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Michel Hunault
Question N° 110520 au Ministère des Affaires étrangères


Question soumise le 7 juin 2011

M. Michel Hunault interroge M. le ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes, sur le contrôle et les mécanismes d'évaluation et de surveillance du respect des droits humains, des normes environnementales et sociales par les sociétés multinationales et en particulier les sociétés extractives. Sur le plan international, de nombreuses initiatives ont vu le jour grâce à la banque mondiale, aux organisations non gouvernementales, à l'instar d'Amnesty international. Il lui demande s'il peut, en réponse, préciser sur le plan européen et plus généralement international, les initiatives qu'il entend prendre pour promouvoir une nouvelle gouvernance mondiale respectueuse des droits de l'Homme et de la dignité des populations.

Réponse émise le 16 août 2011

La diplomatie française compte parmi ses priorités la construction de cadres institutionnels améliorant la gouvernance mondiale en sorte que l'économie soit plus respectueuse des droits sociaux, des droits de l'Homme et de l'environnement. La définition de tels cadres vise aussi les entreprises multinationales, en particulier les sociétés extractives. La France s'investit, dans cet esprit, dans les négociations internationales relatives à la responsabilité sociale des entreprises (RSE). L'un de leurs enjeux centraux est en effet l'encadrement des initiatives volontaires des grandes entreprises pour prévenir les effets potentiellement prédateurs et déstabilisateurs aux niveaux local, national et mondial de certaines de leurs pratiques. À cette fin, la diplomatie française, comme seulement deux autres pays (la Suède et la Norvège) s'est dotée d'un poste d'ambassadeur thématique chargé de la responsabilité sociale des entreprises. L'ambassadeur en charge de cette problématique a représenté la France, appuyé par les services concernés, dans plusieurs négociations importantes caractérisées, d'une part, par le basculement de la RSE du domaine du facultatif souvent incantatoire à celui des engagements se rattachant à des formes de régulation internationale contraignante, et, d'autre part, par le passage d'une dimension géographique restreinte (les pays de l'OCDE) à une dimension quasi universelle. Notre pays milite en outre, depuis qu'il a exercé la présidence de l'Union européenne, du 1er juillet au 31 décembre 2008, pour que celle-ci réalise l'ambition affichée depuis le Livre vert de 2001 d'être un « pôle d'excellence de la RSE ». Le 13 septembre 2010 a été adoptée, après cinq ans de négociation, une norme du système ISO qui est la première norme internationale définissant de façon universelle les concepts et principes communs fondamentaux dont toute organisation doit s'inspirer pour adopter un comportement responsable vis-à-vis des sociétés dans lesquelles elle agit. La délégation française (patronat, syndicats, administrations, associations de consommateurs, experts et ONG) a joué un rôle clé dans le succès de cette négociation, animant le groupe des pays francophones et obtenant que la Chine, qui avait déclaré vouloir voter négativement lors des derniers scrutins et entraîner d'autres pays, adopte désormais une position favorable. Les principes directeurs de l'OCDE pour les entreprises multinationales, première norme multilatérale existant dans ce domaine, datant de 1976, ont été révisés. Le nouveau texte a été adopté le 25 mai 2011. Ils contiennent un chapitre entièrement nouveau sur la responsabilité des entreprises au regard du respect des droits de l'Homme, qui cite la charte des droits de l'Homme, et un nouveau paragraphe sur la nécessité pour elles d'être vigilantes sur les violations de droits et atteintes à l'environnement susceptibles d'apparaître dans la chaîne de sous-traitance. Ce texte insiste aussi sur le respect des droits sociaux et du travail, citant explicitement les huit conventions fondamentales de l'OIT. Les prescriptions relatives à la prévention de la corruption et à la fiscalité ont été renforcées. Les nouveaux principes organisent aussi le renforcement des « points de contact nationaux », mécanismes publics que tout État adhérent se doit de créer pour promouvoir ce document mais aussi traiter les plaintes qu'il pourrait recevoir pour non-respect de ce texte par des entreprises liées directement ou indirectement à son territoire. Outre les 30 pays de l'OCDE, 12 pays non membres ont adhéré aux principes, dont plusieurs émergents d'Amérique latine. La délégation française a été très active dans cette révision, faisant partie du comité restreint de négociation. Les principes directeurs sur les droits de l'Homme et les entreprises, adoptés à l'unanimité le 17 juin 2011 par le Conseil des droits de l'Homme des Nations unies, sont l'aboutissement du mandat d'un représentant spécial du secrétaire général des Nations unies pour les droits de l'Homme