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Philippe Vigier
Question N° 109964 au Ministère du Travail


Question soumise le 31 mai 2011

M. Philippe Vigier attire l'attention de M. le ministre du travail, de l'emploi et de la santé sur l'amélioration de la pharmacovigilance. L'affaire du Médiator met en évidence la nécessité d'améliorer notre système de pharmacovigilance et de mieux prévenir le risque d'effets indésirables résultant de l'utilisation de médicaments dont l'utilité thérapeutique elle-même doit être revisitée. Dans cette optique, il semble nécessaire de renforcer le contradictoire dans les expertises et de prendre en considération l'avis des minoritaires, notamment en incluant les représentants des usagers dans des instances telles que la Haute autorité de santé (HAS) ainsi que l'y oblige la loi du 4 mars 2002. Par ailleurs, cette question ne concernant pas uniquement la France, mais l'ensemble des pays européens, les règles sanitaires concernant un sujet commun devraient être appréciées de la même manière par ces pays. Dans ce contexte, il demande s'il envisage une harmonisation des règles, permettant ainsi un échange d'informations non négligeables afin d'éviter la prolifération de médicaments inutiles, voire dangereux et mortels.

Réponse émise le 30 août 2011

Tout médicament doit faire l'objet, conformément aux dispositions de l'article L. 5121-8 du code de la santé publique, avant sa commercialisation, d'une autorisation de mise sur le marché (AMM) octroyée selon une procédure européenne ou nationale et dont les exigences en termes d'efficacité, de qualité et de sécurité, telles que posées par la directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 novembre 2001 instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain, sont strictement identiques, quelle que soit la procédure utilisée. Cette procédure implique notamment l'obligation, pour le laboratoire pharmaceutique demandeur, de réaliser des expertises analytiques, pharmacologiques, toxicologiques et cliniques destinées à vérifier entre autres l'innocuité du produit, ses effets thérapeutiques, ses éventuelles contre-indications, et les effets secondaires liés à la prise du médicament dans ses conditions normales d'utilisation. Dans ce contexte, l'évaluation d'une spécialité pharmaceutique se base sur l'appréciation d'un rapport bénéfice/risque établi à un moment donné (moment de l'évaluation) compte tenu des connaissances scientifiques disponibles tant sur le produit concerné que sur sa substance active ou encore sur la pathologie pour laquelle son indication est revendiquée. Aussi, dans la mesure où cette balance entre les bénéfices et les risques est favorable, l'AMM du produit peut être délivrée. Sur ce point, il importe de souligner que ce rapport bénéfice/risque n'est pas figé et est réévalué lorsque de nouvelles données tant sur les bénéfices que sur de nouveaux risques sont disponibles. En effet, s'agissant plus particulièrement de l'existence de risques d'effets indésirables liés à l'utilisation du produit, il peut être précisé que l'ensemble des risques de survenue d'effets indésirables, qui sont identifiés au cours des essais cliniques conduits dans le cadre de la demande d'AMM, sont mentionnés dans le résumé des caractéristiques du produit (RCP) de la spécialité concernée et figurent dans la notice d'information destinée au patient. Pour autant, les essais cliniques conduits et fournis à l'appui du dossier de demande d'AMM ne permettent pas toujours d'identifier et a fortiori de mesurer parfaitement les risques d'une spécialité en conditions réelles d'emploi. C'est pourquoi un processus de suivi des effets indésirables des médicaments est mis en oeuvre au niveau européen ainsi qu'au niveau national, dans le cadre du système national de pharmacovigilance, destiné à surveiller et à prévenir les risques d'effets indésirables, potentiels ou avérés, des médicaments dans le cadre de leur commercialisation. La pharmacovigilance comporte ainsi le signalement des effets indésirables et le recueil des informations les concernant, l'enregistrement, l'évaluation, l'exploitation de ces informations aux fins de prévention, la réalisation d'études ou de travaux concernant leur sécurité d'emploi (enquêtes, nationale, suivi national et européen etc.), ainsi que la mise en place d'actions telles que les modifications des informations destinées aux professionnels de santé et aux patients, la suspension et le retrait de l'AMM. Plus précisément, au niveau européen, la pharmacovigilance s'inscrit dans un large processus d'harmonisation. En effet, la directive 2001/83/CE précitée définit les règles harmonisées concernant l'autorisation, la supervision et la pharmacovigilance applicables aux médicaments à usage humain dans l'Union. La pharmacovigilance européenne repose ainsi sur un réseau de systèmes nationaux, - dont les États membres sont responsables -, coordonné par le Comité des médicaments à usage humain (CHMP), le Groupe de travail européen de pharmacovigilance (PhVWP) et le groupe de coordination pour les procédures de reconnaissance mutuelle et décentralisées (CMD). Dans ce système, les États membres ont pour rôle de recueillir, enregistrer et évaluer les données de pharmacovigilance, de transmettre les effets indésirables à l'Agence européenne du médicament (EMA) ainsi qu'aux laboratoires, et de les informer des mesures prises sur le territoire, de promouvoir et encourager le signalement des effets indésirables par les professionnels de santé et désormais directement par les patients, de participer et collaborer aux travaux du CHMP et du PhVWP ; et enfin de veiller à l'application des décisions de la Commission européenne. Pour ce faire, une base de données européenne commune de pharmacovigilance a été mise en place, sous le nom d'EudraVigilance. Cette base a pour but de permettre la transmission électronique des cas de pharmacovigilance, de centraliser dans un point de la communauté ces données ainsi que d'améliorer la communication et faciliter la collaboration entre les autorités compétentes. Ce système d'échange d'informations permet ainsi d'alerter et de prendre toute mesure utile, de manière harmonisée, dont le champ d'application