donc indirectement sur la demande mondiale adressée à la France, dont le commerce est plus orienté vers cette zone. Ainsi, la part de marché en volume de la France par rapport à ses partenaires de l'OCDE est passée de 8 % en 2002 à 6,5 % en 2009 et évolue aux alentours de 6,3 % depuis 2010. L'appréciation globale de l'euro au premier semestre 2011 a continué de peser sur la compétitivité des producteurs français. Mais la France souffre d'abord et avant tout d'un handicap de compétitivité. La compétitivité-coût de la France s'est ainsi assez nettement détériorée au cours des années 2000, notamment par rapport à l'Allemagne, qui a mis en place une forte modération salariale et un assouplissement de son marché du travail et qui a également beaucoup externalisé à l'étranger la production de consommations intermédiaires. En outre, la France pâtit également d'un handicap « hors prix » lié à la faible part de la R&D privée et à son faible rendement. La France fait également les frais des faiblesses de son tissu d'entreprises exportatrices. L'appareil exportateur français est trop concentré sur les grandes entreprises (sur les 94 800 entreprises exportatrices françaises, les 1 000 premières assurent plus des deux tiers du chiffre d'affaires total à l'exportation) et manque d'un tissu efficace de « grosses PME » et d'entreprises de taille intermédiaire (ETI) capables d'internationalisation dans la durée. 3. Face à ces évolutions, la réponse du Gouvernement a porté à la fois sur la performance structurelle de l'économie française et sur notre appareil de soutien au commerce extérieur. La compétitivité de la France passe d'abord par sa productivité. Les réformes menées depuis 2007 en faveur des entreprises et de notre capacité d'innovation (crédit d'impôt recherche, réforme de la taxe professionnelle, dépenses d'avenir et réforme des universités) sont pour cela déterminantes. Un effort durable de maîtrise des coûts salariaux, notamment au niveau du salaire minimum interprofessionnel de croissance, est également indispensable. En complément, le renforcement de la concurrence, notamment à travers la loi de modernisation de l'économie, a contribué à limiter les coûts qui pèsent sur les entreprises. Enfin, il ne sera possible de limiter durablement les prélèvements sur le secteur productif qu'à travers un effort dans la durée de maîtrise des dépenses publiques, tel que celui que prévoit la loi de programmation des finances publiques. Ces efforts doivent être poursuivis pour être réellement efficaces, dans la durée. Le dispositif de soutien au commerce extérieur a été réformé pour mieux accompagner les PME et ETI françaises et mobiliser l'ensemble des acteurs pour leur offrir un service intégré. C'est le sens du plan d'action pour l'export présenté le 10 février par le secrétaire d'État au commerce extérieur : chartes régionales de l'export signées par l'État, les régions, les chambres de commerce et les conseillers du commerce extérieur de la France ; regroupement dans une « boîte à outils export » des offres de financement d'Oséo, de la Coface et d'Ubifrance ; objectifs d'accompagnement de la sous-traitance donnés aux grandes entreprises ; nouvelle démarche qualitative insufflée à Ubifrance. Par ailleurs, la moitié de la dégradation s'expliquant par la facture énergétique, un meilleur fonctionnement des marchés de matières premières contribuerait de manière importante à la stabilité de notre environnement international. C'est le sens des travaux impulsés par la France au sein du G20, s'agissant aussi bien du fonctionnement des marchés de produits de base que du fonctionnement des marchés financiers de produits dérivés.

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