et les entreprises transnationales et autres entreprises créées en 2005 avec le soutien de la France. Ces principes, premier texte multilatéral traitant de ce sujet, reconnaissent, eux aussi, la charte des droits de l'Homme et les 8 conventions fondamentales de l'OIT comme socle que doivent respecter les entreprises, quels que soient les pays où elles interviennent et leur taille. Leur adoption a été complétée par la création d'un mécanisme de suivi et de vigilance sous forme d'un comité d'experts de cinq membres et d'un forum annuel. L'ambassadeur chargé de la RSE a contribué à ce travail à toutes ses étapes en suscitant le témoignage d'experts reconnus et de grandes entreprises françaises. Le guide OCDE sur le devoir de diligence pour des chaînes d'approvisionnement responsables en minerais provenant de zones de conflit ou à haut risque a été adopté le 25 mai 2011. Il constitue le premier exemple d'une initiative concertée, faisant intervenir de multiples parties prenantes, soutenue par les pouvoirs publics pour une gestion responsable de la chaîne d'approvisionnement en minerais provenant de zones de conflit. Son objectif est de préciser la manière dont les entreprises peuvent respecter les droits de l'Homme et de fournir des orientations pratiques visant à éviter toute implication dans des conflits. Il a été élaboré en liaison avec les gouvernements de onze pays africains (Angola, Burundi, République centrafricaine, République du Congo, République démocratique du Congo, Kenya, Rwanda, Soudan, Ouganda, Tanzanie et Zambie), avec des représentants de l'industrie, de la société civile, ainsi que de l'Organisation des Nations unies. L'initiative pour la transparence des industries extractives, lancée en 2003 dans le cadre du G7 d'Évian, a réuni à Paris les 2 et 3 mars 2011 son assemblée générale pour dresser un bilan d'action et définir son programme d'avenir. Plus de 1 000 participants issus de quatre-vingt pays y ont assisté. L'initiative regroupe sur une base volontaire États, compagnies extractives et organismes de la société civile qui souhaitent promouvoir, dans les pays riches en ressources naturelles, une meilleure gouvernance des revenus issus de l'exploitation des sous-sols. Le pays membre doit publier régulièrement un rapport rapprochant les recettes perçues par l'État des paiements versés par les entreprises au titre de l'exploitation des richesses naturelles (impôts, droits de douane, part de la production revenant à l'État, etc.). Cet exercice engage à plus de transparence et rend gouvernements et compagnies extractives (quelle que soit leur origine : ainsi, au Nigeria ou en Mongolie, les compagnies chinoises appliquent l'initiative pour la transparence des industries extractives) comptables de leurs activités. Trente-cinq pays extracteurs sont aujourd'hui membres, dont près de la moitié francophones. La France fait partie des pays donateurs qui partagent trois sièges au conseil d'administration. Le Président de la République a annoncé à cette occasion que la France souhaitait qu'une législation comparable à la loi Dodd-Frank, adoptée en juillet 2010 par les États-Unis et visant à accroître la transparence des revenus des compagnies pétrolières, gazières et minières côtées soit adoptée rapidement par l'Union européenne. L'Union européenne a aussi son rôle à jouer. Fruit de la relance opérée par la présidence française de l'Union européenne en 2008, une nouvelle communication de la Commission européenne sur la RSE est attendue en septembre prochain. Plusieurs réunions entre la Commission et les États membres ont préparé cette rédaction. Telle qu'annoncée, la communication articulera le concept de RSE avec la stratégie de croissance durable dite 2020, traitera largement de croissance verte et mettra l'accent sur le renforcement de la transparence des modes de décisions stratégiques des entreprises ayant des effets sociaux, environnementaux et en matière de droits de l'Homme. Enfin, demandé par le Parlement européen, un chapitre devrait traiter de l'inclusion d'obligations contractuelles relatives à la RSE dans les accords commerciaux européens. Un plan d'action transversal, concernant l'ensemble des politiques sectorielles menées par la Commission, devrait suivre dans le cadre de la stratégie 2020. Les positions que soutient la France suscitent un intérêt croissant dans les différentes régions du monde. Plusieurs organisations internationales actives dans la RSE, tels les « Principles for Responsible Investment », la « Global Reporting Initiative » et la Société Financière Internationale, ont sollicité le gouvernement français pour qu'il fasse partie de leurs comités d'orientation récemment créés. À ce titre, l'ambassadeur chargé de la RSE se rend fréquemment dans les principaux pays émergents pour dialoguer avec les autorités locales sur les politiques publiques de soutien au développement encadré de la RSE.

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