s'étend à l'ensemble des États membres. Pour autant, au vu de l'expérience acquise et après l'évaluation par la Commission européenne du système de pharmacovigilance de l'Union européenne, des mesures destinées à renforcer le système communautaire de pharmacovigilance ont été posées par la directive 2010/84/UE du Parlement européen et du Conseil du 15 décembre 2010 modifiant, en ce qui concerne la pharmacovigilance, la directive 2001/83/CE instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain, qui entrera en vigueur en juillet 2012. Ainsi, un nouveau comité pour l'évaluation des risques en matière de pharmacovigilance est créé au sein de I'EMA afin notamment d'assurer dans l'ensemble de l'Union des réponses harmonisées aux préoccupations concernant la sécurité des médicaments. Un renforcement des systèmes de pharmacovigilance dans les entreprises est aussi mis en place. Ce dernier s'illustre notamment par l'instauration d'une surveillance supplémentaire pour les médicaments contenant de nouvelles substances actives et les médicaments biologiques, par l'instauration d'une surveillance permanente de la sécurité de ses médicaments, assorti d'une obligation d'informer les autorités de toute modification de nature à influer sur l'AMM et de veiller à ce que les informations relatives aux médicaments soient tenues à jour, ou encore par l'obligation de mettre en place un système de pharmacovigilance garantissant le suivi et la surveillance d'un ou plusieurs médicaments, enregistrés dans un dossier permanent du système de pharmacovigilance qui devra être constamment disponible à des fins de vérification par les autorités compétentes. Par ailleurs, à la demande de l'autorité compétente, des études de sécurité et d'efficacité postautorisation pourront être demandées au titulaire de l'AMM. La simplification de la notification des effets indésirables, qui se caractérise, d'une part, par l'utilisation de la base de données européenne Eudravigilance, désormais unique point de réception des notifications et, d'autre part, par la possibilité offerte aux patients de déclarer directement les effets indésirables, est également posée. Cette possibilité, expérimentée en France en 2007 et plus récemment lors de la campagne de vaccination contre la grippe H1 N1, vient d'être entérinée par la publication du décret n° 2011-655 du 10 juin 2011 relatif aux modalités de signalement par les patients ou les associations agréées de patients d'effets indésirables susceptibles d'être liés aux médicaments et produits mentionnés à l'article L. 5121-1 du code de la santé publique. Par ailleurs, des mesures relatives au renforcement de la transparence et de la communication sont instaurées. La rationalisation du processus décisionnel de l'Union sur les questions de sécurité des médicaments, et notamment la mise en place d'une procédure d'arbitrage d'urgence spécifique aux cas de pharmacovigilance, peut également être soulignée. Enfin, au niveau national, suite au dossier Mediator, les missions parlementaires, la seconde mission de l'Inspection générale des affaires sanitaires et sociales, ainsi que les « assises du médicament » dont les rapports ont été rendus publics en juin, ont élaboré des propositions de réformes du système sanitaire des produits de santé. L'enjeu principal de rénovation du dispositif sanitaire réside essentiellement dans la réforme des processus d'évaluation, de décisions, de suivi, d'utilisation et de promotion des produits de santé, afin de garantir une sécurité optimale aux patients, avec pour objectif principal de restaurer la confiance. À cet égard, les trois piliers de la réforme ont été présentés par le ministre chargé de la santé. Le premier pilier repose sur la lutte contre les conflits d'intérêt et la transparence des décisions. Cela passe, d'une part, par un renforcement de l'effectivité du système de déclaration et de gestion des liens d'intérêts des experts avec notamment la mise en place d'un Sunshine Act à la française (publication, sous la responsabilité de chaque industriel, de toutes les conventions et rétributions passées entre les laboratoires, les médecins, les experts, les sociétés savantes, les associations de patients et les organes de presse spécialisés, et si ces obligations de déclaration ne sont pas respectées, mise en oeuvre de sanctions), et d'autre part, par l'organisation d'une procédure d'expertise transparente et collégiale. Ensuite, le doute doit systématiquement bénéficier au patient à chaque étape de la vie du médicament. Dans le cadre de l'AMM, l'octroi de celle-ci devrait désormais être conditionné à la présentation de données comparatives avec les médicaments de référence lorsqu'ils existent. Aussi, en attendant cette évolution au niveau européen, des règles plus exigeantes pour la prise en charge des traitements par la collectivité seront-elles mises en oeuvre. Les prescriptions hors-AMM bien qu'indispensables dans certains cas et devant rester des situations exceptionnelles doivent être mieux encadrées et leurs risques associés maîtrisés. De plus, les outils et méthodes de la pharmacovigilance doivent également être renforcés afin de d'assurer un suivi proactif du médicament tout au long de sa vie. Par ailleurs, le champ des processus d'évaluation et de réévaluation des produits de santé sera élargi, notamment par le développement accru de la pharmacoépidémiologie, par la création d'une commission mixte bénéfice/ risque à l'AFSSAPS pour les sujets majeurs, avec parité des représentants de la pharmacovigilance et de l'AMM, ainsi que par des sanctions effectives des industriels en cas de non-réalisation dans les délais prévus des études postdemandées, ces sanctions pouvant aller jusqu'à la suspension de l'AMM. Dans le même sens, l'évaluation, la prise en charge, et la matério-vigilance des dispositifs médicaux seront également considérablement renforcées. Enfin, le troisième pilier de cette réforme vise à mieux informer les patients et professionnels de santé, ainsi qu'à renforcer la formation de ces derniers. Aussi, le projet de loi relatif à la réforme du système de sécurité sanitaire sera-t-il présenté au Parlement dès l'automne prochain.

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