Mme Marietta Karamanli attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire sur la situation des producteurs de lait. Les entreprises laitières qui achètent font pression pour que les exploitants signent rapidement les contrats les liant à elles et s'engagent à livrer à un certain prix. Les exploitants qui ont besoin de liquidité signent, aucune avance de fonds n'étant possible sans cette signature. Il est à noter que ces contrats limitent souvent la possibilité pour ces exploitants de pouvoir s'organiser et revendiquer collectivement de meilleures conditions de vente de la production ce qui paraît contestable au plan de l'exercice des libertés. Le prix de base payé aux exploitants n'est pas fonction du prix de revient qui est sensiblement le même sur l'ensemble du territoire. Ce prix payé aux exploitants est en décalage avec les coûts de production compte tenu de l'augmentation continue des charges et de la nécessité d'inclure dedans une juste rémunération du travail de l'exploitant et le remboursement des investissements qu'il supporte. Elle lui demande quelles mesures le Gouvernement entend prendre pour encadrer les négociations et proposer un prix d'achat de la tonne qui assure une juste rémunération des exploitants. Elle lui demande de faire un point des négociations européennes en vue de réguler le marché interne et les distorsions de concurrence pouvant exister du fait de réglementations sociales différentes.
La Loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche (LMAP) du 27 juillet 2010 a, notamment, pour objectif de renforcer le pouvoir de négociation des producteurs et d'améliorer la transparence du fonctionnement des marchés. L'article L. 631-24 du code rural et de la pêche maritime (CRPM) et le décret n° 2010-1753 qui en sont issus prévoient que, depuis le 1er avril 2011, tout acheteur de lait cru doit proposer aux producteurs de lait qui le fournissent un contrat écrit conforme aux dispositions définies par la loi et le décret. C'est dans ce cadre que des contrats ont été proposés par les industriels aux producteurs de lait avant l'échéance du 1er avril 2011. L'analyse du contenu de propositions de contrats montre que certaines clauses ne sont pas acceptables en l'état. Les producteurs de lait ne sont pas obligés de signer les contrats qui leur sont proposés par les industriels s'ils les jugent déséquilibrés. La négociation des clauses du contrat doit continuer. En attendant, la relation commerciale se poursuit dans les conditions antérieures. En cas de difficultés liées à la mise en place ou à l'exécution de ces contrats, et notamment de clauses qu'ils jugent abusives, les producteurs de lait peuvent faire appel au Médiateur prévu par la loi. Le décret relatif au Médiateur des contrats agricoles a été publié le 5 avril 2011 et le médiateur, M. Pierre Lepetit, inspecteur général des finances, a été nommé par arrêté du 7 avril 2011. Par ailleurs, parmi les clauses obligatoires prévues par l'article L. 631-24 du CRPM et du décret n° 2010-1753, figurent les modalités de détermination du prix du lait. Ces modalités doivent être définies précisément dans une clause négociée librement entre les parties. Parmi les indicateurs qui peuvent être retenus figurent les coûts de production du lait. Institué par la LMAP, l'Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires répond à une demande forte tant des professionnels que des pouvoirs publics, d'éclairage sur la formation des prix et des marges au sein de la chaîne de commercialisation des produits alimentaires. Le premier rapport a été rendu au Parlement début juillet. Ces travaux contribueront à rendre les relations commerciales entre les agriculteurs et les acheteurs plus transparentes. Dans un contexte de crise laitière, et pour préparer la fin du régime des quotas prévue à l'horizon 2013, un groupe à haut niveau dédié au secteur du lait a été instauré fin 2009, à la demande de la France, afin de proposer des perspectives à moyen terme pour la filière. Ce groupe a rendu le 15 juin 2010 un rapport comportant sept recommandations. Sur cette base, et dans un objectif de rééquilibrage du pouvoir de négociation des producteurs, la proposition de règlement dit « paquet lait » de la Commission européenne a été présentée en conseil des ministres de l'agriculture en fin d'année 2010. Elle est actuellement en cours de discussion au Conseil et au Parlement européen. Ce projet de texte s'inspire en grande partie des propositions portées par la France dans le cadre des travaux du groupe à haut niveau, et notamment la possibilité, pour les États membres, de rendre obligatoires les contrats écrits, de renforcer le pouvoir de négociation des producteurs et le rôle des interprofessions. Les mesures de ce paquet législatif reprennent également largement les dispositions de la LMAP, et notamment le renforcement du pouvoir de négociation des producteurs. Le renforcement du pouvoir de négociation des producteurs face à leurs acheteurs est en effet essentiel. Aujourd'hui, le regroupement des producteurs de lait en organisations avec mandat de négociation est déjà juridiquement possible. Aller plus loin nécessite une modification des règles de la concurrence au niveau communautaire. La proposition de règlement va dans ce sens et constitue donc une avancée importante. Dans ce cadre, des organisations de producteurs, propriétaires ou non du lait, regroupant jusqu'à 3,5 % de la production laitière européenne, soit environ 5 millions de tonnes de lait, auront la capacité de négocier collectivement les prix pour leurs producteurs. Pour bénéficier de cette dérogation, les organisations de producteurs devront avoir été reconnues par l'État membre. Un décret sur les organisations de producteurs sera publié dès l'adoption de ce règlement qui devrait intervenir courant 2011. Cette proposition est essentielle, car elle permettrait le regroupement des producteurs, et la constitution d'organisations de producteurs sans transfert de propriété d'une taille suffisante pour négocier le contenu des contrats avec les principaux groupes privés français. Pour la première fois, un projet de règlement communautaire instaure un encadrement du contenu des contrats afin d'assurer le bon fonctionnement du marché intérieur. Il fixe ainsi les exigences de base que devront contenir les contrats qui devront être conclus avant la livraison : la durée du contrat, le volume de lait à livrer et le calendrier des livraisons, le prix à payer pour la livraison qui pourra être fixe ou varier en fonction notamment de « l'évolution de la situation du marché, appréciée sur la base d'indicateurs de marché ». Ces dispositions reprennent et consolident celles contenues dans la LMAP. Les États membres pourront rendre ces contrats obligatoires. Le projet de règlement communautaire et la LMAP, défendus par le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire, sont ainsi une réponse concrète face à l'instabilité croissante des marchés et le déséquilibre du rapport de force dans les relations commerciales au détriment des producteurs. Afin de sécuriser le revenu des agriculteurs et de leur donner la visibilité nécessaire, ces deux textes posent les bases d'une nouvelle relation entre les acteurs de la filière laitière, dans la perspective de la réforme de la politique agricole commune dont la négociation s'engage.
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